Togo : Gnassingbé exhorte l'opposition au dialogue pour sortir de la crise politique

Dans son discours du 3 janvier, à l'occasion de présentation des vœux à la nation, le président Faure Essozimna Gnassingbé a exhorté les partis de l'opposition à aller vers le dialogue tout en maintenant son idée d'organiser un référendum. Le président togolais a également exprimé son attachement à son mandat social dont il a salué les résultats. Sauf que le discours présidentiel reste peu convaincant et «pas sincère», selon l'opposition.
(Crédits : Reuters)

Le mercredi 3 janvier à 20 heures, le président togolais Faure Gnassingbé est apparu sur la chaîne nationale TVT pour présenter ses vœux à la nation, dans un discours considéré comme le premier depuis le 19 août, date du début de la crise politique au Togo. En 17 minutes, le chef de l'Etat a profité de cette occasion pour dresser un constat générique la situation politique et économique de son pays.

Maintenir la cadence «positive» de 2017

Sur le volet économique, Faure Gnassingbé n'a pas hésité à louer les efforts et les succès enregistrés dans ce sens. «Conformément aux engagements pris, j'ai veillé avec le gouvernement à l'intensification de nos efforts d'assainissement des finances publiques, et un accent particulier a été mis sur la rationalisation des dépenses. Le déficit primaire s'est ainsi amélioré, avec une incidence positive sur la réduction de la dette publique», a déclaré avant de poursuivre que «l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens et la diversification des mécanismes de soutien de l'Etat aux couches les plus vulnérables de la population sont restées des préoccupations constantes. Une attention particulière a été portée à l'inclusion sociale à travers des programmes ambitieux et volontaristes, dotés des moyens adéquats».

Gnassingbé a également déclaré qu'il fallait reconnaître ces succès pour pouvoir élargir la portée et les retombées des actions entreprises par son gouvernement. Mais le président togolais ne s'est pas attardé sur les succès et a surtout annoncé les grands chantiers attendus pour 2018 : «Cette année, le chantier du développement sera poursuivi et les actions intensifiées. Nous continuerons sans relâche de lutter contre les fléaux que sont la pauvreté et la précarité. Le gouvernement reste guidé par la nécessité de conforter la croissance, d'améliorer le partage de la richesse nationale en insistant sur l'inclusion financière et sociale et de mettre les institutions au service de tous les citoyens, sans exclusion», a annoncé Gnassingbé.

Le chef de l'Etat confirme ainsi son intention de poursuivre son mandat social annoncé en le 6 janvier 2017, en promettant les initiatives entreprises dans les domaines de la santé et de la protection sociale seront renforcées et davantage généralisées

2018, l'année des tous les suffrages

Faure Gnassingbé a également rappelé que les citoyens seront amenés cette année à choisir leurs dirigeants, en faisant référence aux élections locales annoncées depuis quelques années, mais jamais tenues à ce jour. «En 2018, nos concitoyens seront plusieurs fois appelés à décider, par le vote, des grandes orientations de la vie nationale. L'aboutissement du processus de décentralisation permettra aux collectivités territoriales de se doter de représentants élus à l'issue des consultations locales attendues avec impatience», a confié Faure Gnassingbé. Selon lui, les locales constituent une «excellente» opportunité pour la jeunesse de se mettre au service de la communauté.

Le président togolais a aussi évoqué les élections législatives, alors que le mandat des députés court vers sa fin. «L'élection des députés à l'Assemblée nationale constituera également un important rendez-vous démocratique auquel je convie la classe politique et l'ensemble des électeurs à participer dans un esprit constructif», a déclaré Faure Gnassingbé.

Le dialogue, mais aussi le référendum

Condamnant fortement la crise et les manifestations de l'opposition, le président togolais n'a pas hésité à inviter la classe politique au dialogue. «Le dialogue doit rester la voie privilégiée de résolution des désaccords entre les acteurs politiques. Par le passé, nous avons réussi à surmonter nombre de difficultés grâce à notre sens de responsabilités», a déclaré le chef de l'Etat avant de déclarer qu'il garde confiance pour explorer «toutes les voies de la concertation et des échanges d'idées, de dépasser les griefs tenant aux personnes et aux circonstances pour nous élever à la hauteur de ce que notre pays mérite».

