Wilfrid Lauriano Do Rego : «Le CPA lance un tour de France des entrepreneurs de la diaspora»

A la tête du Conseil présidentiel pour l'Afrique (CPA) depuis juillet 2019, Wilfrid Lauriano do Rego annonce le lancement d'une série de rencontres avec les entrepreneurs de la diaspora africaine. Le coordonnateur du CPA entend s'appuyer sur le potentiel diasporique pour soutenir la dynamique des relations économiques entre l'hexagone et le continent.
(Crédits : CPA)

La Tribune Afrique - Le 26 septembre à Bordeaux, le Conseil Présidentiel pour l'Afrique (CPA) lançait une série de débats à travers l'hexagone sur l'entrepreneuriat des diasporas. Quel en est l'objectif ?

Wilfrid Lauriano do Rego - Dans son discours de Ouagadougou, le président Macron avait indiqué son intention de positionner la diaspora à l'avant-garde de la relation entre l'Afrique et la France, à travers l'entrepreneuriat et l'innovation. En substance, il s'agissait d'embarquer la diaspora vers une vision plus économique. En juillet 2019, il a reçu la diaspora à l'Elysée et à cette occasion, il a confié au CPA le mandat de lui proposer des solutions concrètes. Depuis, nous avons multiplié les échanges afin de comprendre les attentes et les difficultés de la diaspora. Rien ne vaut la proximité pour affiner le diagnostic, c'est la raison pour laquelle le CPA lance un tour de France des entrepreneurs de la diaspora, de Bordeaux à Paris en passant par Lyon et Marseille.

Quels seront les principaux secteurs d'activité ciblés par le CPA pour ces rencontres entrepreneuriales ?

Tous les secteurs d'activités sont concernés. A Bordeaux par exemple, nous avons travaillé avec des réseaux d'associations comme Banlieues-Santé spécialisée dans la lutte contre les inégalités d'accès aux soins dans les quartiers populaires et en zones rurales et dirigée par Abdelaali El Badaoui, Les Déterminés, qui accompagne les entrepreneurs dans les quartiers prioritaires et dirigée par Moussa Camara, Entrepreneurs du Monde, fondée par Aziz Senni pour accompagner l'insertion des personnes en situation de précarité et qui incube notamment des projets sur le continent ou encore l'Association de promotion et d'accompagnement à la création d'entreprises (ANJE-Aquitaine), présidée par Abdessamad Baazizi. Nous voulons que ces acteurs mobilisent les entrepreneurs de leur propre écosystème [...]

Lors de ces rencontres, chacun pourra exposer son expérience, ses succès ou ses échecs, mais aussi ses attentes. Les thèmes qui se dégageront seront des pistes de solution qui feront l'objet de recommandations ultérieures soumises in fine au président Macron ainsi qu'à Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances [...] Ces séances sont ouvertes à tous les entrepreneurs de la diaspora.

Il existe un potentiel entrepreneurial dans les quartiers populaires qui ne demande qu'à être exploité or, nombreux sont les membres de la diaspora, du Maghreb en particulier, à trouver des opportunités au Moyen-Orient. Comment expliquez-vous ce mouvement qui pousse depuis quelques années ces jeunes Français à entreprendre hors de l'Hexagone ?

Il y a environ 5 millions d'entrepreneurs pour 25 millions de salariés en France et 50% des Français considèrent que créer son entreprise est une bonne chose. L'engouement pour l'entrepreneuriat existe bel et bien et l'an dernier, 800 000 entreprises ont été créées. Les quartiers populaires comptent près de 5 millions d'habitants qui nourrissent un fort intérêt pour l'entrepreneuriat pour la simple et bonne raison que les grandes entreprises pourvoyeuses d'emplois n'y sont pas présentes.

Dès lors, l'entrepreneuriat se présente comme une solution d'inclusion économique. Il est important de comprendre comment augmenter le taux de création d'entreprises dans les quartiers prioritaires où elles sont 2 fois moins nombreuses qu'ailleurs. Notre démarche consiste à révéler les freins pour y remédier. Nous voulons identifier quelques grands principes et y répondre, comme l'accès au financement par exemple, qui concerne près de 80% des porteurs de projets.

