Afrique du Sud : l’ANC au bord de l'implosion

Moins de 4 jours après l’annonce du remaniement gouvernementale voulu et imposé par Jacob Zuma, ce dernier doit faire face à une fronde interne menée par le trésorier, le vice-président et le secrétaire général de l’ANC épaulés par l’influent groupe des anciens combattants du parti. Le président est également attaqué par son allié gouvernemental, le parti communiste qui gouverne au côté de l’ANC. Une situation qui fait craindre un « coup d’Etat » parlementaire en Afrique du Sud.
Amine Ater

Le retour de bâton ne s'est pas fait attendre après l'éviction de Pravin Gordhan de son poste de ministre des Finances décidée lors de la nuit du 30 au 31 mars dernier. En effet, les premières critiques ont commencé à se faire entendre au sein de l'ANC, exigeant des explications sur un remaniement gouvernemental jugé « radical » et pouvant porter préjudice au dispositif antichoc du rand et les mécanismes d'emprunt.

Les instances partisanes prennent position

Une grogne portée par le trésorier général du parti au pouvoir, Zweli Mkhize, épaulé par le vice-président et le secrétaire général de l'ANC, Cyril Ramaphosa et Gwede Mantashe. Des cadres qui s'expriment au nom de la moitié du comité des hauts fonctionnaires du parti. Des opposants qui ont le soutien du parti communiste sud-africain, qui gouverne également le pays au côté de l'ANC. Une coalition qui vient d'exhorter le président Zuma de quitter le pouvoir.

Un appel à la démission de Zuma, justifié par « l'imprudence » des actions présidentielles.  Selon un communiqué publié par le trésorier général de l'ANC, « le briefing du président a laissé une impression distincte que l'ANC n'est plus central et prive au passage le collectif à la tête du parti de ses responsabilités à conseiller les questions exécutives du gouvernement ». Cette éviction a mis le feu au poudre au sein de l'ANC et constitue la plus importante crise politique interne au parti depuis une décennie.

L'opposition interne à Jacob Zuma est portée par le groupe des anciens combattants du parti qui accusent le président de porter atteinte aux valeurs que porte l'ANC depuis 105 ans. Ce dernier devra maintenant batailler sur 2 fronts, sachant que les partis d'opposition multiplient les coups de forces et les actions symboliques depuis le rapport dénonçant les collusions entre le clan Zuma et la famille Gupta.

« Zuma must go »

Désormais uni sous le cri de guerre « Zuma must go », les opposants de tous bords au président se sont réunis à l'Hôtel de ville de Johannesburg, pour le mémorial d'Ahmed Kathrada, figure historique de l'ANC et où l'ex-ministre des Finances Gordhan a imputé l'ensemble des problèmes actuels de l'Afrique du Sud à Jacob Zuma. Barbara Hogan, ancienne ministre et veuve de Kathrada a de son côté appelé le président à respecter les souhaits de son mari exprimé directement à Zuma dans une lettre adressée au président en 2016 et qui l'appelait à démissionner.

Pour le parti communiste sud-africain, le remaniement et la multiplication des problèmes bancaires rencontrés par les Gupta est loin d'être une simple coïncidence. En effet, les banques sud-africaines jouissaient du soutien de Gordhan dans leur décision de fermer les comptes « suspects » liés aux activités du clan Gupta. Des fermetures critiquées par la présidence. Les divergences entre Zuma et Gordhan concernaient également les projets de construction de nouvelles centrales nucléaires et la gestion des entreprises publiques.

Le parti restera fidèle ou détrônera son chef ?

Pour le secrétaire général de l'ANC, Gwede Mantashe, « le seul crime de Gordhan et de son adjoint est l'incorruptibilité. Nous resterons solidaires avec eux ». Le SG du parti s'est également montré offusqué en son nom et au nom des 6 leaders historiques du parti de ne pas avoir été consultés à l'avance sur la question du remaniement. Ce dernier s'insurge également sur le fait que la présidence ait tenté de forcer la main des instances partisanes en lui soumettant une liste des candidats au remaniement « développée ailleurs et qui nous a été donnée de légitimer ».

Le trésorier du parti a également critiqué le faire que le président a gardé dans le gouvernement es ministres « dont le bilan est plutôt insatisfaisant ». Ramaphosa a de son côté qualifié les raisons ayant poussées Zuma à se séparer de Gordhan comme « inacceptables ». Le vice-président fait partie des candidats pressentis au remplacement de Zuma à la tête de l'ANC en décembre prochain. Ce dernier a également balayé d'un revers de la main, le rapport de renseignement brandit par Zuma qui accuse Gordhan de manœuvres pour saper les efforts du gouvernement. « Des allégations non fondées » pour Ramaphosa, qui a publiquement soutenu l'ex-ministre des finances sur cette affaire. Ce dernier a de son côté déclaré que le rapport n'était « qu'un mensonge ».

Du côté de la présidence, l'éviction de Gordhan est expliquée comme une réaction aux divisions causés par ce dernier au sein du gouvernement qui aurait débouché sur le blocage de plusieurs projets d'autres ministères. Une escalade entre les deux camps, qui fait craindre un « coup d'Etat parlementaire ». Une situation impensable il y'a quelques mois, mais qui pourrait se réaliser suite au remaniement imposé par Zuma qui pourrait pousser une partie des cadres et apparatchiks de l'ANC qui s'étaient tenus en marge de l'action jusqu'à présent à rentrer en scène.

Amine Ater

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