La régulation, l'autre défi du digital en Afrique

Fin novembre s'est tenue en France, la conférence annuelle du Fratel, l'association réunissant presqu'une cinquantaine de régulateurs télécoms francophones, dont les deux tiers venant d'Afrique. La veille, la commission digitale du CIAN se réunissait à Paris sur le sujet. Mêlant experts, avocats, régulateurs et entreprises, cette conférence a permis de voir à quel point les enjeux de la régulation du digital sont la nouvelle frontière des régulateurs. Retour sur les messages clés partagés par les différents acteurs de la conférence.

Tout d'abord, il faut noter que les entreprises privées sont les premières demandeuses de cette régulation. En effet, un manque de régulation accentue les risques d'instabilité sur le marché. Les régulateurs sont donc des acteurs bien vus quand ils jouent leur rôle, notamment en garantissant une vision de long terme et en évitant les soubresauts conjoncturels. A contrario, quand les régulateurs font mal leur métier, tout le monde y perd. Les dossiers autour de la TNT et notamment les cas du Ghana ou de la Tanzanie illustrent cette situation ; la législation (ou plutôt son absence) sur les MVNO est un autre sujet où le déficit de cadre est regretté par les entreprises privées.

L'une des difficultés de la régulation des sujets télécoms est que, de plus en plus, cette régulation est à la confluence de différents sujets, effet de la convergence sectorielle, dont notamment le droit de la concurrence (e-commerce), la régulation bancaire (m-paiement), les droits d'auteurs (musique et VOD), etc. Le domaine de compétence des régulateurs télécoms peut donc s'élargir et le développement des nouvelles technologies (5G, IoT, etc.) ne va faire qu'accélérer ce phénomène.

La constitution d'oligopoles est aussi un des sujets que doivent suivre les régulateurs (le cas de M-Pesa au Kenya qui est sur les cartes Safaricom, par exemple). Le développement d'Internet est réel, mais les tarifs pratiqués (un ratio de 1 à 10 pour le haut débit entre la France et l'Afrique du Sud) illustrent bien des cas oligopolistiques, des blocages liés aux capacités des réseaux ou bien encore la question des taxes. Cette question des tarifs est de plus en plus un enjeu, car le succès des acteurs Over The Top (OTT) tels Netflix, YouTube ou Whatsapp, très consommateurs de bande passante, souvent sur des modèles économiques gratuits à l'usage, posent de vraies questions pour une régulation saine du secteur.

Dernier enjeu majeur, la régulation du digital en soi avec ces différentes composantes. La question est loin d'être simple, car il est, d'une part, pas évident que cette régulation soit à mettre chez les régulateurs télécoms (la question des droits d'auteur, celle des droits liés aux données privées) et d'autre part, il s'agit aussi de préparer le socle légal de réponse à l'arrivée en Afrique des GAFA (appelés de plus en plus GANFAM en Afrique avec Microsoft et surtout Netflix, présent via Nollywood).

Pour ce dernier sujet, la question de la co-régulation se pose. Vu le poids économique de ces acteurs (si Google était un pays, il serait le second d'Afrique économiquement) une réponse individuelle des Etats n'a pas grand sens. Une approche à plusieurs pays (région, tout le continent) peut donc faire sens. Des politiques transnationales sur certains sujets (la donnée, les droits d'auteur) peuvent aussi faire sens. Voici un nouveau défi pour ces autorités de régulation !

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