Le CPA rassemble les doléances des diasporas avant le Sommet Afrique-France

Depuis juillet, le Conseil présidentiel pour l'Afrique (CPA) sillonne la France à la rencontre des diasporas issues des quartiers prioritaires. Le 18 septembre, en amont du Sommet Afrique-France de Montpellier qui sera consacré aux sociétés civiles, il recueillait au Musée des Beaux-Arts de Rouen, les dernières recommandations des diasporas. Une fois de plus, l'entrepreneuriat a dominé les échanges.
(Crédits : CPA)

La dernière étape de la tournée estivale du CPA, intitulée « Un tour de France des mémoires, des ambitions, de la reconnaissance », s'est déroulée à Rouen, samedi 18 septembre, en présence d'Elisabeth Moreno, ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Egalité des chances. Le tour de France des mémoires initié par le CPA a commencé les 21 et 22 juillet à Roubaix puis Tourcoing. Il s'est poursuivi à Brest le 11 septembre et s'est achevé à Rouen le 18 septembre dernier.

« Nous devons garder un œil lucide sur le passé, vivre intensément le présent et préparer l'avenir », a déclaré Nicolas Mayer Rossignol, maire de la ville de Rouen à cette occasion. La ville recouvre en effet un passé douloureux, eu égard au massacre du 6 rue Bihorel le 9 juin 1940, où les soldats allemands avaient réuni 121 militaires et civils africains, antillais et nord-africains, avant de les exécuter, en raison de leur couleur de peau. Le 29 septembre 2020, une plaque commémorative était inaugurée pour saluer la mémoire des victimes.

La rencontre rouennaise du CPA a réuni associations, entrepreneurs, étudiants et jeunes issus de la diversité venus des quartiers prioritaires. Elle s'inscrit dans la continuité des rencontres organisées avec Sylvain Itte, ambassadeur, envoyé spécial pour la diplomatie publique en Afrique, les 6 et 7 juillet derniers à Montpellier, avec la députée LREM Sira Sylla. Chaque étape fut l'occasion de valoriser des lieux d'exposition de la Saison Africa 2020, sur fond de débat autour de la restitution des œuvres d'art.

Les diasporas africaines en attente de résultats concrets

Plusieurs dizaines de personnes participaient aux débats dans une ambiance disciplinée. Les intervenants ont partagé leurs interrogations et parfois proposé leurs solutions, dans le cadre d'une session de questions-réponses intitulée « La parole est à vous ».

« Nous sommes ici pour comprendre vos attentes et les porter au Sommet de Montpellier le 8 octobre », déclarait Wilfrid Lauriano Do Rego, coordonnateur du CPA. Le prochain Sommet Afrique-France sera en effet, axé sur les sociétés civiles africaines et le CPA sera en charge de coordonner la partie dédiée à l'entrepreneuriat.

« Nous sommes ici pour comprendre vos attentes et les porter au Sommet de Montpellier le 8 octobre ». Wilfrid Lauriano Do Rego, coordonnateur du CPA.

« Cette consultation est résolument tournée vers l'avenir, l'égalité des chances, la visibilité [des diasporas] et les opportunités qui existent [...] Vous êtes un trait d'union intime entre la France et l'Afrique », a ajouté Wilfrid Lauriano Do Rego, avant d'inviter les participants à s'exprimer : « Il n'y a pas de tabou ! »

« Après avoir développé mes activités, j'ai voulu transmettre ce que j'avais appris. Je me suis tourné vers le pays de mes parents, l'Algérie, puis l'Afrique subsaharienne, où j'ai rencontré des jeunes très bien formés, mais qui ne trouvaient pas d'emploi, après leurs études. Que faire ? », interroge Lamine Talakela, un entrepreneur franco-algérien de 39 ans, à la tête d'Incuba'Street. « En tant qu' « invisibles », on cherche des solutions concrètes pour les jeunes, sans quoi ils n'auront pas d'autre choix que le chômage ou l'exil. Nous essayons d'endiguer cette vague en créant de la valeur localement, mais nous avons besoin d'être soutenus. Nous sommes prêts, Madame la ministre. Aidez-nous ! », interpelle l'entrepreneur.

