Stratégie spatiale : l'Afrique voit désormais plus grand !

Avec la construction de son premier satellite d'observation de la Terre et d'une future base de lancement spatial à Djibouti, l'Afrique est en train d'asseoir sa souveraineté spatiale. Explications.
Mounir El Figuigui
(Crédits : Reuters)

Mardi 13 décembre 2022 à 17h30 heure locale. Un lanceur Ariane 5 opéré par Arianespace décolle avec succès du port spatial européen de Kourou, en Guyane française, avec à son bord le satellite météorologique MTG-I1, exclusivement dédié au continent africain, et les satellites de télécommunications Galaxy 35 et Galaxy 36.

Sur la coiffe qui chapeaute la fusée, il porte la reproduction d'une fresque à six mains, intitulée Memory of today, Memory of the future, signée par trois fleurons de l'art contemporain, le Camerounais Jean-David Nkot et les Congolais Michel Ekeba et Géraldine Tobé.

Mais il n'y a pas que le symbolique dans cette conquête de l'espace par les Africains. Janvier dernier, l'annonce par le président de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, d'un projet de construction d'une base de lancement spatial, en partenariat avec la société chinoise Hong Kong Aerospace Technology, ne passe pas inaperçu. C'est une première pour un continent qui, depuis plusieurs années, bataille pour atteindre sa souveraineté spatiale, mais pas que.

L'Afrique représente 20% de la superficie de la terre, plus que les États-Unis, l'Inde, la Chine et l'Europe pris ensemble or ces pays / régions ont consacré plus de 50  milliards de dollars aux activités spatiales en 2013, tandis que l'Afrique leur a  consacré moins de 100 millions de dollars (soit moins de 0,2% du budget spatial  mondial) au cours de la même période. En termes de performances dans le secteur spatial, un seul pays sur le continent africain, à savoir l'Afrique du Sud, s'est classé parmi les trente pays les plus importants en 2013.

500 millirads de chiffre d'affaires

Aujourd'hui, la stratégie spatiale africaine a pris de l'envergure : huit États africains abritent leur propre agence spatiale, huit ont leurs programmes spatiaux, comme la Tunisie qui a réussi la construction de son satellite 100 % made in Tunisia, et quatorze autres ont leurs satellites. Depuis 2019, l'Eypte avec sept autres pays du continent accueille l'Agence spatiale africaine (non encore opérationnelle). Plus ambitieuse, l'Agence spatiale nigériane prévoit d'envoyer un astronaute en 2030.
C'est dire que l'outil spatial est aujourd'hui une réalité en Afrique. D'ailleurs, Eumetsat, l'organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques basée à Darmstadt  en Allemagne tient tous les deux ans, un grand meeting en Afrique avec la participation de 50 pays du continent.

" Le spatial n'est pas une option, mais plutôt une nécessité. Pour les pays africains, la technologie spatiale est fondamentale pour les pays africains. Parce que c'est un outil d'aide à la décision et pour la gestion des ressources. Dans le secteur de l'agriculture, il est aujourd'hui inimaginable d'augmenter la productivité si on ne fait pas appel aux technologies spatiales, que ce soit pour le positionnement, la cartographie, etc. L'outil spatial est également présent dans l'aménagement du territoire ", explique Driss El Hadani, directeur du Centre national marocain de télédétection spatiale (CNTS), qui intervenait lors de la première édition de l'Aerospace African Forum, organisée février dernier à Casablanca au Maroc.

Aujourd'hui, avec le phénomène de globalisation, le spatial est devenu plus accessible pour les pays africains. L'importance de l'économie spatiale est un autre facteur qui incite les pays africains à investir davantage dans le spatial : 500 milliards de dollars par an, avec une croissance à deux chiffres.

Pour Riadh Cammoun, vice-président en charge des relations institutionnelles de Thales Alenia Space,  " plus de 50 % des variables à notre modèle climatique et environnemental ne peuvent être mesurées qu'à partit de l'espace, d'où le rôle essentiel des satellites pour relever les défis du climat ".

Sur ce volet, l'Afrique a pu tirer profit de la coopération internationale dans le domaine du spatial : au Togo, Lomé abrite désormais une station au sol destinée à la recherche et au sauvetage (SAR) de personnes en détresse, utilisant principalement le système de positionnement par satellite Galileo. Basé sur le MEOLUT (Medium Orbit Local User Terminal) de Thales Alenia Space, la technologie MEOSAR (Medium Orbit Search and Rescue) de dernière génération, permet de localiser instantanément, avec une précision sans précédent, un appel de détresse émis par une balise opérant via le système COSPAS-SARSAT.

La station au sol, entièrement intégrée, comprend une antenne compacte de haute technologie (capable de tirer le meilleur parti du service SAR de Galileo), un centre de contrôle de mission (MCC) dédié à la gestion et à la distribution des alertes, et un centre de coordination de sauvetage (RCC), qui s'interface avec les systèmes déjà en place localement ou dans les pays voisins (pour les pompiers, les forces armées, les gardes-côtes, etc.). Une petite révolution pour cette sous-région, puisque le système permet aujourd'hui de sécuriser tout le golfe de Guinée en détectant les signaux de détresse émis par des balises sur un rayon de pas moins de 3000 kilomètres.

Le spatial au service du développement durable

Dans le domaine du numérique et de l'Internet par satellite, Thales a également lancé en 2022 le pus grand satellite jamais construit au monde (Connect VHTS avec 500 gigas bits) sur l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient et qui permet d'accélérer l'accès à Internet dans les zones difficiles en complément au réseau terrestre.

Sur la chaîne du spatial, les ingénieurs africains apportent déjà une valeur sur la partie down stream et exploitation des données satellitaires. Entre 2017 et 2018, le Maroc avait lancé deux satellites d'observation de la Terre à très haute résolution qui sont gérés par des équipes marocaines au niveau de Centre nationale de la télédétection spatiale. Le royaume chérifien a aussi le mérite d'abriter un des plus importants  centres de formation en météorologie.

Mounir El Figuigui

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Commentaire 1
à écrit le 17/03/2023 à 17:35
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Pas surprenant. C’est même inéluctable. Le continent avance à grande vitesse, avec une jeunesse nombreuse et des niveaux de formation qui explosent. La croissance économique procède de la croissance démographique. Le continent africain sera le plus r...

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