Présidentielle 2020 : le retour contrarié de Guillaume Soro en Côte d'Ivoire

A Paris, comme à Abidjan, le comité d'organisation de l'opération avait déployé les grands moyens. Non sans une pointe d'inquiétude quant à la réussite du retour de Guillaume Soro. Après son roadshow de plusieurs mois à l'étranger, l'ancien président de l'Assemblée nationale s'apprêtait à retourner en Côte d'Ivoire. Mais le candidat déclaré à la présidentielle 2020 a dû dérouter son avion à Accra, puis rebrousser chemin vers la France après l'émission d'un mandat d'arrêt à son encontre pour tentative d'atteinte à l'intégrité territoriale et détournements de deniers publics. Un obstacle judiciaire qui gêne le lancement de sa pré-campagne pour la présidentielle du 31 octobre 2020.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

Annoncé triomphal depuis des semaines, le retour au bercail de Guillaume Soro s'est brusquement heurté à  un barrage judiciaire de taille. Le 23 décembre, Richard Adou, le Procureur de la République a annoncé à la télévision publique que la justice ivoirienne a émis un mandat d'arrêt international à l'encontre de l'ex-chef rebelle pour «tentative d'atteinte à l'autorité de l'État et à l'intégrité du territoire national». L'ex-chef rebelle doit aussi répondre de soupçons de «détournements de deniers publics» portant sur montant de 1,5 milliard de Fcfa, sans autre précision.

Frontalement, Soro accuse Ouattara

Comme une chaussure dans le soulier de Guillaume Soro, cette annonce a eu pour effet de retarder son retour au bercail. Dans l'après-midi du lundi 23 décembre, le désormais député de Fersékédougou a bien embarqué dans un jet privé à Paris à destination d'Abidjan, mais l'appareil ne s'est jamais posé sur le sol ivoirien. En bonne intelligence avec le comité d'organisation chargé de son retour, Guillaume Soro a choisi de dérouter l'avion vers Accra, la capitale du Ghana. Afin de s'éviter l'humiliation d'une arrestation publique, l'appareil a ensuite dû repartir ce 24 décembre pour l'Espagne d'où il devrait rejoindre la France.

Au sein des équipes du comité d'organisation de ce retour, l'inquiétude avait laissé la place à l'anxiété. Dans la journée du 23 décembre, les prémices d'un retour au bercail manqué avaient déjà fuité. Plusieurs partisans de l'ancien président de l'Assemblée nationale, appelés pour aller accueillir chaleureusement à l'aéroport leur lieutenant, ont été empêchés par la police antiémeute. Au siège de Générations et Peuples solidaires (GPS, mouvement de Soro) où il commentait le refus d'autorisation d'atterrissage de l'avion privé, Alain Lobognon, un député proche de Guillaume Soro a été appréhendé au siège du parti. Dans la même foulée, Soro Kanigui, le président du Rassemblement pour la Côte d'Ivoire (RACI), et Souleymane Kamagaté, son ancien aide de camp, ont aussi été arrêtés.

Frontalement, Guillaume Soro accuse le régime d'Alassane Ouattara. Alors que son équipe de communication se refusait à tout commentaire jusqu'en début d'après-midi, l'ex-chef rebelle s'est fendu d'une série de tweets qualifiant les événements de «crimes après le forfait». «Sommes-nous ennemis à cause de la politique ? Il ne m'a jamais été notifié que ma terre natale m'était interdite», a t-il notamment commenté

Vitrification d'un adversaire politique à la présidentielle 2020

Démissionnaire du perchoir de l'Assemblée nationale après des désaccords avec Alassane Ouattara sur la mise en place du RHDP, Guillaume Soro avait embarqué dans un roadshow à destination de la diaspora. Depuis six mois, l'ancien président de l'Assemblée nationale s'est donc engagé dans une tournée essentiellement européenne pour rencontrer ses partisans mais aussi pour réseauter afin de trouver des soutiens extérieurs à sa cause. Candidat à la présidentielle du 31 octobre 2020, Guillaume Soro avait lancé Générations et peuples solidaires (GPS), le mouvement avec lequel il voulait ravir le fauteuil du Palais du Plateau à son ex-mentor avant d'envisager le lancement de sa pré-campagne dès son retour au pays. Peine perdue!

Il faut dire qu'avec la perte de vitesse politique d'Henri Konan Bédié, la quasi certaine disqualification de Laurent Gbagbo, Guillaume Soro était passé dans la position de l'outsider le mieux placé pour la présidentielle de 2020. Une position qui lui a valu de subites accusations de déstabilisation du pays et de détournements de deniers publics? Rien  n'est moins. Mais à supposer que cette tentative de vitrification d'un adversaire politique soit le dessein du camp Ouattara, il pourrait provoquer l'effet inverse. En Côte d'Ivoire, l'on commence à rappeler que tous ceux qui ont fait clairement l'aveu de leur opposition au régime ont eu des démêlés avec la justice. Dans le lot, Laurent et Simone Gbagbo ou encore Charles Blé Goudé.

D'un autre côté, avec une commission électorale décriée avant le top-départ, un casting de candidats qui va reléguer l'élection à un plébiscite, beaucoup voient dans le lancement de la procédure contre Soro comme une volonté du pouvoir en place de conduire à un report de la présidentielle 2020. Dragon économique en Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire ne peut courir le risque de souffler sur les braises, à moitié éteintes, de l'instabilité. Dix ans après la présidentielle de 2010, tous les acteurs de la crise politico-militaire qui avait plombé le pays vont peser d'une façon ou d'une autre. Dans l'angoisse, l'on craint désormais qu'ils ne réveillent les démons du passé.

Ibrahima Bayo Jr.

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