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L'Afrique, nouveau terrain de jeu du tourisme de croisière ?

Convaincre les Africains des avantages de la croisière pour découvrir le continent et le monde, telle est la mission que s’est donnée Maimouna Baba Danpullo, sur un continent où l’industrie du tourisme, bien que disposant d'opportunités, reste confrontée aux limites du transport aérien.
Ristel Tchounand
(Crédits : MSC Croisières)

En 2023, l'industrie de la croisière a connu sa meilleure année depuis la pandémie avec 31,5 millions de touristes, selon les données de l'Association internationale des compagnies de croisières. En se rassemblant à Gênes en Italie à la mi-mars dans le cadre de la Cruise Week Europe, le gotha du secteur a échangé autour de la manière de mieux développer la croisière dans un contexte international à forts enjeux. De telles assises, Maimouna Baba Danpullo rêve d'en voir un jour en Afrique où elle nourrit l'ambition de vulgariser le tourisme de croisière. « Ce serait exceptionnel, parce que l'Afrique est un véritable marché potentiel pour la croisière. Je le crois », affirme-t-elle.

Ces stops qui se comptent encore sur le bout des doigts

Formée aux écoles suisse et américaine, cette experte en développement stratégique -dont le patronyme rappelle celui de la première fortune d'Afrique subsaharienne francophone Baba Danpullo dont elle est la fille - s'est passionnée pour la croisière il y a une douzaine d'années. Dès cet instant, celle qui a choisi sa voie en dehors de l'empire familial, nourrit l'ambition de susciter l'intérêt des géants du secteur pour l'Afrique. Cette entrepreneure intégrera l'industrie, bien plus tard par le biais d'un ancien collègue de classe. « Nous avions étudié ensemble à Genève et sommes restés de bons amis. Détenant une compagnie de croisière, il avait fait appel à moi pour le lancement d'un nouveau produit ». Si elle a décidé de s'établir sur le continent, c'est surtout pour réaliser son ambition. « Les compagnies de croisières ne mettent pas encore de bateaux dans les pays d'Afrique subsaharienne. Pour l'instant, les stops ont surtout lieu au Maroc, en Egypte et en Afrique du Sud », regrette-t-elle.

Dans un pays comme le Maroc en effet, le tourisme de croisière reprend des couleurs. Après le mini-boom de 2010 où les ports du royaume comptabilisaient 500.000 croisiéristes, leur nombre avait baissé de plus de 50% en 2018. La Covid n'a pas aidé, mais en 2023, les arrivées de ces touristes reprennent. Le pays entend surfer sur cette vague afin se repositionner sur le marché. Début janvier, à Casablanca, un terminal dédié aux croisières et d'une capacité de 450.000 croisiéristes a été construit. Pour renforcer les chances d'un business florissant, les autorités sont sur le point d'en confier la gestion à un investisseur privé. L'Egypte, même s'il connait des défis suite à la guerre entre Israel et le Hamas, est habituellement une destination privilégiée pour les croisières grâce notamment au Nil et à la mer Rouge. L'Afrique du Sud, quant à elle, est encore plus avancée dans ce domaine et réalise régulièrement de gros investissements dans les terminaux spécialisés. Les îles et archipels du contient Maurice, les Seychelles, le Cap-vert ou Madagascar sont reconnus pour attirer les bateaux de croisières. « Mon plus grand rêve aujourd'hui est de voir les bateaux de croisière sillonner l'Afrique subsaharienne », confie Maimouna Baba Danpullo, cette camerounaise d'origine basée à Cape Town.

Maimouna Baba Danpullo

Maimouna Baba Danpullo estime que la croisière pourrait trouver des voies de développement en Afrique

Ghana, Côte d'Ivoire, Tanzanie... ces marchés potentiels

Pour elle, plusieurs pays sont à même d'être des destinations « intéressantes » tels que le Nigeria, le Ghana, la Côte d'Ivoire, de Sénégal, la Gambie, la Tanzanie ou encore le Kenya. En attendant, elle estime que le Maroc est une porte d'entrée pour attirer les croisiéristes africains. « Mettre un bateau au Maroc est une excellente idée pour la simple raison que les Africains aiment passer par ce royaume », explique-t-elle. Et c'est désormais ce pour quoi elle plaide au quotidien, au sein du secteur. Une voix qui se fait entendre ? « Je suis patiente, je sais que les grands changements n'arrivent pas en un claquement de doigts ».