Gnassingbé a toutefois averti que le référendum était toujours d'actualité : «J'ai pris au mois de septembre dernier l'initiative de proposer à la représentation nationale une révision de la constitution qui limite désormais à deux le nombre des mandats présidentiels et législatifs et qui introduit, pour l'élection du Président de la République un mode de scrutin uninominal à deux tours [...] Conformément à notre loi fondamentale, c'est maintenant au peuple togolais tout entier, seul détenteur de la souveraineté nationale, qu'il appartient de se prononcer. Dans l'Etat de droit que nous construisons, nous ne pouvons pas prétendre substituer des voix plus autorisées au suffrage universel».

L'opposition maintient sa position

Le discours présidentiel n'a finalement pas fait l'unanimité, particulièrement sur la question du dialogue auquel a fait appel le chef de l'Etat. Au micro de la BBC, Tikpi Atchadam, le président du Parti national panafricain (membre de la coalition des quatorze partis de l'opposition) a indiqué que «la main tendue est une main armée [...] Jusqu'à présent les arrestations continuent. Les violations des droits humains continuent. Jusqu'à présent, il y a encore 100 personnes, 100 détenus, arrêtés lors des manifestations pacifiques. Ils sont encore en prison. Les mesures d'apaisement pour lesquelles le président Alpha Condé a travaillé ne bougent pas. Il [Faure Gnassingbé] a seulement libéré deux Imams et puis c'est tout».

Atchadam a rappelé que l'opposition attend que le gouvernement réalise toutes les mesures d'apaisement avant de pouvoir aller au dialogue. «Il [Faure Gnassingbé] dit une chose et son contraire. Il avance dans son discours et il recule. Je ne saisis pas son mouvement. Nous attendons que l'on réalise toutes les mesures d'apaisement, je dis bien toutes les mesures d'apaisement pour qu'on puisse aller discuter. Mais pour l'instant, on continue d'enlever des jeunes dans les localités», a ajouté Tikpi Atchadam. Un avis contredit par le camp d'en face, le parti de l'Union pour la République (UNIR).

Christian Trimuan, ancien secrétaire d'Etat et aujourd'hui conseiller à la présidence, dans une tentative de «clarifier» le discours du chef de l'Etat, a déclaré : «Le président n'a jamais dit dans son discours qu'il allait soumettre au référendum le texte qui a été voté par le Parlement. Il a dit que le peuple doit être consulté. Cela veut dire que quelle que soit l'issue du dialogue, nous irons au référendum», a déclaré ce juriste et professeur d'université.

Mais quelques heures plutôt, Gerry Taama, président du parti de l'opposition, le Nouvel engagement togolais (NET) (non membre de la coalition de l'opposition), avait rejeté lui aussi l'idée du référendum tout en émettant le constat que les marches de l'opposition ne peuvent pas aboutir aux résultats escomptés. «Les marches n'ont pas la capacité de faire succomber les institutions par leurs seules organisations, mais elles ne perdent pas complètement leur vitalité non plus, causant aux personnes vulnérables et au secteur privé ainsi qu'à l'image du pays à l'extérieur, des dommages parfois irréversibles, sans véritablement atteindre le confort des cadres du parti au pouvoir», a-t-il confié dans ses vœux pour la nouvelle année.

Gerry Taama, ancien officier de l'armée togolaise, a expliqué que «la seule solution reste le dialogue. Un dialogue entre Togolais, dépouillé de faux-fuyants, de tabous et de calculs politiciens. Un dialogue où l'identité des acteurs importe moins que les engagements qui seront pris à l'issue des discussions». Selon lui, il faudra que les acteurs de la crise politique prennent de «la hauteur» en optant pour des scénarios intégrant tous les ingrédients nécessaires à la construction d'une confiance durable entre le pouvoir et l'opposition.

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