Paris-Europlace : l’Afrique renforce ses mécanismes financiers

Le Forum Paris Europlace a réuni près de 2.500 invités au Pavillon d'Armenonville les 11 et 12 juillet derniers. Les panélistes africains sont revenus sur le renforcement des systèmes financiers pour attirer sur le continent, des investisseurs européens toujours enclins à une relative surestimation des risques.
(Crédits : DR)

Cette année encore, le Forum Paris-Europlace a rassemblé de nombreuses personnalités à l'instar de Bruno Le Maire, ministre français de l'Economie et des Finances, Lorenzo Bini Smaghi, président de la Société Générale, Ambroise Fayolle, vice-Président de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) ou encore Jean Lemierre, président de BNP-Paribas.

A cette occasion, le PDG de Suez, Gérard Mestrallet, en fin de mandat à la tête de Paris-Europlace, a révélé le nom de son successeur Augustin de Romanet. Le PDG des Aéroports de Paris (ADP) a pris ses fonctions en ce début de semaine.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a reçu plus de 200 acteurs financiers invités pour l'événement, lors d'un dîner organisé à Matignon dans la soirée du mercredi 11 juillet, en marge du forum. Au cours de cette rencontre, il a annoncé une série de mesures fiscales incitatives ainsi que la création d'une école supérieure européenne dès la rentrée 2019.

Les organisateurs du forum se sont félicités du regain d'attractivité de Paris depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron, revenant sur ses « décisions fiscales favorables aux entreprises, aux opérateurs financiers et aux cadres impatriés » selon Karim Zine-Eddine de Paris-Europlace, qui ambitionne de positionner la capitale française comme la place financière européenne « post-Brexit ».

L'Afrique qui était en haut de l'affiche l'an dernier, a été intégrée cette année, au panel consacré aux pays émergents. « Les sujets liés à l'inclusion financière, à la bancarisation ou au financement des entreprises en Afrique, ont été mis en retrait » a indiqué Karim-Zine-Eddine. Toutefois, le continent était représenté par plusieurs personnalités de haut vol telles que Tony Cole (Sahara Group), Sunil Benimadhu (Bourse de l'île Maurice), Ali Haddad (FCE), Mohamed Horani (HPS Worldwide) ou encore Mohamed Farid Saleh (EGX - The Egyptian Exchange).

Sécuriser et uniformiser les systèmes financiers

Le Forum fut l'occasion pour les panélistes d'échanger sur des solutions financières adaptées aux marchés africains. Jingdong Hua, le vice-président de la Société Financière Internationale (SFI) a notamment proposé une solution d'émission de dettes obligataires en monnaie locale garantie par la Banque mondiale, pour accompagner les besoins en investissements du continent qui restent considérables. On estime en effet, qu'entre « 600Mds et 1200Mds $ d'investissements par an - sont - nécessaires, pendant 20 ans, pour atteindre les Objectifs de Développement Durable » (ODD) définis par les Nations-Unies selon Cédric Achille Mbeng Mezui de l'African Development Bank Group (AfDB).

Rappelant que le continent exportait davantage de capitaux qu'il n'en recevait, soit 140Mds $ par an, c'est-à-dire « plus ou moins l'équivalent des besoins en investissements pour les infrastructures », il est revenu sur la nécessité de retenir les capitaux africains tout en poursuivant « les efforts pour attirer davantage d'acteurs privés européens » encore trop souvent freinés par le « facteur risque ».

De son côté, Kossi Félix Edoh Amenounve a annoncé que la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), était actuellement à l'œuvre pour élaborer de nouveaux mécanismes financiers capables d'attirer les investissements des ressortissants africains de l'étranger, les « diaspora-bonds ».

Quant au businessman nigérian Tony Cole, il est revenu sur les lourdeurs liées au manque d'uniformisation des systèmes financiers. Il a également insisté sur la nécessité d'utiliser les devises locales : « Beaucoup de produits d'exportation sont en devises étrangères : Pourquoi ? (...) Au Nigéria, l'homme de la rue connaît le cours de conversion du dollar US au jour le jour» a-t-il interpellé. « Je travaille dans 18 pays africains et, faute d'uniformisation, je perds du temps. C'est beaucoup de pression et c'est un système qui ne fonctionne pas ! Il faut unifier nos devises au sein d'une même communauté » a-t-il conclu sous les applaudissements d'une assistance acquise.

