Kenya : Kenyatta et Odinga font la paix des braves

Le président kenyan a rencontré ce vendredi 9 mars, son principal et éternel rival, l’opposant Raila Odinga. C’est une première depuis la rocambolesque réélection d’Uhuru Kenyatta que contestait jusque-là Odinga, au risque de plonger le pays dans une incertitude politique depuis des mois. En signant cette paix des braves, les deux leaders se sont engagés à travailler ensemble pour le développement du pays mais jusqu’à quand ?
(Crédits : DR)

C'est ce qui s'appelle faire paix des braves ! Le président Uhuru Kenyatta et son principal opposant Raila Odinga se sont entretenus ce vendredi à Harambee House, le palais présidentiel de Nairobi. Selon le communiqué publié par le cabinet du chef de l'Etat, les deux leaders politiques ont décidé de taire leurs divergences politiques et de « travailler ensemble afin d'unir les kenyans ».

Peu de temps après leurs entretiens, Uhuru et Odinga se sont exprimés, tout sourire, face à la presse. « Nous avons convenu que le moment est venu pour mettre fin à nos divergences politiques qui ne font que causer des frictions et des divisions dans le pays » a fait savoir le chef de l'Etat qui a aussitôt ajouter que pour que « le pays se rassemble, c'est d'abord aux dirigeants politiques de discuter librement et ouvertement sur leurs différends afin de mettre fin aux divisions ethniques ».

Il a dans ce sens déclaré que la responsabilité incombe aux leaders politiques d'échanger et de négocier afin d'unir le pays et surtout lui permettre de tourner pour de bon la page des crises électorales qui engendrent des tensions à chaque fois.

« Le Kenya est plus grand que les volontés individuelles. Pour que le pays s'unisse, ses leaders doivent s'unir. (...). Les élections vont et viennent mais le Kenya reste. De même que nous devons planifier un avenir qui ne sera pas dicté par les prochaines élections, notre avenir doit être dicté par la recherche de la prospérité, la stabilité de notre nation et le bien-être de notre peuple ». Uhuru Kenyatta

Autocritique et mea-culpa

Devant la presse et à l'adresse de l'opinion, les deux leaders se sont lancés dans une sorte d'autocritique et même de mea-culpa leurs responsabilités personnelles dans l'amplification des tensions politiques et ethniques. « Nous sommes réunis aujourd'hui pour dire que la dissidence s'arrête ici » a lancé Raila Odinga. « Nous refusons d'être les leaders sous la conduite desquels les kenyans se dirigent vers un échec de la nation  » a poursuivi l'opposant pour qui les réformes, dont il exigeait pourtant la mise en œuvre avant de participer à un dialogue, ne serviraient à rien tant que « le pays reste divisé et corrompu ».

Sortie de crise

Dans un document signé par la suite par le président Kenyatta et Raila Odinga, les deux dirigeants ont invité les kenyans à se mobiliser pour le pays et dans pour matérialiser leurs accords, un programme sera mis en œuvre sur la base des objectifs communs des deux leaders politiques.

Le président a d'ailleurs vite fait de relayer les images de cette rencontre inattendue et où on le voyait tout sourire avec son éternel challenger et qui jusque-là contestait la réélection déjà très controversée d'Uhuru Kenyatta, en octobre dernier. Le chef de la NASA, la coalition de l'opposition, était en effet le principal adversaire du président à la dernière élection présidentielle dont une première manche a été annulée pour irrégularités par la Cour constitutionnelle avant que Odinga ne boycotte le nouveau scrutin qui a consacré le président sortant.

Depuis, la rivalité politique de longue date entre les deux hommes a pris le dessus et si Kenyatta s'est fait investir à la suite de la validation de sa réélection par la Cour constitutionnelle, Raila Odinga s'est aussi « autoproclamé » président du pays avec un semblant d'investiture en janvier dernier.

Le contexte politique était des plus tendus et beaucoup redoutait le retour des violences électorales qui comme en 2007 et 2008 ainsi qu'en 2014 ont fait des centaines de morts.

Avec cette rencontre, les deux leaders politiques dont la rivalité, héritée de leurs parents respectifs, rythmaient déjà la vie politique du pays depuis plus d'une décennie, signent enfin la paix des braves. Toutes les tentatives de négociations ont jusque-là achoppé avant cette surprenante annonce de vendredi. Pour l'heure, la bonne nouvelle c'est que le Kenya, une des premières puissances économiques de l'Afrique de l'Ouest, peut enfin envisager les prochains mois avec plus de sérénité. Les conséquences de la crise politique sur une économie déjà mal en point ont commencé depuis quelques temps à prendre forme. Le retour de la sérénité politique va donc permettre au gouvernement de se consacrer désormais à la mise en œuvre des réformes économiques en attendant celles institutionnelles et politiques qui devront voir le jour d'ici les prochaines élections. A condition que les engagements pris par les deux hommes politiques résistent au temps et à la quête du pouvoir.

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