Tchad : examen sous haute tension du projet de révision constitutionnelle

Dans un Parlement bouclé par un important dispositif sécuritaire, les 170 députés ont entamé ce lundi 30 avril l’examen du projet de révision de la Constitution. Si elle est adoptée, celle-ci devrait faire basculer le Tchad dans la IVe République avec un régime présidentiel. Autour d’un projet pour lequel l’opposition réclame un référendum et promet de marcher, le vote au Parlement devrait se tenir sous haute tension.
Ibrahima Bayo Jr.
Au Tchad, le projet de révision de la Constitution fait passer de 5 à 6 ans la durée du mandat présidentiel.
Au Tchad, le projet de révision de la Constitution fait passer de 5 à 6 ans la durée du mandat présidentiel. (Crédits : Reuters)

«Une modification constitutionnelle à main armée!». Sur les réseaux sociaux, les Tchadiens ont choisi cette boutade. Et c'est à peine s'ils ont grossi le trait de la métaphore. Les Tchadiens s'attendaient à une validation du projet de révision constitutionnelle. Mais le gouvernement, qui a validé en Conseil des ministres du 11 avril, les propositions du texte issu d'un forum national boycotté par l'opposition, a choisi de faire passer la réforme par la voie parlementaire ce lundi 30 avril. Dans une ambiance électrique !

Un «Palais de la démocratie» sous haute surveillance

La double voie menant au «Palais de la démocratie», le Parlement, est bouclée par un imposant dispositif de sécurité du Groupe mobile d'intervention de la police (GMIP). On signale également la présence de soldats de l'armée dans les abords immédiats de l'Hémicycle. Plusieurs militants de la société civile ont été arrêtés alors qu'ils tentaient de se rendre à une manifestation destinée à faire pression sur les députés pour l'abandon du vote.

La veille, les partis politiques de l'opposition s'étaient réunis autour d'une alliance pour contrer le projet en signant une charte appelant les contestataires du projet à se réunir dès l'aube devant le Parlement. L'église catholique et l'ordre des avocats leur ont emboîté le pas pour dénoncer un texte qui porterait atteinte au pacte social.

Avec 28 absents de la plénière ouverte un peu après 10 heures (heure locale), ce sont finalement 129 députés qui vont plancher sur les 228 articles, 17 titres et 10 chapitres du projet qui ont hérissé les poils des membres de l'opposition et de la société civile. Dans une Assemblée où le Mouvement patriotique du Salut (MPS) et ses alliés sont majorité, le projet de révision est assuré de passer comme lettre à la poste.

Déby, dans un costume de «super-président» ?

Si le texte est adopté, le Tchad passera à la IVe République. Mais l'on s'achemine vers ce que beaucoup dénoncent comme une «monarchisation du pouvoir présidentiel». Sans vice-président et sans Premier-ministre, le président de la République, élu pour un mandat de 6 ans -contre cinq auparavant- prêtera serment sur le livre religieux de son choix. Il pourrait déléguer ses pouvoirs à certains de ses ministres qui devront désormais faire «serment d'allégeance au président de la République».

Le texte issu d'un dialogue national que le pouvoir fait passer pour «inclusif», mais boycotté par l'opposition et la société civile, fait passer le mandat des députés de 4 à 5 ans. Dans la foulée, il devrait faire place à une représentativité de la diaspora et des peuples nomades au Parlement.

Au niveau judiciaire, la Cour constitutionnelle devrait avoir la primauté dans l'ordre juridique, le Conseil constitutionnel, la Cour des comptes et d'autres instances judiciaires devenant des chambres en son sein. Une poudre aux yeux constitutionnelle ?

Face à ce que l'opposition dénonce comme une «dérive autoritaire» du pouvoir d'Idriss Déby, la communauté internationale et l'Union africaine restent plutôt muettes quand elles ne se sont pas contentées de déclarations de circonstances. Il faut dire qu'avec un Déby adoubé comme un champion de la lutte antiterroriste et rempart contre les groupes extrémistes, elles ont choisi de fermer les yeux. Le Tchad devrait embrasser la IVe République et Idriss Déby enfiler son costume de «président-roi».

Ibrahima Bayo Jr.

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