Investissement : quand la Banque mondiale tacle l’Ouganda

Tirant déjà la sonnette d’alarme début 2017, la Banque mondiale fustige la gestion de l’endettement public en Ouganda. L’institution appelle le gouvernement à plus de sérieux.
Ristel Tchounand
En 2018 seulement, l'Ouganda aura besoin de plus d'un milliard de dollars pour avancer sur ses chantiers en cours ou en démarrer les projets en attente.
En 2018 seulement, l'Ouganda aura besoin de plus d'un milliard de dollars pour avancer sur ses chantiers en cours ou en démarrer les projets en attente. (Crédits : Reuters)

L'info n'a pas eu d'écho au-delà des frontières ougandaises, mais à Kampala jusqu'à présent, l'atmosphère reste lourde quand on évoque l'aide financière étrangère. Lors du forum national du partenariat qui s'est tenu en fin de semaine dernière, la Banque mondiale a fortement critiqué la gestion par le gouvernement de l'aide financière au développement des infrastructures.

« Pourquoi les projets semblent-ils soudainement inadéquatement justifiés ? Les procédures contractuelles basées sur de mauvaises études de faisabilité couplées à une supervision inadéquate conduisent à d'énormes dépassements de coûts et à un travail de mauvaise qualité », a déploré Christina Malmberg Calvo, Directrice nationale de la Banque mondiale, rapporte la presse locale.

Et d'ajouter : « Ce n'est pas une manière de valoriser l'argent des contribuables et ce n'est certainement pas le genre de dette que leurs enfants voudraient rembourser ».

Déjà à sa quatrième édition cette année, le forum rassemble près de 600 membres issues du gouvernement ougandais et les différentes organisations internationales de soutien au financement des investissements du pays. Les échanges visent à évaluer les progrès réalisés dans les programmes nationaux de développement financés grâce aux emprunts de l'Etats auprès de ses principaux donateurs.

« Perte sur chaque shilling investi »

Et des prêts, l'Ouganda en a eu, puisque ces dernières années, les chantiers se sont multipliés, notamment dans le domaine des infrastructures. En 2018 seulement, le pays aura besoin de plus d'unmilliard de dollars pour avancer sur ses chantiers en cours ou en démarrer les projets en attente. Entre la modernisation de l'aéroport international d'Entebbe, les unités de production d'électricité, les routes, les chemins de fer, le Parc industriel agricole, le pipeline, ou encore l'exploitation pétrolière du Lac Albert, la liste est longue.

« L'Ouganda ne récolte pas les bénéfices de son programme d'investissement public - vous obtenez moins d'un shilling pour chaque shilling que vous investissez. Vous devriez pourtant recevoir quatre, cinq ou six fois votre investissement. Qu'est-ce qui ne va pas ? Le processus d'investissement public ne fonctionne pas comme il se doit », a-t-elle de nouveau déploré Malmberg Calvo.

Reconnaissant le ralentissement économique dont est frappé l'Ouganda ces dernières années -la situation étant parfois tributaire du marché internationale- la patronne locale de la Banque mondiale a toutefois appelé les autorités ougandaises à tout mettre en place pour corriger les nombreux couacs de gestion observés.

Après une alarme retentissante

Kampala savait déjà ce que pensait la Banque de son niveau d'endettement largement alimenté par ses projets d'infrastructures, mais le gouvernement était certainement loin de s'imaginer que Christina Malmberg Calvo s'exprimerait de façon aussi cru en une telle circonstance devant un parterre de partenaires financiers. Après avoir silencieusement consommé la douche froide, l'Autorité nationale de planification a tenté de mettre en avant les récentes orientations visant à remettre la planification « de manière coordonnée » au cœur du management des programmes nationaux de développement, mais ce qui était dit, l'était déjà.

Voulant à tout prix renouer en 2018 avec un taux de croissance du PIB de 7% comme c'était le cas dans les années 90 et au début des années 2000 -celle-ci devant être autour de 4,2% l'an dernier-, l'Ouganda a fait de l'investissement dans les infrastructures son principal fer de lance. Mais alors que la Banque mondiale table sur une croissance de 5,5% cette année, l'institution de Breton Woods alertait déjà Kampala en avril 2017 quant à un surendettement dont le retour sur investissement n'est pas garanti. D'après les estimations de la Banque, la dette publique ougandaise -qui touchait déjà d'importantes proportions de l'ordre de 35% entre 2015 et 2016- devrait atteindre un pic de 44% du PIB entre 2020 et 2021.

Ristel Tchounand

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