Mali : en mauvaise posture, IBK acculé à se séparer de son Premier ministre ?

La contestation sociale et politique contre le gouvernement ne cesse de s’amplifier au Mali, où la situation sécuritaire, toujours critique cristallise les tensions partisanes. En ligne de mire, le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, portant bien apprécié par la communauté internationale et surtout, bénéficie de la confiance du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Cependant, face à l’exacerbation de la crise qui se profile, IBK pourrait-il soutenir longtemps celui qui a été l’artisan de sa victoire pour un second mandat à la tête de l’Etat ?
Le président du Mali brahim Boubacar Keita et le Premier ministre malien Soumeylou Boubeye Maïga.
Le président du Mali brahim Boubacar Keita et le Premier ministre malien Soumeylou Boubeye Maïga. (Crédits : DR)

Il était bien loin le temps où le Premier ministre Soumeylou Bouba Maiga faisait l'actualité du Mali comme étant «la dernière carte» du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK), en course pour un second mandat avec un bilan mitigé particulièrement sur le plan sécuritaire. C'était il y a moins d'une année et Bouba Maïga venait alors d'être nommé le 30 décembre 2017 comme 5e chef du gouvernement du président IBK, arrivé au pouvoir en 2013.

Depuis quelques semaines, Soumeylou Boubeye Maïga fait face à un mouvement de contestation politique et social de grande ampleur. Le dernier acte en date, la motion de censure que l'opposition prépare contre le gouvernement et qui selon certains députés cités par des médias locaux devrait être en principe déposée durant la semaine en cours sur le bureau de l'Assemblée nationale qui est session. Le pouvoir dispose certes d'une large majorité au Parlement, mais plusieurs députés membres des partis soutenant le régime ont publiquement annoncé qu'ils allaient voter en faveur de la motion. Parmi ces derniers, des élus du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti d'IBK.

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Contestation politique et sociale

Cette motion de censure qui se profile fait suite à la gigantesque manifestation du vendredi dernier, au cours de laquelle des dizaines de milliers de manifestants ont envahi le centre de la capitale Bamako. A l'appel de plusieurs leaders religieux, notamment le très populaire, mais polémique imam Mahmoud Dicko, les manifestants ont appelé au départ du Premier ministre et de son gouvernement, évoquant au passage l'incapacité de ceux-ci à juguler la crise sécuritaire et à répondre aux défis socioéconomiques du pays. Des partis politiques de l'opposition ainsi que des associations de la société civile se sont également joints à la fronde d'autant que depuis plusieurs mois, plusieurs syndicats ont lancé des appels à la grève pour soutenir leurs revendications sociales.

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Face à l'ampleur de la contestation, le président IBK tente pour l'heure de calmer les tensions en mettant en avant «les périls qui guettent le pays». En réponse aux manifestants de vendredi qui ont promis de poursuivre le mouvement, le président a lancé des consultations tous azimuts avec les leaders religieux, les personnalités politiques ainsi que les représentants des associations. Dans le message qu'il a adressé dimanche aux membres du bureau national de la (LIMAMA), IBK a mis en garde ceux qui veulent «détourner l'attention nationale» sur les efforts de son régime contre le terrorisme et l'insécurité. «Ce terrorisme-là qui a des alliés qu'on ne soupçonne pas, et cet allié-là est aujourd'hui quelque part en train de subvertir et de faire en sorte que de l'intérieur nous nous combattions nous-mêmes», a mis en garde IBK, appelant les Maliens à faire preuve de plus de vigilance contre ce qu'il a qualifié de «cheval de Troie».

«Qu'on fasse attention ! Je ne voudrais pas dire autre chose, mais que l'on ne se trompe pas d'ennemi. En tout cas nous, en charge du pays aujourd'hui, nous ne nous trompons pas d'ennemi pour le bonheur du Malien ; pour le plus grand honneur du Malien, nous ne nous tromperons pas d'ennemi. Et nous demandons à nos concitoyens de nous faire confiance; nous sommes en mission de protection du pays, en mission de défense du pays et nous y sommes attelés par toutes les voies, par tous les moyens», a mis en garde le président IBK.

Tirs croisés contre le Premier ministre

La fronde sociale s'est amplifiée au lendemain du massacre d'Ogossagou de mars dernier, où plus de 170 civils peuls ont été tués par des milices armées. Une tragédie au-delà du pays qui a cristallisé les regards sur la dégradation continue de la situation sécuritaire alors que le pays subit toujours les attaques des groupes terroristes, malgré la présence de la MINUSMA, de la force française Barkhane et des soldats du G5 Sahel. L'opposition accuse le régime de mauvaise gouvernance et dans un communiqué, le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), une coalition de partis politiques de l'opposition, s'est félicitée de la mobilisation de la population contre le pouvoir de Bamako.

«Le FSD invite le chef de l'État à prendre la mesure des périls qui menacent le Mali et à cesser les invectives et les insinuations inutiles. Les chevaux de Troie du terrorisme, les ennemis de l'intérieur ne sont ni les chefs religieux, ni les hommes politiques, ni les centaines de milliers de Maliens qui ont manifesté le 5 avril. Les chevaux de Troie du terrorisme, ce sont la mauvaise gouvernance et les dirigeants englués dans la corruption et la mal-gouvernance. Il n'y aura jamais de succès dans la lutte contre le terrorisme sans gouvernance vertueuse», a fait savoir le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), dirigé par Soumaila Cissé.

Pour l'heure, le président IBK joue la carte de l'apaisement et continue à soutenir son Premier ministre qui bénéficie également de la bienveillance des partenaires internationaux du Mali qui saluent ses actions à la tête du gouvernement. Cependant, face à l'ampleur de la contestation, IBK pourrait-il encore garder son Premier ministre longtemps ? C'est tout l'enjeu pour le chef de l'Etat qui s'apprête à soumettre à référendum un nouveau projet de révision constitutionnelle après une première tentative avortée en 2018. En mauvaise posture également, Soumeylou Boubeye Maïga aussi joue sa survie politique. Cet ancien journaliste et ex-chef des services de renseignements qui a créé son propre parti politique n'a en effet jamais fait mystère de ses ambitions présidentielles.

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