«Ceux qui émettent des critiques visent aussi le judiciaire. Il y a eu consultations avec le chef juge et il a nommé trois juges. Ils critiquent ainsi directement le [pouvoir] judiciaire. On ne peut faire de la politique sur tout». Face aux opposants qui l'accusent de vouloir affirmer son autorité en vitrifiant d'Ameena Fakim-Gurib, la contre-argumentation de Pravind Jugnauth, le Premier ministre -véritable chef de l'exécutif-, est bien fragile.
Un juge, deux assesseures pour les premières auditions en juillet
Fin mars, lorsque son bureau annonçait l'institution d'une commission d'enquête sur l'ex-présidente démissionnaire, une levée de boucliers dans les rangs de l'opposition s'était emparée de l'affaire. Mais cette semaine, les membres de la commission d'enquête dirigée par Asraf Kaunhye, le juge en chef et Nirmala Devat et Gaitree Jugessur-Manna, ses deux assesseures, ont prêté serment. Leurs premières auditions vont démarrer dès le mois de juillet. Mais que cherchent donc ces limiers de la justice ?
Leur mission est en apparence simple. Il s'agit de savoir si au plus fort d'une passe d'armes politique entre le Bureau de la présidence alors dirigée par Ameena Fakim-Gurib et le Bureau du Premier-ministre Pravin Jugnauth, la présidente a violé la constitution de l'Ile-Maurice, en allant au-delà des prérogatives que lui confère sa fonction honorifique. Les juges devront établir la culpabilité ou non de l'ex-présidente, et, chemin faisant, proposer des réformes politiques pour éviter pareille crise entre la présidence et l'exécutif.
Pour le contexte, il faut remonter au scandale de la Platinum Card. En mars, le journal l'Express lance une bombe médiatique qui va conduire à la démission forcée de la présidente. Documents bancaires à l'appui de son enquête, le quotidien local indique qu'Ameena Fakim-Gurib avait fait un scandaleux shopping personnel d'un montant de 27 000 dollars avec une carte bancaire fournie par Planet Earth Institute. Sur fonds d'accusations de détournements de fonds, cette ONG est dirigée par l'homme d'affaires Alvaro Sobrinho, en plein tempête judiciaire en Suisse et en Angola.
Lignes rouges constitutionnelles
A la révélation du scandale, le Premier ministre avait annoncé -sans doute unilatéralement- que la présidente présenterait sa démission. Mais cette dernière avait dans un premier temps refusé de se conformer à cette annonce de l'exécutif, le Bureau de la primature. Un refus interprété comme une défiance de la présidence, fonction honorifique, la première de l'histoire politique de l'Ile. La passe d'armes avait atteint un pic lorsque la présidente avait annoncé vouloir lancer des investigations pour tirer l'affaire au clair et «laver son honneur», estimant n'avoir rien fait de mal.
A Port-Louis, beaucoup estiment qu'avec la mise sur pied d'une commission d'enquête -cette fois-ci par le Premier ministre-, Ameena Fakim Gurib paye les frais de sa tentative de défier l'autorité de Pravin Jugnauth qui l'a fait remplacer par Barlen Vyapoory, un de ses proches. «Ce n'est pas aux trois juges de définir si Ameenah Gurib-Fakim a violé la Constitution ou pas, ni de faire des recommandations pour des changements constitutionnels et politiques», avait réagi Paul Bérenger, le leader du Mouvement militant mauricien (MMM) lors d'une conférence de presse juste après la prestation de serments des juges nommés par la Premier ministre. « Cela va à l'encontre de la séparation des pouvoirs».
Pour autant, d'abord politique, la passe d'armes devrait s'inviter dans les prétoires. La défense d'Ameena Fakim-Gurib peut contester la procédure devant la Cour suprême au vu de la constitution, sans consultation murmure-t-on à Port-Louis, de la commission d'enquête. Un baroud d'honneur face à la détermination d'un Premier ministre bien décidé à rappeler les lignes rouges constitutionnelles. Pour parer à la récidive !
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