De son côté la Franco-Rwandaise Rosine Duquesne, à la tête d'un centre d'innovation pour la recherche et la formation sur l'autisme (Autisme Rwanda) attend des engagements. « Nous finalisons un plan quinquennal sur l'autisme au Rwanda afin de procéder à un inventaire précis. J'apporte une connaissance qui n'existe pas dans mon pays d'origine et j'attends un soutien de mon pays, la France. Nous ne voulons pas de promesses, mais des actions. Concrètement, nous avons besoin de 550 000 euros », précise-t-elle pragmatique.

Pour Samy Bouguern, coordinateur régional du réseau « Les déterminés » en Normandie -une association qui encourage l'entrepreneuriat dans les banlieues et dans les espaces ruraux- « le difficile accès à l'information et aux financements et le manque de réseaux restent les problèmes majeurs rencontrés par les diasporas ». Le jeune homme considère que cette rencontre organisée à Rouen est « une belle initiative », mais regrette « des débats généralistes », estimant in fine qu'« il y a peu de chances que cela débouche sur quelque chose de très concret ».

Diaspora, une entité à géométrie variable

« Il faut savoir se dire les choses en face pour avancer [...] On ne va pas se mentir, il y a des malaises : dîtes-le ! », interpelle Aché Ahmat Moustapha, membre franco-tchadienne du CPA. Les malaises sont profonds, comme le révélait le CPA en février dernier, en dévoilant les résultats d'un sondage d'OpinionWay.

« Il faut savoir se dire les choses en face pour avancer [...] On ne va pas se mentir, il y a des malaises : dîtes-le ! ». Aché Ahmat Moustapha, membre franco-tchadienne du CPA

L'étude menée auprès des diasporas africaines en France révèle que 75 % des personnes interrogées considèrent que l'égalité des chances n'est pas respectée, 73 % que l'intégration des personnes d'origine étrangère fonctionne mal et 73 % que les personnes d'origine étrangère sont victimes de discriminations.

« Il ne peut subsister dans notre République d'égalité à double vitesse [...] Beaucoup de nos concitoyens désespèrent de notre République », avertissait Elisabeth Moreno. « Nous avons pour obligation d'empêcher que la République ne se défasse », déclarait la ministre, citant Albert Camus. « Je sais qu'il y a des sujets de discrimination dans notre pays qu'il faut saisir à bras le corps. Il y a des candidats aux élections qui pensent qu'on ne doit plus s'appeler Fatoumata [un message en direction d'Eric Zemmour dont la rumeur sur une candidature à la présidentielle 2022 grandit de jour en jour, ndlr] », a commenté la ministre avant de tempérer l'étendue du problème en soulignant qu'il y avait aujourd'hui « une diversité jamais vue à l'Assemblée nationale ».

Les diasporas africaines recouvrent des réalités multiples, mais « le terme ne doit pas être réducteur », nuance la députée LREM Sira Sylla qui considère qu'il doit inclure « tous ceux qui se battent pour un nouveau paradigme d'égal à égal entre la France et l'Afrique, reposant sur la co-construction »« Les diasporas ne doivent pas oublier tous ceux qui ne sont pas immigrés d'origine ou de famille, mais qui ont l'Afrique à cœur », abonde Sylvain Itte.

« Les diasporas ne doivent pas oublier tous ceux qui ne sont pas immigrés d'origine ou de famille, mais qui ont l'Afrique à cœur ». Ambassadeur, envoyé spécial pour la diplomatie publique en Afrique

A « la » diaspora en 2017, se sont substituées « les » diasporas en 2020 pour refléter la variété des réalités que recouvrent les Africains de l'étranger. En 2021, l'ouverture des diasporas africaines - qui comprennent les ressortissants des 54 pays africains à l'étranger et leurs descendants - s'étend désormais à tous ceux qui ont « l'Afrique à cœur »...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 15/10/2021 à 19:39
Signaler
Il y a 3 semaines, j’avais joué le jeu de me rendre à Rouen pour la tournée nationale du Conseil présidentiel pour l'Afrique. J’étais invité par la députée Sira Sylla et Lamine TALAKELA de Bepositive. La discussion était animée par Yassine GUERBAS,...

à écrit le 15/10/2021 à 19:37
Signaler
Il y a 3 semaines, j’avais joué le jeu de me rendre à Rouen pour la tournée nationale du Conseil présidentiel pour l'Afrique. J’étais invité par la députée Sira Sylla et Lamine TALAKELA de Bepositive. La discussion était animée par Yassine GUERBAS,...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.