Afrique : remettre sur les rails une économie frappée par la crise

L'économie mondiale devrait connaître en 2021 un redressement qui se situerait entre 5 % et 6 % et le continent africain sera dans la course, avec une croissance qui avoisinerait globalement les 3 %. Les effets de la pandémie, seront liés à la gravité et à la durée de celle-ci, mais surtout à la capacité des Etats de se projeter, avec réalisme et avec leurs propres ressources, dans un avenir proche qui prouvera la résilience du continent.
Mounir El Figuigui
(Crédits : Reuters)

Les perspectives économiques mondiales, établies par les différents organismes internationaux sont sans appel : la récession mondiale de cette année sera plus intense que celle provoquée par la crise financière de 2008, alors que l'activité économique a été totalement désorganisée par les bouleversements observés dans la production, la consommation et les échanges commerciaux.

En Afrique qui compte des pays émergents, en développement, ou pauvres, la riposte aux impacts sanitaires et économiques de la pandémie a été ferme : confinement des populations, fermeture des frontières, création de fonds spéciaux pour résorber les effets directs de l'arrêt partiel ou total de certaines activités économiques et pour aider les ménages à équilibrer leurs revenus.

Cette réalité, les gouvernements comme les opérateurs privés et les partenaires du continent en sont conscients : la croissance globale de cette année avoisinera -3 %, le revenu par habitant se contractera fortement, le chômage sera plus important et les pays producteurs de pétrole seront sous pression déflationniste.

Deux scénarios pour l'Afrique du Nord

Sur le plan sanitaire, la propagation de la pandémie se maintient à l'échelle du continent, avec toutefois des chiffres bien en deçà des chiffres cumulés dans d'autres régions du monde. Au 31 juillet 2020, l'Afrique a enregistré 929 696 cas de contamination à la maladie de coronavirus, 19 693 et 581 582 guérisons.

En exceptant l'Afrique du Sud, les pays de l'Afrique du Nord cumulent les plus fortes augmentations en termes de personnes contaminées. Sur le plan économique, deux scénarios bien distincts se profilent pour la reprise, selon la Banque africaine de développement (BAD), un des acteurs majeurs de financement et d'investissement sur le continent : « Un premier de référence, table sur une sortie de crise à partir de juillet 2020. Le second, plus pessimiste, voit persister la pandémie jusqu'en décembre 2020 ».

Dans le premier scénario, la croissance de sous-région perdrait 5,2 points de pourcentage, ce qui détériorerait la croissance à -0,8 %. « Ce recul se situerait, dans le second scénario, à -6,7 points de pourcentage, générant une récession de -2,3 %. En 2021, la reprise économique est prévue, avec une croissance nord-africaine de 3,3% dans le scénario de référence et de 3% dans le scénario pessimiste ».

Le rapport de la BAD sur les perspectives économiques pour l'Afrique rappelle que l'Afrique du Nord était, en 2019, pour la seconde année consécutive, la deuxième région la plus performante d'Afrique, avec une croissance de 3,7 %. « Les estimations montrent néanmoins des performances contrastées entre l'Algérie, l'Égypte, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie. Ainsi, la Mauritanie et l'Égypte ont enregistré les résultats les plus solides dans la région, avec un taux de croissance, en 2019, de 6,7 % et de 5,6 %. La croissance est estimée à 2,5 % au Maroc, légèrement en baisse par rapport à 2018. En Algérie et en Tunisie, la croissance était atone, respectivement à 0,7 % et 1 % », détaillent les économistes de la banque panafricaine.

En Afrique subsaharienne, la récession sera plus accentuée

La crise pandémique de ces derniers mois a mis à dure épreuve les systèmes de santé de l'Afrique subsaharienne qui, dans la majorité de pays, accusent des faiblesses patentes en termes de budgets d'équipement et de fonctionnement, d'infrastructures et de ressources humaines. D'après les économistes de la Banque mondiale, les conséquences économiques et sociales restent importantes pour la région, « avec des pertes de production estimées entre 37 et 79 milliards de dollars en 2020, une contraction de la productivité agricole, l'affaiblissement des chaînes d'approvisionnement, la montée des tensions commerciales, la limitation des perspectives d'emploi et l'aggravation des incertitudes politiques et réglementaires ».

La croissance, selon l'institution de Bretton Woods, devrait se rétracter fortement entre 2019 et 2020, passant de 2,4 % à une fourchette comprise entre -2,1 et -5,1 %, plongeant la région dans sa première récession depuis plus de 25 ans.

Dans le scénario le plus optimiste de la BM, les conséquences sur le bien-être des ménages devraient être « tout aussi dévastatrices », avec des pertes estimées en 2020 à 7 % par rapport à un scénario sans pandémie.

Dans les deux zones les plus dynamiques de la région (UEMOA et CAE), la croissance « devrait fortement marquer le pas », projettent les analystes de la Banque mondiale. Les pays exportateurs de pétrole et les pays exportateurs de ressources minières seraient particulièrement touchés par la pandémie, avec un repli de la croissance pouvant atteindre respectivement jusqu'à 7 et plus de 8 points de pourcentage.

La prochaine étape reste liée au niveau de propagation de la pandémie

Mais à côté de cette réalité, une autre s'est imposée de facto : « Nous avons utilisé les moyens dont nous disposions pour faire face, par nous-mêmes, à l'épidémie... On s'est révélé quelque part à nous-mêmes ! », nous confiait lors d'un entretien Dr Abdoul Aziz Mbaye, ministre et conseiller personnel du président sénégalais Macky Sall. L'Afrique, par elle-même, s'est en effet montrée capable de surmonter les effets désastreux de la pandémie par une approche pragmatique et volontariste qui a donné ses fruits : restructuration de certaines activités économiques, développement du contenu local, révision des conditions de financements, mesures courageuses de relance budgétaire, modification dans les échéanciers de la dette, focalisera sur certains métiers et segments de la production à forte valeur ajoutée en ces temps de crise, notamment dans les nouvelles technologies.

Certaines sous-régions se sont d'ailleurs montrées plus résilientes que d'autres, à l'instar de l'Afrique de l'Est qui a enregistré la tendance la plus dynamique du continent. Le dernier rapport de la BAD sur les perspectives économiques régionales fait état de prévisions de croissance de 1,2% en 2020 pour la sous-région, soit une chute d'environ 4% par rapport aux prévisions d'avant Covid-19. Cependant, cette croissance devrait rebondir en 2021 à 3,7 %, si la propagation est sous contrôle d'ici au troisième trimestre de cette année.

L'année prochaine en effet, l'économie mondiale devrait connaître un redressement qui se situerait entre 5 % et 6 % et le continent africain sera dans la course, avec une croissance qui avoisinerait globalement les 3 %. La relance budgétaire et le maintien de l'assouplissement de la politique monétaire y seront pour beaucoup, mais aussi la normalisation de la dynamique de croissance des principaux partenaires, notamment l'Europe et la Chine.

Les effets négatifs de la pandémie, on l'aura compris, seront liés à la gravité et à la durée de la pandémie, à l'efficacité des mesures de riposte engagées et au niveau des ressources consacrées à l'endiguement de la crise.

Mounir El Figuigui

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