Gambie  : Barrow président, du Jammeh vu  !

Jusqu'au bout, Yahya Jammeh aura été à la hauteur de sa sulfureuse réputation de chef d'Etat imprévisible. En acceptant officiellement de reconnaitre sa défaite et de passer pacifiquement le témoin, le président gambien fait plus que surprendre. Celui qui est connu comme l'un des plus grands dictateurs contemporains du continent est en train de donner « une leçon de démocratie » à la face du continent.

C'est fait et c'est du Jamais vu!  Le président gambien a enfin mis fin au suspens qui perdurait depuis la mi-journée pour reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle du jeudi dernier après presque 22 ans de règne sans partage. Dans une intervention télévisée sur la chaîne publique, en plusieurs actes et dont la mise en scène sied bien à l'événement, il s'est entretenu avec son challenger d'un jour et prochain successeur, l'entrepreneur Adama Barrow ! Avec tout le cérémonial digne d'un show à l'américaine, celui qui est perçu jusque-là comme l'un des derniers autocrates africains des temps modernes est en train de tirer sa révérence politique d'une manière surprenante, inattendue, mais surtout pacifique et même aux airs démocratiques ! Il est vrai que l'annonce de sa défaite a été rendue publique depuis la mi-journée, mais en dépit de la confirmation faite par la commission électorale du pays, beaucoup attendaient de voir avant d'y croire. Ce n'est pas l'issue du scrutin qui suscitait les inquiétudes, mais plutôt la réaction du maître de Banjul dont la capacité de nuisance ne fait aucun doute tant il a dirigé son pays jusque-là d'une main de fer.

En annonçant, au cours de son allocution télévisée, qu'il a toujours promis de respecter le choix des électeurs et en passant cette fois à l'acte, Yahya Jammeh n'a pas manqué d'ajouter à cette litanie de surprises du chef qui en un jour a fait basculer le destin d'un peuple. A juste titre, un effet domino sur d'autres pays du continent est désormais plausible tant l'événement gambien de ce vendredi 2 décembre a eu des répercussions au delà du pays et de la sous-région.

« Vous avez décidé que je devrais partir et vous avez choisi quelqu'un pour diriger votre pays, le notre. Je vous souhaite alors le meilleur ». Le président sortant gambien, Yahaya Jammeh.

Alternance historique

L'année 2016 aura été décidément celle du tout possible ! Après l'élection contre toute attente de Donald Trump à la maison blanche, la courageuse décision de François Hollande de ne pas se présenter pour un second mandat, c'est la Gambie qui est en train de donner une vraie leçon de démocratie au monde. Après 22 ans de pouvoir et un cinquième mandat qui était annoncé comme une lettre à la poste, Yahya Jammeh va devoir quitter le pouvoir à l'issue d'une élection qu'il a lui-même organisé. Il convient de le souligner de nouveau, le fait est assez inédit sur le continent et explique largement le temps d'attente assez long qu'a pris l'opinion africaine et internationale avant de digérer la nouvelle. Même après la confirmation du président de la commission électorale du pays, beaucoup étaient restés stupéfaits et les médias internationaux ont dans un premier temps, relayé l'information au conditionnel. Il a fallut la diffusion de son entretien téléphonique avec le nouvel élu, dans une ambiance décontractée qui frise une rigolade entre de vieux potes, pour que l'alternance soit véritablement admise.

C'est d'ailleurs un Jammeh au langage très démocratique qui s'est par la suite adressé à ses concitoyens. Le président sortant a déclaré que « même si c'est d'une voix d'avance que mon adversaire l'avait emporté, j'aurais reconnu les résultats ». Pour ceux qui en doutaient encore, cela aura le mérite d'être officiellement affirmé. Au passage, et à titre subsidiaire, la technique de vote inédite, par le biais de billes, prend d'un coup une nouvelle dimension à l'international.

En cette journée historique donc pour le peuple gambien qui vient de prouver à la face du monde sa maturité démocratique, c'est le chef de l'Etat sortant qui est pourtant bien parti pour ravir la vedette à ses concitoyens. Les premières réactions qui ont pullulé sur la toile sont là pour confirmer ce qui, en plus d'être inédit, est en train de provoquer une véritable onde de choc sur le continent. Il est vrai qu'il n'est pas le premier président en exercice à organiser des élections et les perdre, même si le cas est assez rare. Mais pour un chef d'Etat qualifié de dictateur ou d'autocrate, cela relevait jusque-là de la politique-fiction. L'opinion africaine est en tout d'accord pour lui reconnaître ce mérite de « sortir par la grande porte » même s'il va sans dire, cela n'occulterait que pour un temps, ses nombreuses frasques qui ont régulièrement alimenté l'actualité politique du continent ces deux dernières décennies.

Porte de sortie politique assez honorable

La décision de François Hollande n'a pas encore fini d'engendrer diverses interprétations et surtout des interrogations sur la probabilité de sa transposition  en Afrique, le cas Jammeh vient prouver que sur le continent comme dans les autres régions du monde, la démocratie est un processus inéluctable. Dans plusieurs pays, et passé l'euphorie de l'information, les citoyens et surtout les jeunes activistes n'ont pas tardé à rêver de l'émulation que cet épisode électoral pourrait engendrer sur le continent. S'il faut rendre à César ce que lui appartient, Jammeh mérite ne serait-ce que l'instant d'un soupir, une présomption d'héros du jour ! Même si, comme Hollande, il devra probablement attendre le recul de l'Histoire. Il est vrai que peut-être, lui aussi surpris et dépassé par les événements, il aurait décidé de s'offrir une sortie honorable. Dignité est un terme qui prends tout son sens ces jours-ci. L'argument est défendable mais en politique, les actes et surtout, les mots comptent plus que partout ailleurs. Et c'est un Yahya Jammeh, battu aux élections qu'il a lui-même organisé, qui a tenu à reconnaître publiquement, « la nette victoire » de son opposant  qu'il a tenu à féliciter ! En matière de sortie honorable d'un autocrate, il n y a pas beaucoup d'exemples pour en tirer des relations de causes à effet !

Il reste beaucoup de questions qui restent pour le moment en suspens et il va falloir attendre la suite des événements pour vraiment saisir toute l'ampleur de cette leçon de démocratie que vient de prouver le peuple gambien à la face du monde. C'est en effet à ce peuple qu'on a longtemps laissé sous le joug de la gestion impulsive de l'autoproclamé docteur Jammeh que revient le plus grand mérite de cet exploit politique mais c'est surtout à Cheick Yahya, mais en évitant à son pays de renouer avec les lendemains d'élections qui mettent régulièrement, et de la plus déplorable manière, le continent au devant de l'actualité internationale, qu'il est en train d'entrer dans l'Histoire, selon les angles, par la grande porte ou par la fenêtre.

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Commentaire 1
à écrit le 08/12/2016 à 6:37
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Bravo jammeh

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