Il n'existe pas de structure dédiée à la diaspora asiatique réunissant Chinois, Indiens, Pakistanais et Cambodgiens. Que recouvre « la » diaspora africaine exactement ?

Il existe effectivement plusieurs sous-ensembles au sein de la diaspora africaine. Chaque membre de la diaspora africaine est avant- tout concerné par son propre pays d'origine, mais l'important pour le CPA repose sur ce que nous avons tous en commun en France. Le CPA est une sorte d'Auberge espagnole dotée d'un socle commun.

Quelles ont été les principales initiatives du CPA depuis l'arrivée de la Covid-19 ?

Nous avons mis en place une veille pour identifier les acteurs de la société civile qui proposaient des solutions. Nous avons identifié une soixantaine de porteurs de projets. Certains fabriquaient des masques, des gels hydroalcooliques, des respirateurs artificiels et d'autres ont développé des applications d'autodiagnostic qui ont permis de désengorger les files d'attente dans les hôpitaux. Nous mettons ces initiatives en lumière afin de mutualiser les expériences. Certains d'entre eux poursuivront leurs activités après la pandémie et recherchent actuellement des partenaires pour développer leur projet. Le CPA n'a pas de ressources propres, mais nous pouvons faciliter les mises en relation.

Que faites-vous concernant les acteurs du secteur informel ?

Nous construisons un projet de microfinance digitale. Nous nous sommes aperçus pendant la période de la Covid-19, que nous devions trouver des solutions pour les gens qui travaillent dans le secteur informel, afin qu'ils continuent à assurer leurs liquidités, tout en restant chez eux. Ces personnes recourent au microcrédit dans les agences où elles attendent dans les files d'attente et dans lesquelles peut se propager le virus. Nous avons demandé aux banques et aux opérateurs de téléphonie de travailler ensemble afin que les banques, via le fichier des opérateurs, identifient les personnes avec les niveaux de profil de risque, pour leur octroyer des crédits digitalement. Nous travaillons actuellement sur ce dossier et des annonces suivront bientôt.

Le CPA a été créé pour poser les bases d'une nouvelle relation entre la France et l'Afrique, en s'appuyant sur un narratif renouvelé. 3 ans après sa création, le sentiment anti-français en Afrique francophone va crescendo : comment l'expliquez-vous ?

C'est une situation particulièrement ambigüe. Je dirais néanmoins que le sentiment anti-français est parfois réel et que ce rejet peut être lié à plusieurs facteurs comme la perception du franc CFA par exemple ou la situation sécuritaire au Sahel. Néanmoins, lors de la conférence de Pau, les pays du G5 Sahel ont réaffirmé la volonté de voir la France rester au Sahel pour lutter contre le terrorisme... Le président Macron l'a dit : Quand on n'intervient pas, on nous demande de le faire et quand tel est le cas, on est accusé d'ingérence...

Quelles ont été les principales initiatives conduites par le CPA depuis sa création ?

Il y a eu un débat révélant le rejet de la société civile concernant le franc CFA. Le CPA a animé des débats pour comprendre les points de blocage. Nous avons fait une recommandation au président de la République et la réforme en tient compte [...] Nous avons également été très impliqués au niveau de la restitution des œuvres d'Art qui représente une réforme historique. Par ailleurs, le CPA accompagne la Saison Africa 2020 [reportée de décembre 2020 à mai 2021, ndlr] afin de faire rayonner la culture africaine en France dans sa modernité. Nous avons également été impliqués dans l'organisation du Sommet Afrique-France de Bordeaux, qui a lui aussi a été reporté pour cause de Covid. Enfin, nous avons présenté le rapport « Carnet de Santé » qui établit un diagnostic sur le fonctionnement des systèmes de santé et l'écosystème de l'innovation sanitaire dans 6 pays d'Afrique. L'idée était à terme, d'orienter la politique de coopération française bilatérale et multilatérale, vers un soutien à l'innovation sanitaire.

Votre arrivée à la tête du CPA est-elle synonyme d'un changement de cap ou d'une réorientation stratégique ?

Jusqu'à présent, nous avions développé un prisme orienté vers l'Afrique et aujourd'hui, nous nous concentrerons également sur la diaspora en France, d'où ce tour de France qui a commencé à Bordeaux...

Propos recueillis par Marie-France Réveillard

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