Covid ou post-Covid, l’emploi des jeunes reste au cœur des défis africains

L'Afrique doit avancer plus vite que le reste du monde vers une nouvelle économie où le rapport au savoir et à l'acquisition de compétences va être radicalement modifié.
(Crédits : DR.)

L'impact de la crise Covid sur les systèmes éducatifs a encore creusé davantage l'écart entre un service public dont les défaillances se sont accrues et une offre privée qui bien que très fortement touchée a su tant bien que mal réagir et s'adapter.

La crise Covid n'est cependant qu'un élément de plus qui, jusqu'à présent, a eu fort heureusement en Afrique un impact sanitaire limité, mais des conséquences économiques et sociales qui restent difficiles à évaluer et qui risquent d'amplifier les dynamiques en cours. Elle est ainsi venue « s'ajouter » à la rapidité des changements liés à la démographie, qui se traduit par une urbanisation effrénée et des migrations intra-africaines de plus en plus massives vers les zones de croissance. Elle a aussi mis en lumière le recours massif au numérique qui conduit à des mécanismes accélérés de destruction, de création et de transformation d'emplois.

Le télétravail, comme ailleurs, est devenu, sinon une norme, une nouvelle modalité et non une exception. Plus vite que dans les pays développés où les questions d'ajustement, offre et demande d'emploi, sont pourtant loin d'être résolues. La main d'œuvre va donc devoir changer d'emploi régulièrement, plus rapidement, et adapter ses qualifications de nombreuses fois dans une carrière professionnelle. La question de la formation tout au long de la vie s'impose alors comme une nécessité incontournable.

L'offre éducative est donc appelée à évoluer pour accompagner ces changements. Elle reste encore fortement diplômante et trop générale, car historiquement construite dans une perspective d'intégration dans l'emploi public. Elle reste peu réceptive, sinon réfractaire, aux changements et aux innovations pédagogiques, et très peu imprégnée d'une culture économique et encore moins entrepreneuriale qui doit devenir la norme par nécessité et non par dogmatisme ou idéologie.

Il y a pourtant urgence. D'ici 2040, c'est plus de 450 millions de jeunes qui vont arriver sur le marché du travail alors que, dans le même temps, seulement quelque 100 millions d'emplois seront créés. Ainsi, moins d'un quart bénéficieront d'un emploi lié à un contrat de travail à condition encore que leurs compétences répondent aux besoins de l'économie ce qui est déjà aujourd'hui loin d'être le cas. Plus on va à l'université plus on risque d'être chômeur alors que les entreprises manquent de compétences correspondant à leurs besoins. Le reste, soit plus des trois quarts, devra donc s'auto-employer : devenir entrepreneur. Pour cela, il est nécessaire de sortir de la passivité et du confort de la salle de classe pour être autonome et savoir gérer, au risque de choquer : le « capitalisme de soi ».

Dans le même temps, l'économie numérique est en plein essor. Le secteur de l'éducation, qui doit conjuguer massification, efficience et accessibilité par ses modalités et son coût d'accès, n'échappera pas à cette évolution majeure. Elle ne touche pas que l'Afrique, mais aussi le reste du monde où ces changements sont à l'œuvre. Les retards pris, pour non pas faire disparaitre le professeur en classe, mais pour ne pas restreindre l'offre éducative et l'acquisition de savoirs et de compétences au huis clos d'une salle de classe ont été brutalement mis en lumière par la crise Covid. L'école que nous connaissions a subitement disparu. Certains rêvent de la reconstruire comme avant (la crise), d'autres pensent le futur. C'est le cas de IAM (Institut Africain de Management) à Dakar et Bamako, par exemple, qui, tirant les leçons de la crise Covid, a entrepris de fabriquer et de mettre en ligne un volume significatif de formations en e-learning made in Africa pour les étudiants, les professionnels et les entreprises. L'Afrique n'a pas vraiment le choix.

Le système éducatif mondial est en effet en pleine transformation avec des changements majeurs qui constituent une rupture forte avec les systèmes classiques de transmission du savoir. Sous la pression des besoins de l'économie d'une part, et des possibilités qu'offrent les technologies numériques, d'autre part, des services flexibles répondant à une demande non satisfaite se construisent. Au-delà des MOOCs (Massive Open Online Courses), qui font déjà partie du passé, il s'agit de faire jouer à l'apprenant un rôle central en lui offrant des parcours professionnalisants interactifs et sur mesure, véritables dispositifs de formation tout au long de la vie. On doit lui apprendre à apprendre et lui faciliter l'accès aux connaissances et compétences dont il a besoin quand il en a besoin. L'école, notre école, n'est plus le lieu unique de transmission du savoir. Ce qui ne veut pas dire qu'elle doit disparaitre.

Il faut donc accepter de rompre avec une spirale de déclin qui semble irréversible et qui a pour principe de poursuivre des logiques d'intervention qui sont devenues aujourd'hui en grande partie inadaptées dans une Afrique en pleine émergence. On sait par exemple qu'il sera impossible de construire des infrastructures pour la formation et de recruter des enseignants en nombre suffisant pour suivre le rythme de la croissance des effectifs. Pourtant, on persiste dans ce qui s'apparente au mythe de Sisyphe. Le ciment des murs des écoles peut aussi être un agent destructeur de tissu social.

Le temps de l'Afrique d'aujourd'hui n'est plus le même qu'hier, les attentes de la jeunesse et plus globalement de la société ont aussi évolué significativement. Le système éducatif doit donc évoluer en conséquence pour prendre en compte les nouvelles aspirations de la société africaine dans une économie du savoir où le numérique sera un des éléments déterminants, pour conjuguer plus efficacement massification, accessibilité, qualité, employabilité, innovation et entrepreneuriat. N'est-il pas nécessaire alors que l'on parle de chaînes de valeurs, de Fcfa versus Eco, de rappeler que «  la matière première-clé qui assure un avantage compétitif aux personnes, institutions et lieux géographiques qui la détiennent, ne se situe plus dans le matériel (les denrées, matières premières et sources d'énergie, même si les enjeux sont grands sur ces sujets, etc.), mais dans l'immatériel (l'information, le savoir-faire et la connaissance) » (source Wikipédia).

L'Afrique peut-elle être absente d'une économie du savoir qui représente un peu plus de 9% du PIB mondial ? Faire l'impasse sur la formation et l'emploi de sa jeunesse ? Sortir de la crise en répétant les mêmes erreurs alors que les limites de l'action publique sont patentes et que, malgré une demande d'éducation et de formation professionnelle non satisfaite, on observe, que moins de 1% des projets d'investissements privés en Afrique (IDE) concernent le secteur éducatif.

C'est donc aujourd'hui le défi majeur. Comment vaincre le principe de précaution qui, crise aidant, s'est amplifié alors même que l'Afrique a traversé la crise d'une manière inédite ? Comment, pour saisir les opportunités du marché africain, mobiliser des ressources et accompagner les institutions privées africaines d'enseignement pour qu'elles soient en mesure de répondre à la demande et deviennent des championnes africaines ? Les Etats ont montré leurs limites. Ce sont les investisseurs qui doivent se mobiliser pour faire émerger une réponse africaine flexible, accessible, de qualité capable de conjuguer employabilité, entrepreneuriat, africanité et modernité. Le résultat devra être évalué en termes de valeur et donc d'emploi, à hauteur de l'investissement fait par les familles et du besoin d'avenir de la jeunesse africaine. C'est le défi auquel Takafa Education, à travers sa filiale Groupe IAM, entend contribuer.

(*) Paul Ginies est directeur général de Takafa Education

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