Grève au Tchad : le mercure du thermomètre social grimpe avec le ralliement du secteur privé

Effet domino ou effet surprise ? En grève depuis une semaine pour protester contre les ponctions de salaires, les fonctionnaires tchadiens ont été rejoints par les travailleurs du secteur privé. La pilule de l’austérité que distribue Idriss Deby pour espérer une sortie de crise a du mal à passer.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

«En proie à une crise sociale interminable qui semble entretenue et qui fait descendre le plus grand nombre de nos concitoyens dans les profondeurs de la misère, nous risquons d'entrer dans l'impasse». Ce sont peut-être ces mots de Mgr Edmond Djitangar, l'archevêque de N'djamena, rapportés par nos confrères de RFI, qui résument le mieux l'ébullition du front social au pays d'Idriss Deby.

Les «jeudis de la colère» contre l'austérité

La colère dans les rangs des 150 000 fonctionnaires s'est désormais étendue au secteur privé. Depuis ce lundi 5 février, et pendant deux jours, les banquiers, les opérateurs télécoms se sont joints au mouvement de protestations lancé dans l'administration publique.

Principale pomme de discorde, les mesures d'austérité contenues dans la loi des finances 2018. Depuis le mois de janvier, le gouvernement tchadien a mis à exécution ses menaces de réduction des salaires et des primes des fonctionnaires après avoir annoncé une reculade sur la ponction des émoluments. La loi des finances 2018 prévoit aussi une augmentation des impôts qui touchent aux secteurs privé et parapublics.

Le pays se dirige vers une impasse avec des syndicats pris d'une fièvre de colère qui ne va pas manquer de faire grimper le thermomètre social. Le mouvement de grève prend de l'ampleur avec les syndicats et désormais le soutien de l'Eglise, de la société civile à l'initiative de la Convention tchadienne des droits de l'Homme et le mouvement citoyen Lyina. Tous se préparent à occuper la rue pour des «jeudis de colère», vaste programme de manifestations hebdomadaires. Mais qu'est-ce qui fait donc tousser tout un pays ?

Un mouvement qui pourrait se politiser contre le régime d'Idriss Deby

La cure d'austérité imposée par le FMI qui demandait une réduction de la masse salariale du Tchad de 378 à 348 milliards de Fcfa n'aide pas le pays, déjà aux prises d'une crise économique depuis la chute des cours du pétrole, principale richesse du pays.

Aux termes de négociations avec le gouvernement Deby, l'institution de Bretton Woods avait accepté en juin dernier de débloquer une ligne de facilité de crédit de 320 millions de dollars. Mais le chèque tarde à être encaissé. Il bloque sur la renégociation fastidieuse de la dette tchadienne de 2 milliards de dollars au négociant suisse Glencore. La situation déteint sur le volet social.

Les salaires à la baisse de janvier ont été versés de justesse. Avec des caisses d'Etat vides, les salaires de février risquent de ne pas être versés, à tout le moins à temps. Difficile dans ce cas à Idriss Deby d'espérer la providence de ses homologues d'Afrique centrale, comme cette avance de 30 milliards de Fcfa pour le paiement de salaires en 2016.

Le mouvement de contestation risque de cristalliser toutes les frustrations d'un pays géré d'une main de fer par Idriss Deby, au pouvoir depuis 1990. Une étincelle pour allumer un feu de contestation politique proche d'un «printemps de N'Djamena» qui réclamerait le départ du locataire du Palais Rose. Au grand bonheur de l'opposition.

Ibrahima Bayo Jr.

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