Identification biométrique : le belge Semlex sur le gril en RDC

La République démocratique du Congo (RDC) a décidé de ne pas renouveler le contrat de Semlex pour la fabrication des passeports, lequel arrive à échéance le 11 juin prochain. L’entreprise belge, rattrapée par ses accointances présumées avec l’ancien régime, paie notamment pour avoir quasiment doublé le prix du passeport congolais, devenu l’un des plus chers au monde.
Ristel Tchounand
(Crédits : DR)

« Je crois que pour les Congolais, ce passeport est devenu le symbole des excès du régime de Joseph Kabila », confie à La Tribune Afrique un acteur économique kinois habitué des voyages internationaux qui pense que la baisse du prix aussi bien que la technicité seront déterminants dans la désignation du prochain fabricant du passeport congolais.

En effet, l'aventure congolaise de Semlex devrait prendre fin le 11 juin prochain, date d'échéance de son contrat pour l'implémentation du système d'identification biométrique en République démocratique du Congo (RDC), intégrant la fabrication des passeports. Les autorités congolaises ont décidé de ne pas le renouveler. « Je confirme que le contrat avec Semlex a bel et bien été rompu. Nous n'allons plus travailler avec Semlex pour renouveler les passeports de la RDC », a affirmé vendredi dernier Marie Tumba Nzeza, ministre des Affaires étrangères, sur Radio Okapi. Sur Twitter, Kasongo Mwema Yamba, porte-parole du président Félix Tshisékedi, en a rajouté une couche.

Semlex a augmenté de 85% le prix du passeport

Tout est parti de la plainte d'ONG contre la cherté du passeport. En RDC, obtenir un passeport coûte 185 dollars depuis 2015, année où Semlex en devenu le fabriquant, contre 100 dollars auparavant, soit en hausse de 85%.

Fournisseur de solutions d'identification sécurisées par la biométrie et de documents de voyage sécurisés, Semlex a été fondé en 1992 par Albert Karaziwan, un homme d'affaires né en Syrie et citoyen belge. La firme opère dans près de 14 pays du continent, dont la Côte d'Ivoire , le Congo, la Guinée Bissau, Madagascar, le Mozambique ou les Comores. En janvier 2018 alors qu'il est également ambassadeur itinérant pour les Comores, accompagnant quelques fois le pays aux Nations Unies, Reuters révèle que Karaziwan aurait « utilisé ses relations politiques pour faire des affaires aux Comores et dans d'autres pays africains, parfois sans passer par des procédures d'appel d'offres et quelques fois en effectuant des paiements à des intermédiaires ».

Kabila Passeport

C'est aussi l'agence de presse britannique qui met à nu quelques mois plutôt comment Semlex a obtenu le marché de l'identification biométrique en RDC et comment une partie des recettes serait présumément transférée à une entreprise domiciliée aux Emirats arabes unis et proche de l'ancien président Joseph Kabila. Ainsi soupçonné d'avoir aidé l'ancien régime à détourner près de 36 millions de dollars, Semlex est visé par une enquête pour corruption en Belgique depuis 2017.

Un passeport source de « frustration »

Selon la ministre des Affaires étrangères, Semlex a été avisé de la non-reconduction de son contrat le 9 mai dernier par une correspondance adressée à Albert Karaziwan. Cependant, Kinshasa n'a pas encore donné de visibilité quant à l'après-11 juin. Les ONG à l'origine de ce changement ont également appelé les autorités à plus de transparence dans la passation des marchés publiques.

Du côté des milieux d'affaires, on estime la situation beaucoup plus complexe qu'elle n'en a l'air. « Ce passeport, poursuit-il, est source de frustration et de méfiance pour les Congolais en général d'abord parce que dès son entrée en vigueur, alors qu'il coûtait déjà deux fois plus cher que le précédent, les nombreux détenteurs du passeport semi-biométrique avec plusieurs années de validité étaient obligés d'y renoncer. Et ce, alors que le passeport semi-biométrique était encore accepté à l'international », explique à La Tribune Afrique un acteur économique kinois. D'après ce chef d'entreprise, la manière dont le nouveau passeport a été adopté en RDC aurait probablement eu des motifs notamment politiques, parce qu'il a intervenu au moment où l'ex-président se préparait pour une présidentielle controversée : « il fallait notamment écarter les opposants à l'étranger », glisse notre interlocuteur.

Le gouvernement de Sylvestre Ilunga doit désormais relever le défi de trouver rapidement, via un appel d'offres en bonne et due forme, le nouveau prestataire de services d'identification biométrique. D'autant que face aux demandes de renouvellement de passeport en attente -même si la pandémie du coronavirus a suspendu les voyages internationaux, le gouvernement pourrait difficilement rétropédaler, au risque de se mettre à dos l'opinion publique.

Ristel Tchounand

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