Présidentielle en Gambie : un huis-clos inquiétant

Pour avoir des informations sur le déroulement du scrutin de la présidentielle gambienne de ce 1er décembre, il faut attendre de pouvoir parler aux voyageurs qui reviennent de ce pays où tous les canaux de communication ont été coupés. Aucun observateur d'une organisation régionale ou internationale ne supervise la transparence du scrutin. L'élection se déroule dans un inquiétant huis-clos. La Tribune Afrique retrace les heures avant que les premiers résultats ne tombent !
Ibrahima Bayo Jr.

Les bureaux de vote en Gambie devraient fermer à 18 heures (GMT). Les résultats devraient ensuite être dépouillés via un système des plus ingénieux au monde dans les 1422 bureaux de vote répartis dans les 53 circonscriptions électorales du pays. Les premiers résultats devraient ensuite être connus dans le courant de la nuit du jeudi 1er au vendredi 2 décembre.

Dans un pays où tout est parfois incertain, le conditionnel est de mise. Les 885.000 électeurs qui doivent choisir entre 3 candidats tous âgés de 51 ans : le président sortant Yahya Jammeh au pouvoir depuis 22 ans affronte l'opposant unique, Adama Barrow, investi par une coalition de sept partis d'opposition. Un autre candidat, Mamma Kandeh, un député banni des rangs de l'Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), le parti présidentiel, complète le trio des candidats.

La campagne électorale, marquée par une ambiance d'invectives s'est clôturée le 29 novembre 2016 à minuit. Elle a été une des rares soupapes qui a permis à la coalition d'opposition de pouvoir adresser ses critiques les plus virulentes notamment sur l'état économique du pays mais aussi et surtout sur les accusations de réduction des libertés publiques à l'endroit de Yahya Jammeh. Ce dernier est arrivé au pouvoir en 1994 à la faveur du renversement de Dawda Jawara, président dès l'indépendance de cette ex-colonie britannique.

Craint, adulé parfois même détesté, Yahya Jammeh dirige la Gambie d'une poigne de titan depuis 22 ans avec ses réélections successives en 2001, 2006, et 2011. Pour l'homme du State House (le palais présidentiel), cette présidentielle de 2016, c'est un peu, un bilan de son (presque) quart de siècle au pouvoir. Alors, pour la campagne, le quinquagénaire président a enfourché le cheval de ses réalisations pour l'éducation et la santé mais aussi sur ses apports pour la paix du pays. Il se pose aussi en rempart contre l'émigration clandestine vers l'Europe dont la grande majorité provient de son pays.

Internet coupé, sms bloqués, le huis-clos inquiétant d'une élection

Signe de l'importance de l'élection, les électeurs ont pris d'assaut les bureaux de votes pour mettre leurs billes sur le candidat de leur choix. Mais, des rares échos qui nous parviennent de témoignages, Banjul, la capitale gambienne s'est enveloppe d'un calme précaire vers le courant de la mi-journée. Il faut dire qu'aucun canal de communication n'a été ouvert pour obtenir des informations sur le pays.

Il faut dire que l'élection se déroule dans un huis-clos inquiétant. La connexion internet, les appels téléphoniques avec l'extérieur ont été coupés et les envois de sms ont été bloqués, officiellement pour des raisons de sécurité sous les protestations d'ONG comme Access Now, l'Association pour le progrès des communications (APC) et Internet Sans Frontières qui ont signé une pétition. Des raisons souvent invoquées pour restreindre les flux d'informations sur d'éventuelles accusations de fraudes notamment à des élections comme pour le cas du Gabon, du Burundi, du Congo-Brazzaville, République Centrafricaine, République démocratique du Congo...

Pour ajouter aux inquiétudes de l'opinion publique internationale, les observateurs de l'Union africaine (UA), l'ONU, du Commonwealth (dont la Gambie s'est retirée) et l'Union européenne ont été déclarés non-grata. L'élection ne sera pas suivie par les observateurs de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui n'a pas dépêché d'observateurs sur place comme pour la présidentielle de 2011. Mercredi 28 novembre, bien avant la clôture de la campagne électorale, le président sortant gambien vait indiqué que toute manifestation après le vote était interdite. « Il n'y a aucune raison de protester, car l'élection qui doit se tenir jeudi ne peut pas être truquée, et de toute façon, dans ce pays, nous n'autorisons pas les manifestations », avait-il fait savoir.

Dans le camp de l'opposition, Adama Barrow, assuré d'avoir de « très bonnes chances » de l'emporter avait appelé le président au calme et à la retenue en cas de défaite. Mais dans les deux camps, on redoute la réaction du camp du perdant à l'annonce des résultats. Dans une Afrique de l'ouest présentée comme la région où l'alternance politique se déroule généralement sans heurts, la Gambie fait office de trublion de la classe. Son avenir politique se joue à dans un huis clos qui passionne toute la région.

Ibrahima Bayo Jr.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.