Mortalité infantile : toujours plus loin des objectifs du Millénaire  ?

Entre insuffisance d'infrastructures sanitaires, manque de personnels soignants, crispations alimentaires et risques sécuritaires, la mortalité menace aujourd'hui des milliers d'enfants en Afrique subsaharienne. Au Soudan, où les effets de la guerre qui sévit depuis mi-avril se font déjà ressentir sur la santé infantile, l'Unicef redoute la mort de milliers de nouveau-nés d'ici la fin de l'année.
D'après l'OMS, le continent ne compterait que 1,55 travailleur de santé pour 1.000 habitants.
D'après l'OMS, le continent ne compterait que 1,55 travailleur de santé pour 1.000 habitants. (Crédits : OMS)

« Au cours de la dernière décennie, le domaine de la santé infantile a évolué plus vite et plus loin que je ne l'imaginais de mon vivant », se félicitait Bill Gates dans le rapport Goalkeepers 2023 de sa fondation éponyme. En 2000, les dirigeants mondiaux définissaient les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) pour en finir avec la mortalité infantile à l'horizon 2030. Or, malgré l'optimiste du fondateur de Microsoft, à sept ans de l'échéance, les résultats sont loin des objectifs fixés, car les progrès enregistrés depuis le début des années 2000 ont été partiellement interrompus par la pandémie de Covid-19.

Selon l'Unicef, la pandémie de coronavirus a alimenté le plus grand recul continu des vaccinations depuis trois décennies, exposant les nouveau-nés et les enfants les plus vulnérables à un risque accru de mourir de maladies évitables. En 2021, 25 millions d'enfants n'ont pas reçu une ou plusieurs doses de DTC (vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche), soit 2 millions de plus qu'en 2020 et 6 millions de plus qu'en 2019.

« Chaque année, environ 5 millions d'enfants meurent avant d'avoir atteint leur 5e anniversaire. Près de 2 millions de bébés supplémentaires sont mort-nés. Le nombre de décès ne diminue pas assez vite, depuis le milieu des années 2010. À l'heure actuelle, 74 % des décès infantiles surviennent au cours de la 1ère année de vie », précise le rapport Goalkeepers 2023.

Parallèlement, les taux de mortalité maternelle à l'échelle mondiale sont restés stables au cours des huit dernières années, mais « en rendant les innovations accessibles à ceux qui en ont le plus besoin, 2 millions de vies supplémentaires pourraient être sauvées d'ici 2030 et 6,4 millions de vies d'ici 2040 », indique le rapport de la fondation Bill & Melinda Gates.

L'Afrique est 15 fois plus exposée à la mortalité infantile que l'Europe et les États-Unis

Depuis le début des années 2000, l'Afrique a connu des avancées significatives en matière de santé maternelle et de planification familiale. Aujourd'hui, 56,3 % des femmes en âge de procréer sont en mesure de répondre à leurs besoins en matière de planification et ont accès à des méthodes contraceptives selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Si les services de santé essentiels, comme les soins postnatals, les unités de soins néonatals intensifs et les services de soins prénatals ont été perturbés pendant la pandémie de Covid-19, l'Afrique est également confrontée à une recrudescence d'épidémies de maladies évitables par la vaccination. Les cas de rougeole ont augmenté de 400 % entre janvier et mars 2022 par rapport à la même période en 2021, selon l'Atlas des statistiques sanitaires africaines 2022, de l'OMS.

Entre l'insuffisance des investissements et le manque de ressources humaines qualifiées, les obstacles pour endiguer la mortalité infantile restent nombreux. D'après une enquête menée par l'OMS en 2022 à travers 47 pays africains, le continent ne compte que 1,55 travailleur de santé pour 1.000 habitants, soit un ratio inférieur au seuil de densité de 4,45 travailleurs de santé pour 1 000 habitants nécessaire pour fournir les services essentiels et atteindre la couverture sanitaire universelle. À ce jour, seulement 65 % des naissances en Afrique sont assistées par un personnel qualifié. C'est le taux le plus faible au monde. Les enfants africains sont 15 fois plus exposés au risque de mortalité infantile que les enfants européens et états-uniens, selon l'ONU.

La guerre fait grimper le taux de mortalité infantile au Soudan

Le taux de mortalité infantile est également corrélé à la situation sécuritaire. Ainsi, selon un rapport de l'Unicef publié le 19 septembre, les effets de la guerre au Soudan qui oppose l'armée régulière aux paramilitaires depuis le 15 avril 2023 se sont rapidement fait ressentir sur la santé infantile. Aujourd'hui, l'Unicef redoute la mort de milliers de nouveau-nés d'ici à la fin de l'année. Plus de 1.200 enfants ont déjà perdu la vie pour cause de malnutrition et suite à la propagation d'une présumée épidémie de rougeole dans des camps de réfugiés, entre mi-mai et mi-septembre 2023 et au moins 435 enfants ont été tués dans les combats.

Parallèlement, la guerre a mis à mal des structures dédiées à la nutrition, déjà fragiles. « Chaque mois, 55.000 enfants nécessitent des soins pour traiter la forme la plus mortelle de malnutrition. Pourtant, à Khartoum, moins d'un centre de nutrition sur 50 fonctionne, et au Darfour occidental, 1 sur 10 », expliquait James Elder, porte-parole de l'Unicef, à l'issue d'une conférence de presse qui s'est tenue le 19 septembre à Genève, où l'organisation lançait un appel afin de réunir 838 millions de dollars (moins d'un quart de la somme avait été réunie) pour assister 10 millions d'enfants en situation de vulnérabilité.

« Des dizaines d'enfants meurent chaque jour des conséquences de ce conflit dévastateur et d'un manque d'attention de la communauté internationale. Nous pouvons prévenir de nouveaux décès, mais nous avons pour cela besoin de fonds pour la réponse, d'un accès à ceux qui en ont besoin, et surtout, de la fin des combats », alertait Filippo Grandi, Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés, le 19 septembre par voie de communiqué.

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