Angola  : la classe politique est-elle prête à passer un nouveau cap ? [Tribune]

Depuis la fin de son conflit civil de trois décennies en 2002, l'Angola a enregistré une forte croissance alimentée par les exportations du pétrole brut, ce qui a engendré des dépenses publiques élevées et a entraîné l'émergence d'une classe moyenne dans le pays. Le pétrole représente actuellement 95% des exportations de l'Angola et 80% de ses recettes fiscales. Élu président de l'Angola en septembre 2017, João Lourenço a mis fin aux 38 ans du règne de José Eduardo dos Santos. Le nouveau président va de l'avant avec un ambitieux plan de réforme économique, dont le pays a cruellement besoin. Suite au krach boursier de 2014, l'Angola a connu une récession et une inflation galopante. Est-ce-que les réformes de Lourenço seront-t-elles suffisantes pour que l'Angola prenne un nouveau cap ?
(Crédits : DR.)

Depuis la chute des prix du pétrole - et le rebond rapide - de 2009, le gouvernement a toujours défini la diversification économique comme une priorité absolue.

Cette volonté a été rendue effective, en octobre dernier, soit quelques semaines seulement après l'entrée en fonction de Lourenço. Ce dernier a lancé le plan économique et social, ayant pour but  la libéralisation du secteur des télécommunications et attirer davantage d'investissements étrangers directs, en particulier dans les industries agroalimentaires, halieutiques et minières. En outre, ce plan propose également de nouvelles mesures incitatives pour les entreprises locales et vise à améliorer l'infrastructure du pays en incluant la participation du secteur privé. Enfin, l'une des autres mesures du plan de Lourrenço est la surveillance du secteur  bancaire via la mise en œuvre des règles plus strictes contre le blanchiment d'argent.

Certes,  les mesures prises par Lourrenço ont été saluées par le MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola), parti au pouvoir qui règne sans partage sur le pays depuis 1975 et ayant adoubé sa nomination, mais également par l'opposition, puisque l'UNITA (l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola), a loué le nouveau président  pour ses décisions ayant permis de démanteler et de faire voler en éclat l'empire politico-financier de la famille Dos Santos. Cependant, quoiqu'il ait la bénédiction du MPLA, le nouveau président angolais devra confirmer son contrôle sur le parti lors du congrès du MPLA, qui se tiendra entre décembre 2018 et avril 2019, afin de ne pas ralentir le rythme des réformes promises d'une part, mais aussi pour faire sortir son parti de l'impasse et des luttes de pouvoir, notamment avec le président sortant, José Eduardo Dos Santos.  De plus, il devra surtout veiller à accomplir un certain nombre d'actions d'ordre judiciaire et politique pour rendre ses réformes légitimes.

Le passé des scandales financiers : le liquidateur implacable face au dilemme judiciaire

Tout d'abord, il faut attirer l'attention sur le fait que pendant les 38 ans de règne de la famille Dos Santos, le pays a payé le prix fort de sa mauvaise gouvernance et de son système endémique de détournement de fonds publics. Tel est le cas pour détournement de 2.5 milliards de dollars retrouvés sur un compte off-shore à l'île Maurice en provenance des comptes de la compagnie pétrolière nationale Sonangol, et dont la présidence du conseil d'administration était assurée par Isabel Dos Santos, fille de l'ancien président. Mais aussi, selon le rapport publié en décembre 2011 par le FMI (fond monétaire international), une somme de 32 milliards de dollars entre 2007 à 2010 a disparu des caisses de l'état, soit un trou financier équivalent à un quart du produit intérieur brut du pays (PIB). La question que les Angolais se posent aujourd'hui, et est-ce-que Lourrenço  va s'abstenir à cette purge, qui est le limogeage du clan Dos Santos et de quelques hauts responsables, ou est-ce qu'il osera aller jusqu'à l'échelon judiciaire ? En effet,  pour commencer à instaurer un système de bonne gouvernance en Angola, il ne faudra pas s'arrêter à la porte des tribunaux pour deux raisons. La première, c'est le risque de frustration d'une grande partie de la société civile angolaise, et la deuxième, c'est l'importance de rompre définitivement avec la culture du « gentlemen's agreement » qui domine toujours dans plusieurs pays africains.

Ainsi, pour se défaire des maux du passé et donner à ses réformes plus de profondeur et de fiabilité, aussi bien qu'au niveau national et international, le «Exonerador Implacavel» (liquidateur implacable comme le surnomment les Angolais), devra commencer par mener efficacement d'autres actions.

La réunification politique de l'Angola : une priorité pour Lourrenço

Alors que Dos Santos avait rompu tout contact avec l'UNITA pendant plus de 15 ans, les liens entre le MPLA (parti au pouvoir) et l'UNITA (parti historique de l'opposition) se sont renforcés depuis l'arrivée de Lourrenço au pouvoir, puisqu'il a accueilli à deux reprises les responsables de l'UNITA. Mais là encore, de simples rencontres avec l'opposition ne sont pas la  preuve tangible d'un changement profond, d'autant plus qu'il faudra veiller essentiellement à ne pas porter préjudice à l'équilibre du système de partis.

En deuxième lieu, il y a la province du Cabinda, considérée parmi ces particularismes locaux oubliés, et dont la légitimité historique est incontestable, la région et le régime de Luanda n'ont toujours pas marqués leur sortie de l'impasse .S'il est certain que les réformes de l'ancien ministre de la défense nationale ont été plutôt acceptées par les forces armées angolaises, il n'en reste pas moins vrai que la crise avec le FLEC, mouvement indépendantiste angolais, reste une véritable épreuve pour le nouveau président. En 2018, le deuxième producteur de pétrole du continent africain (après le Nigeria) a occupé la 175ème place dans le rapport Doing Business avec une moyenne de 41.49, soit au-deçà de la moyenne de la région, 50.43. Etant donné que  le pays espère aujourd'hui attirer des investisseurs étrangers et améliorer sa communication et son image relatives à l'environnement des affaires, il faut leur garantir d'abord une stabilité politique.

Tout en reconnaissant le fait que le nouveau président est face à plusieurs dossiers urgents à l'image de la lutte contre la corruption, la démocratisation des institutions du pays ainsi que la transparence de la gestion des fonds publics, il faut cependant noter le retour  de l'Angola sur la scène diplomatique africaine et internationale. En effet, l'offensive de charme diplomatique du nouveau président devra avoir pour but de trouver une acceptabilité sur le continent ou ailleurs, et rejoindre une forme de modalité à la fois politique et économique pour l'établissement de partenariats économiques avec d'autres pays africains et internationaux.

En Angola, 54 % de la population vit encore avec moins de deux dollars par jour et pendant de nombreuses années, seule une élite restreinte, composée notamment de la famille présidentielle Dos Santos et de quelques proches, détenait les fortunes du pays. Dans ce contexte, João Lourenço et l'Angola nécessiteront un changement modèle économique et décoller cette étiquette de pays mono-exportateur pour mettre fin à  la violente crise économique et sociale qui règne au pays depuis 2014.

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