La BRVM, modèle d'intégration régionale...

Edoh Kossi Amenounve, le Directeur général de la BRVM a présenté un bilan prometteur. « La BRVM a doublé sa capitalisation en 4 ans, passant de 3.000Mds à 6.200Mds F.CFA pour le marché des actions. Les volumes de transactions ont explosé et nous sommes passés d'une cotation au fixing à une cotation en continue (...) Les valeurs de transactions ont triplé (NDR : 100Mds à 300Mds par an) » s'est-il félicité. La BRVM a été portée par une croissance régionale soutenue, conduite par la locomotive ivoirienne : « Nous avons listé 8 nouvelles entreprises sur les 4 dernières années dont 4 sont ivoiriennes » a-t-il expliqué.

Pour augmenter les volumes de transactions, la BRVM a procédé au fractionnement des cours de certaines sociétés cotées : « lorsqu'une société vaut 200.000 F.CFA alors que le SMIC ne dépasse pas 65.000 F.CFA, il est impossible d'investir ! Nous avons donc ramené les cours à 10.000 F.CFA voire à 5.000 F.CFA » a t-il poursuivit.

Seule ombre au tableau, le DG de la BRVM a regretté que l'hexagone n'arrive qu'à la 5ème position des investisseurs européens en Afrique, précisant que les Européens sont eux-mêmes distancés assez largement, par d'autres acteurs comme les Etats-Unis. « La situation est paradoxale car plusieurs de nos sociétés cotées sont des filiales de groupes européens, régies par les mêmes règles de gouvernance et de fonctionnement que leur maison-mère, et qui offrent parfois des niveaux de rendement plus intéressants... » Cette situation s'explique essentiellement par la « surestimation du risque » selon Edoh Kossi Amenounve.

Toutefois, le constat sur les investissements français doit être relativisé, selon Karim Zine-Eddine qui rappelle qu' «en stock, la France reste le principal investisseur de long terme en Afrique du Nord ainsi qu'en Afrique de l'Ouest ».

L'île Maurice, bientôt le « Singapour africain » ?

Avec 967 fonds d'investissements, 450 structures de capital-risque et 23 banques internationales, l'Ile Maurice se positionne comme la place financière africaine. Les services financiers représentent « 12% à 13% du PIB et globalement, les fonds d'investissement constituent près de 650Mds $ » d'après Sunil Benimadhu, directeur exécutif de la bourse mauricienne. Longtemps affecté par un « tropisme indien », le centre financier cherche désormais à s'imposer comme le « dragon » africain. « Nous étions le plus gros pourvoyeur d'investissements directs et de portefeuilles en Inde pendant 20 ans. Aujourd'hui, notre ambition est de devenir le Singapour du continent, le centre financier de l'Afrique » a-t-il déclaré.

Signe que la stratégie de pénétration de l'Ouest du continent est engagée, (NDR : accords bilatéraux précédemment signés avec le Sénégal et le Ghana), un « partenariat avec la Côte d'Ivoire », devrait bientôt voir le jour selon Sunil Benimadhu.

« Nous parlons plusieurs langues et nous pouvons facilement établir des liens culturels, commerciaux et financiers avec les autres pays africains ». Il a rappelé que la plateforme mauricienne permettait « de lever de l'argent en dollar US, en euro, en livre sterling, en rand sud-africain ou en roupie mauricienne et d'être coté dans n'importe laquelle de ces 5 devises ».

Enfin, à l'opacité de certains mécanismes financiers, il oppose les engagements pris par l'Etat ces dernières années, qui répondent aux standards de transparence internationaux : « Nous mettons tout en œuvre pour rendre le round tripping impossible. Nous sommes l'un des premiers pays à avoir signé le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) et nous sommes prêts à partager nos informations avec les autorités financières (...) Nous ne sommes pas un paradis fiscal et d'ailleurs nous ne sommes sur aucune black-list...»

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