La donne environnementale « au coeur des préoccupations »

En Europe, les croisières sont de plus en plus décriées par les défenseurs de l'environnement, dans un contexte de changements climatiques et d'objectif net zéro carbone. C'était l'un des sujets cruciaux de la Cruises Week Europe où les compagnies ont appelé les gouvernements et les organismes internationaux à « ne pas [les] considérer comme des ennemis, mais plutôt comme des partenaires » pour l'atteinte des objectifs de développement durable. « Ce qui est positif, estime Maimouna Baba Danpullo, c'est que la plupart des compagnies de croisière sont en train de remplacer le fuel par l'hydrogène et refont leurs bateaux pour justement réduire leurs émissions de gaz à effet de serre », explique-t-elle, soulignant le fait que certaines compagnies sont primées dans ce sens. « La question environnementale est aujourd'hui le plus grand combat des compagnies de croisières, parce qu'en général elles possèdent toutes une île dont elles souhaitent préserver la nature », argumente cette experte du développement stratégique.

Croisière rime-t-elle avec luxe ?

Dans l'imaginaire collectif africain cependant, croisière rime souvent avec luxe. Un « stéréotype » selon Maimouna qu'il faudrait « à tout prix » déconstruire. « Il y a bel et bien des croisières de luxe, tout comme il y a des hôtels de luxe, mais il existe également de nombreuses croisières accessibles à 1.000 euros, voire même 500 euros. C'est à chacun de faire son choix », confie-t-elle. « Lorsqu'une famille va en vacances en Europe avec le projet de visiter trois pays : la France, l'Espagne et l'Italie, elle arrivera à Paris, y passera deux jours, refera les bagages, reprendra l'avion et répétera le processus dans les deux autres destinations jusqu'à son retour au pays. Sur un bateau cependant, cette famille aura un logement sur la durée de ses vacances et pourra visiter jusqu'à sept pays sans trop de tracasseries », défend-t-elle. « De plus, poursuit la jeune femme, le bateau dispose de tout ce dont un être humain (petit et grand) peut avoir besoin dans une ville. Pour les familles africaines qui sont souvent nombreuses, cela n'est qu'à leur avantage, tant sur plan financier, que physique, humain ou intellectuel ».

Dans son dernier rapport, l'Association internationale des compagnies de croisières retient que le tourisme de croisière rebondit plus vite que les arrivées de tourisme international et continue d'être l'une des filières à la croissance la plus rapide du secteur du tourisme. Alors que le continent connait une montée en puissance de sa classe moyenne et sa population de millionnaires, dans un contexte où le rapport au voyage évolue tout en se heurtant aux limites du transport aérien, Maimouna Baba Danpullo pense que la croisière pourrait « effectivement » être une option pour les amoureux de la découverte.

Ristel Tchounand

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Commentaires 3
à écrit le 28/03/2024 à 7:30
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"« La question environnementale est aujourd'hui le plus grand combat des compagnies de croisières, parce qu'en général elles possèdent toutes une île dont elles souhaitent préserver la nature », Faut arrêter d'être naïf svp, merci.

à écrit le 27/03/2024 à 18:59
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Je recommande la mer rouge et la visite du pays des Houtis. La croisière s'amusera, c'est sûr 🥰

le 28/03/2024 à 18:33
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Très bonne initiative, il faut que les africains subsahaliens réalisent leurs rêves. La vie appartient à tout le monde. Stp parmi les pays à visiter n'oublie surtout pas ton pays natal, le Cameroun. Je suis déjà candidat. Beaucoup de courage.

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