Cameroun : sans surprise, avec 71% des suffrages, Paul Biya rempile pour un 7e mandat

Le semblant de suspens a été levée ce lundi 22 octobre avec la proclamation par le Conseil constitutionnel, des résultats des élections présidentielles du 7 octobre dernier. Sans surprises, le président sortant Paul Biya, en poste depuis 1982, a été réélu pour un 7e mandat de sept ans. le président sortant et candidat du RDPC a recueilli 71,28 %. Les contestations de l’opposition qui accuse le pouvoir de fraudes électorales massives font, toutefois courir le risque d’une crise postélectorale dans le pays, déjà en proie à double crise sécuritaire avec la crise anglophone et les attaques de la secte Boko Haram. Des défis que va devoir gérer Paul Biya en priorité alors que le contexte économique est toujours défavorable.
(Crédits : DR)

Et de 7 pour Paul Biya! Le chef de l'Etat sortant prolonge son bail au Palais d'Etoudi pour sept nouvelles années. C'est ce qu'a confirmé, ce lundi 22 octobre, le Conseil constitutionnel lors de la cérémonie de proclamation des résultats définitifs de l'élection présidentielle à un tour du 7 octobre dernier. Selon les résultats proclamés par le président du Conseil, Clément Atangana, le taux de participation a été estimé à 58,85% et 3.537.965 suffrages ont été exprimés valables. Selon les résultats du Conseil Constitutionnel, le président sortant et candidat du RDPC a recueilli 71,28 % des suffrages exprimés valables, devançant ainsi et de loin, ses principaux challengers notamment Maurice Kamto du MRC qui a recueilli 14,23%, le jeune Cabral Libii du parti Univers qui a obtenu 6,28%%, et Joshua Osih du SDF avec 3,35% des voix.

Le président l'a emporté dans 9 des 10 régions que compte le pays, et dans la plus part des circonscriptions avec une large majorité, par exemple 90% dans la région de l'est et presque 93% dans la région du sud, selon les résultats égrenés tout au long de la cérémonie, à laquelle assistaient les membres du gouvernement et ceux du corps diplomatique mais qui a été boycottée par la grande majorité des autres prétendants. Sur les 8 autres candidats opposés face à Paul Biya, seul le candidat Frankline Ndifor Afanwi a en effet assisté à la cérémonie solennelle de proclamation des résultats qui s'est déroulée au Palais des Congrès de Yaoundé.

« Le processus électoral a été conduit de manière régulière pour le grand bonheur de la démocratie. Cette élection a été libre, transparente et crédible en général malgré la situation sécuritaire préoccupante qui prévaut dans certaines régions du pays », a estimé Clément Atangana, président du Conseil Constitutionnel.

Dans l'allocution introductive qu'il a prononcé à l'ouverture de la cérémonie, le président du conseil constitutionnel a salué l'ensemble des acteurs au processus électoral. Bien que Clément Atangana ait reconnu certaines irrégularités, il a toutefois estimé, qu'elles ne sont pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin.

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Malgré les contestations, une victoire sans surprises

La victoire de Paul Biya ne souffrait d'ailleurs d'aucun doute bien que cette fois, ses principaux opposants, se sont fortement mobilisés pour dénoncer des irrégularités et des fraudes massives dans plusieurs régions du pays. Cependant, depuis la semaine dernière, le Conseil constitutionnel avait déjà rejeté les 16 recours en annulation partielle ou totale du scrutin, introduits par plusieurs candidats à l'issue des audiences destinées à trancher sur le contentieux électoral. C'était donc logiquement que beaucoup d'observateurs s'attendaient à une confirmation des résultats provisoires compilés par la commission électorale (Elecam). Certains des recours des candidats ont certes été déclarés recevables, mais ont par la suite été invalidés par le Conseil constitutionnel, en raison notamment d'absence de preuves ou d'irrégularités dans la procédure.

La preuve que la victoire haut la main du président-candidat ne faisait aucun doute, c'est la célébration du sacre qui a commencé au Palais présidentiel avant même que le Conseil constitutionnel ne finisse la proclamation officielle des résultats. Des images de tables dressées dans l'esplanade du palais d'Etoudi, destinées à accueillir les invités ont circulé sur la toile alors que la proclamation, en direct sur la télévision publique, la CRTV, se poursuivait.

