La réforme du système partisan au Bénin  : à la recherche d'une démocratie plus efficace

Au Bénin, la volonté du législateur de réduire le nombre de partis politiques dans le pays poursuit un but légitime...
(Crédits : DR.)

Ayant été amené récemment à séjourner en Haïti en raison d'une audition devant le Conseil consultatif indépendant (CCI) pour l'élaboration du projet de nouvelle Constitution, j'ai pris part à des débats sur les conséquences du morcellement de la représentation politique ainsi que les solutions à y apporter.

Face à la prolifération des partis recensés dans le pays, celui-ci cherche les moyens de réduire le nombre des partis représentés au Parlement et capables de soutenir un candidat crédible à la présidence de la République. Si le choix de limiter leur nombre semble dangereux et liberticide, laissant planer le spectre du parti unique, l'idée de rationaliser leur nombre en jouant sur leur financement et le mode de scrutin semble plus adaptée à Haïti. Mais il existe une troisième voie, qui a été privilégiée par le Bénin l'an dernier.

Un dispositif de parrainage

Les règles de droit, et en particulier les règles constitutionnelles, ne sauraient être appréciées en dehors d'un contexte politique, économique et social. Le choix d'un dispositif de parrainage pour être candidat à la présidence de la République n'a rien d'original en soi et il s'explique sans difficulté au Bénin.

Le code électoral y a été modifié en novembre 2019 dans la foulée de la révision constitutionnelle. Il prévoit qu'un citoyen ne peut être candidat sans le soutien d'au moins 10 % des députés et des maires. C'est très semblable à ce qui existe en France depuis que le chef de l'État y est élu au suffrage universel direct. La loi organique du 6 novembre 1962, plusieurs fois modifiée, précise que 500 « parrains » sont requis et qu'ils doivent venir d'au moins trente départements, sans que plus du dixième d'entre eux soient élus d'un même département. Ce sont, entre autres, des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux et départementaux, et surtout des maires.

Lutter contre la prolifération des partis

Toute la question est de savoir combien il y a de députés et de maires au Bénin pour pouvoir apprécier la proportion de 10 %. Leur nombre étant relativement faible - on compte 83 députés (109 à compter de 2023) et 77 maires-, il faut obtenir le soutien d'au moins 16 d'entre eux. À cet égard, on s'éloigne de la situation en France, où les parrains potentiels sont approximativement 40 000, de sorte qu'il faut obtenir le soutien d'un peu plus de 1 % de ces élus nationaux et locaux. Nous sommes donc loin des 10 %. Ce taux est justifié par la lutte contre la prolifération des partis politiques due à des raisons le plus souvent d'ordre financier, qui conduisent à des résultats catastrophiques - l'instabilité ministérielle, conséquence de l'émiettement de la représentation politique au Parlement, ou encore la multitude de candidats à l'élection présidentielle.

Cette difficulté a été expérimentée par la France : en 2002, pas moins de seize candidats se sont disputé le premier tour de l'élection présidentielle, ce qui avait provoqué l'élimination du candidat socialiste, Lionel Jospin, et un duel entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac au second tour. La classe politique s'en était émue et la commission « pour un renouveau de la vie démocratique » avait proposé en 2012 de recourir à un système de « présentation » populaire permettant à 150 000 citoyens de soutenir une candidature. Mais cette proposition n'a pas été retenue.

Au Bénin, la volonté du législateur de réduire le nombre de partis politiques dans le pays poursuit un but légitime : on en a compté plus de 200 après l'instauration du multipartisme en 1990. Il est tout aussi légitime que le pays ait privilégié le système de « présentation » qui existe dans de nombreux États dans le monde. Tout au plus appartiendra-t-il au Parlement de faire le bilan de cette nouvelle disposition électorale après l'élection présidentielle de 2021. Il sera alors temps d'en tirer les leçons et, le cas échéant, de fixer un nouveau seuil à 5 %. Il est vrai aussi que le collège des « parrains » potentiels sera mécaniquement gonflé par l'augmentation du nombre des députés en 2023. Dans l'intervalle, un taux de 10 % sera appliqué, conformément à ce qui se pratique beaucoup ailleurs.

(*) Julien Boudon est professeur de droit public à l'Université Paris-Saclay

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Commentaires 2
à écrit le 26/04/2024 à 8:45
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Merci pour vos analyses avisés.

à écrit le 02/03/2022 à 11:41
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Quelles sont alors les avantages de cette réforme pour la classe politique et économique du pays

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