On savait qu'il allait répondre devant la justice. Ce que l'on ne savait pas, c'était quand il allait le faire. Depuis ce mardi 30 avril, c'est désormais chose faite : Ahmed Ouyahia a bien été auditionné par le Procureur de la République au Tribunal de Sidi M'Hamed au centre d'Alger. Pendant au moins 4 heures, l'ancien Premier ministre a répondu à des accusations de «dilapidation des deniers publics et de privilèges indus».
Traque des anciens dignitaires du régime déchu
C'est la fin du grand flou qui entoure la comparution d'Ahmed Ouyahia. Ce dernier avait multiplié les dilatoires pour déférer à sa convocation. Le 20 avril dernier, la très redoutée Brigade des investigations, une unité de la Gendarmerie nationale, lui a remis sa convocation et le PV des accusations dont il devait répondre devant le Procureur durant ses quatre mandats à la primature entre 1995 et 2019.
Ce mardi martin vers 11 heures, Ahmed Ouyahia s'est présenté à son audition, escorté par un important dispositif sécuritaire, non sans bruit. A l'extérieur du prétoire, une foule de manifestants a scandé des slogans hostiles à l'ancien locataire de la primature, yaourts et pancartes à la main. Au plus fort de la contestation de la rue contre le cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika, la figure du Premier ministre a cristallisé toutes les oppositions au régime. Une pression suffisante pour le contraindre à la démission, le 2 avril dernier.
Ahmed Ouyahia n'est pas le premier dignitaire de l'ancien régime à passer par la case justice. La veille, Mohamed Loukal, le ministre des Finances a répondu des mêmes accusations devant le même tribunal avant de repartir libre sans laisser aucun mot aux journalistes. Et ils sont loin d'être les seuls à passer à la barre dans cette traque aux anciens dignitaires du régime et leurs affidés
Derrière la traque, une bataille Gaïd Salah Vs Saïd Bouteflika?
Au tribunal de Tipaza, à 60 km à l'ouest d'Alger, ce n'est pas la qualité de l'accusé mais l'intitulé des accusations qui change. Lundi dernier, Abdelghani Hamel, le chef de la police limogé en juin 2018, et son fils ont dû répondre des accusations «d'activités illégales, de trafic d'influence, de détournement de biens fonciers et d'abus de fonction». Bien que réfugié aux Etats-Unis, Chakib Kheli, l'ancien-ministre de l'Énergie, pourrait à nouveau avoir maille à partir avec la justice de son pays qui s'intéresse de près à un scandale de corruption dans lequel il serait empêtré.
Ces affaires à la chaîne entrent dans le cadre de la traque des dignitaires politiques du régime déchu et de leurs réseaux. Une traque qui vise des hommes d'affaires du cercle de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika avec notamment l'arrestation d'Ali Haddad, l'ancien patron des patrons mais aussi Issab Rebrab, le PDG du groupe Cevital ou encore les richissimes frères Koukinef. Une manière d'amorcer une reddition des comptes réclamée par les manifestants ? Loin de là !
La traque ne touche pas jusqu'ici des hauts gradés de l'armée notamment des membres de l'entourage du très influent Général Gaïd Salah. Celui-là même que l'on accuse de vouloir réinitialiser le système en prenant des mesures purement cosmétiques là où les manifestants continuent de réclamer le démantèlement de tout le système. Pour certains, cette multiplication des «affaires» vise clairement Saïd Bouteflika, et dans une moindre mesure Nasser et Abdel Ghani, tous des frères d'Abdelaziz, afin de démanteler leurs réseaux. Les deux sous-clans se jaugeaient en attendant de savoir qui passerait à l'acte. Curieux calcul pour s'épargner le glaive de la justice.
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !