Dématérialisation  : un chantier grandeur continent

Gagner en compétitivité est depuis longtemps un souci majeur des politiques africains, afin d'améliorer la qualité de vie de leurs concitoyens. À la condition d'avoir une volonté politique déterminée d'imposer la transparence comme règle pour la gestion publique, la dématérialisation des procédures semble être l'outil ultime pour que les gouvernements gagnent en efficacité.
Mehdi Lahdidi
La dématérialisation et le recours aux solutions e-gov représentent pour les gouvernements africains un levier d'amélioration de leur climat des affaires tout en minimisant les risques de corruption

Ce n'est plus à démontrer. L'adoption de la technologie numérique ne permet pas uniquement de développer l'efficacité, mais aussi de réduire la complexité des processus, leur coût et le temps qu'ils requièrent. Pour les économies africaines, qui se trouvent dans le besoin pressant d'améliorer leur compétitivité, la dématérialisation des procédures administratives est incontournable, pour améliorer la qualité de vie des citoyens africains, mais aussi pour séduire les investisseurs étrangers via un meilleur classement Doing Business.

Les États du continent ont pour la plupart compris cet enjeu. Seulement, son application est une autre paire de manches. Là aussi, il est facile de remarquer le décalage de vitesse d'adoption de ce type de réformes pour chaque région. Si l'on se permet une différentiation vulgaire, il est possible de faire la distinction, classique mais avérée, entre les pays anglophones et les pays francophones.

Les pays qui ont gagné le plus de place dans le dernier rapport du Doing Business 2017 de la Banque mondiale, ont presque tous mis en œuvre des procédures en ligne pour démarrer une entreprise. La tendance est mondiale. En 2015/16, 20% des économies qui ont réformé le processus de création d'entreprise, ont introduit des portails en ligne ou les ont améliorés. Dans une Afrique en quête de compétitivité, le rythme est un peu plus rapide qu'ailleurs.

Au Nigéria, par exemple, La Commission des affaires corporatives a lancé un portail d'inscription en ligne, permettant aux entreprises de réserver leurs noms par voie électronique. Le Rwanda, quant à lui, est désormais muni d'un portail électronique qui combine l'enregistrement des sociétés, des informations sur leurs obligations et les charges fiscales. Cette solution permet notamment aux entrepreneurs d'économiser en moyenne deux jours. Elle élimine également les interactions physiques avec les responsables gouvernementaux,  ce qui a également pour effet d'étouffer dans l'œuf toute tentation de corruption.

L'arme secrète pour venir à bout de la corruption...

En effet, la dématérialisation est également une option pratique pour la lutte contre le fléau qui ronge l'économie africaine. Des études récentes sur le commerce intra-régional dans le continent montrent que la corruption, associée à des institutions faibles, constitue un frein au développement des flux commerciaux au sein de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique Centrale.

Dans le domaine du commerce international et en particulier dans les procédures de dédouanement, la corruption peut prospérer parce que les agents des douanes contrôlent ce qu'il y a de plus précieux chez les entreprises : l'accès aux marchés. «La recherche montre que les agents des douanes sont particulièrement enclins à accepter des pots de vin par rapport à d'autres secteurs d'activité», peut-on lire sur le rapport Doing Business 2017 de la Banque mondiale.

Très récemment, le Sénégal s'est doté du système Gaindé, un logiciel de paiement qui permet une meilleure informatisation, «gage d'une rentabilité maximale et d'une sécurité adéquate», estiment les officiels sénégalais. Mis en place en collaboration avec le Fonds pour le climat d'investissement en Afrique, le système vise à réduire le temps nécessaire pour la déclaration et le dédouanement des marchandises. Cela a impliqué également l'introduction d'un cadre réglementaire et administratif pour les procédures de dédouanement automatisées et numérisées. La réforme incluait également l'adoption des documents et des signatures électroniques comme des éléments juridiquement contraignants dans le pays. En conséquence, l'enregistrement de la déclaration en douane a été réduit de 2 jours à 15 minutes. Le processus de pré-dédouanement prend maintenant 7 heures au lieu de 2 jours, le dédouanement des produits exportés prend 11 jours au lieu de 14 jours et pour les importations, il demande 14 jours au lieu de 18 jours...

Des permis de construire «on line» au Rwanda

Le Rwanda aussi peut être un exemple à suivre en termes d'appropriation des innovations technologiques. L'une des mesures qui ont drastiquement permis l'amélioration du climat des affaires est celle de la dématérialisation des permis de construire. Le pays a commencé par instaurer un guichet unique pour le traitement des demandes de permis de construire en 2010. Malgré cela, l'obtention du document était confuse et longue, avec un processus de construction des districts qui n'était pas harmonisé.  Pour remédier à ces problèmes, Kigali a mis en place un Système d'information et de gestion des permis de construire, ainsi qu'une application baptisée Web-Gis. Le dispositif totalement digitalisé permet à l'État d'offrir un service en ligne de délivrance des actes d'urbanisme. Il facilite également l'accès à la carte de base, à l'aménagement des terrains, à l'utilisation des sols et à l'obtention des factures et permis.  Ce n'est pas pour autant que ce pays de 11 millions d'habitants se repose sur ses lauriers. Kigali est en train de planifier une liaison directe avec le système d'information pour l'administration foncière (LAND). Cela permettra au guichet unique de la ville de détenir les dernières informations sur les emplacements approuvés, les écarts en matière d'exploitation et ainsi, d'élaborer des lignes directrices de conception urbaine.

Tout le défi réside dans la capacité des gouvernements africains à sensibiliser les différents intervenants publics à une utilisation effective de ces solutions e-gov, un travail de vulgarisation en faveur des opérateurs économiques locaux peu disposés à recourir à ces services. Cette méfiance s'explique en partie par l'absence de la culture de transparence imposée par la substitution de guichets physiques par des formulaires en lignes gérés par des algorithmes...

Mehdi Lahdidi

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