Nigéria : quinze sénateurs-frondeurs lèvent le camp du parti de Buhari

Le claquage de porte collectif a diffusé de violents courants d’air qui risquent de secouer la machine électorale du parti au pouvoir. A moins d’un an de la présidentielle de février 2019, quinze sénateurs de l’APC ont décidé de se retirer collectivement du parti au pouvoir pour… rejoindre celui de l’opposition !
Ibrahima Bayo Jr.
Bukola Saraki, président du Sénat nigérian et ancien gouverneur de l'Etat du Kwara.
Bukola Saraki, président du Sénat nigérian et ancien gouverneur de l'Etat du Kwara. (Crédits : Reuters)

Sur le chemin d'un second mandat à l'Aso-Rock-Villa, Muhammadu Buhari est en mauvaise posture. La fronde dans les rangs de son parti, l'All Progessive Congress (APC, au pouvoir), miné par les dissensions internes, a atteint un nouveau point chaud.

«Levée de camp»

Quinze sénateurs affiliés à l'APC ont décidé de claquer la porte de l'APC pour rejoindre le People Democratic Party (PDP), son principal rival. Suleiman Nazif, Abdullahi Danbaba, Suleiman Hunkuyi, Shaaba Lafiagi, Ubali Shittu et dix de leurs camarades du Sénat ont décidé de claquer la porte du parti de Muhammadu Buhari. Ils «ont levé le camp, ont fait défection», selon les termes employés par Bukola Saraki, le président du Sénat lors la dernière séance avant le break estival des parlementaires.

Bukola Saraki aurait pu ne pas prononcer ses mots au vu des circonstances de son arrivée au Parlement. Ce mardi 24 juillet, au moment où il quitte sa résidence, un important dispositif de police se trouvait aux abords de son domicile. La veille de cette annonce tonitruante, le président du Séant avait reçu une convocation de la police dans une obscure affaire braquage dont les auteurs affirment être affiliés à Bukola Saraki. Le convoi de ce dernier a même été bloqué quelques instants avant de pouvoir reprendre la route.

A-t-on tenté de faire taire le président du Sénat ou l'empêcher de faire cette annonce qui gâche les vacances des parlementaires ? Oui, acquiesce Saraki. «J'ai des informations fiables que l'invitation de la police avait été planifiée par l'inspecteur général de la Police [Ibrahim Idris, ndlr] comme un stratagème pour mettre un terme à un prétendu plan de certains sénateurs et membres de la Chambre des Représentants de quitter l'APC», accuse le président du Sénat.

Atiku Abubakar, grand bénéficiaire de cette fronde

Il faut dire que la rumeur d'un retrait collectif de plusieurs sénateurs bruissait dans les cercles politiques au Nigéria mais jusque-là elle restait au stade de spéculation. Les relations nuageuses entre Muhammadu Buhari et Bukola Saraki se sont détériorées depuis la création du RAPC, un courant réformateur au sein même du parti au pouvoir. Selon plusieurs analystes, c'est le président du Sénat qui serait à la manœuvre de cette fronde intestine.

Il n'est pas à exclure que cette annonce dont il s'est fait l'écho soit destinée à desserrer l'étau autour de lui. « Cette intrigue visait à me forcer, moi et mes homologues, à rester dans un parti où les membres sont injustement criminalisés, où l'injustice est perpétrée au plus haut niveau et où le constitutionnalisme n'est pas respecter. C'est une tentative vaine qui échouera», a réagi Bukola Saraki ce mardi 24 juillet sur son compte Twitter.

Néanmoins cette fronde des quinze sénateurs place Muhammadu Buhari dans une mauvaise posture sur la route qu'il s'est tracée vers un second bail au Château. En plus des dissensions internes, cette fronde vient porter un sérieux coup à la machine électorale avec laquelle il compte se faire réélire.

Le grand gagnant de cette discorde au sein de l'APC est sans conteste Atiku Abubakar qui fait dissidence du parti présidentiel avant défier Muhammadu Buhari. L'ancien vice-président de Goodluck Jonathan a recruté ces transhumants pour étoffer sa voilure au moment même il a débuté son tour de piste du pays. Sa candidature qui risque d'émietter le réservoir de voix dans le nord majoritairement musulman. Le flanc vulnérable sur lequel les adversaires du président vont cogner pour tenter de l'emporter. Mais le vieux général a-t-il vraiment dit son dernier mot ?

Ibrahima Bayo Jr.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.