La veille de la proclamation des résultats, d'ailleurs, une anecdote diplomatique est venu encore renforcée les appréhensions sur l'issue du vote. Dans une lettre officielle, le président de La Guinée électorale, Teodoro Obiang Nguema, a adressé en effet à son homologue camerounais, « ses sincères et effusives félicitations », pour sa réélection.

Risques de crise post-électorale dans un contexte sécuritaire tendu

Le processus électoral qui prend fin avec la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, s'est déroulé dans un climat assez tendu. Dès le lendemain du scrutin, le candidat Maurice Kamto s'est autoproclamé vainqueur du scrutin, ce qui n'a pas manqué d'amplifier les tensions. Ce lundi, jour de la proclamation des résultats, les principales villes du pays ont été quadrillées par les forces de l'ordre et durant le weekend, la tension n'a pas baissé d'un cran. Des opposants ainsi que leurs proches ont été soit interpellés ou assignés à résidence et la connexion internet et l'accès à certains sites notamment Facebook, où les échanges ont été assez virulents, ont été fortement réduits. Des marches pacifiques aussi ont été prévues dans certaines villes comme Douala mais ont été par la suite interdite par les autorités pour « menaces de troubles à l'ordre public ».

Malgré ces tensions, la situation est restée assez calme notamment à Yaoundé. Il faut dire que la plupart des candidats, à l'appel de la communauté internationale surtout, ont appelé au calme, préférant attendre la proclamation officielle des résultats. L'Union africaine (UA) ou les USA par exemple, ont appelé les candidats à la retenue.

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Avec la fin du processus, c'est la posture des opposants qui cristallisera sans aucun doute les attentions. Certains opposants, notamment de la diaspora, ont en effet déjà la population à « descendre dans la rue » pour contester la victoire du président sortant. De quoi amplifier les risques d'une crise post-électorale bien que l'opposition avance à pas dispersés, les candidats n'ayant pas la même approche de contestation des résultats. Bien avant la fin de la proclamation des résultats, le principal opposant, Maurice Kamto, a fait savoir qu'il n'acceptera pas "des faux résultats", réitérant sa victoire déjà autoproclamée.

« Je ne peux accepter de faux résultats. Sur la base de nos propres chiffres, je confirme que je suis bien le vainqueur de l'élection présidentielle du 07 octobre 2018 », a réitéré à des médias locaux, le candidat Maurice Kamto, qui réagissait à chaud à la proclamation des résultats par la Conseil constitutionnel.

L'un des plus grands défis de Paul Biya pour ce nouveau mandat sera donc d'assurer la stabilité politique et de contenir ces risques d'instabilité qui s'amplifient. Il faut dire que si le contexte politique reste relativement contenu, ce n'est pas le cas au niveau sécuritaire. Dans les régions anglophones, les séparatistes de « l'autoproclamé République d'Ambazonie », multiplient les attaques, ce qui explique d'ailleurs les faibles taux de participations à la présidentielle du 7 octobre.

Le taux de participation n'a été que de 15,94% par exemple dans le sud-ouest, et 5,36% dans le nord-ouest. Le climat sécuritaire dans ces régions reste assez tendu alors que le pays fait face, depuis des années, aux attaques récurrentes de la secte Boko Haram, dans l'extrême nord du pays, à la frontière avec le Nigeria et le Tchad. La situation s'est certes améliorée avec la raréfaction des attaques ces derniers mois, mais la menace reste entière comme en témoigne l'état d'urgence dans lequel la région se trouve toujours.

A ces défis politiques et sécuritaires, le président Paul Biya va devoir aussi s'atteler à la poursuite de la mise en œuvre du programme de relance économique afin de sortir de la difficile conjoncture dans laquelle, la principale économie de la CEMAC est plongée depuis la chute des cours des matières premières en 2014. En dépit de quelques signes de redressement, enregistrés avec l'appui du FMI, la situation économique reste toujours inquiétante avec des indicateurs économiques encore au rouge et un niveau d'endettement qui inquiète de plus en plus.

Le candidat du RDPC a fait campagne sur « l'expérience au service de la nation », et s'est engagé à dédier ce nouveau mandat pour la jeunesse. Il va falloir désormais et en urgence passer aux actes pour atténuer les attentes assez amplifiantes d'ici les prochaines élections législatives prévues l'an prochain, année où le pays accueillera la CAN 2019 de football. Autant de défis pour un 7e mandat qui commence avec une opposition de plus en plus organisée et une contestation politique qui prend de plus en plus de l'ampleur...

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