Co-innover pour la Tech for Good : depuis Marseille, l’Afrique et l’Europe s’associent autour d’un destin partagé

Face à tous les défis que nos sociétés ont à relever, à l'heure de la recomposition des alliances géopolitiques ou du repli des nations sur elles-mêmes et avec une histoire commune, l'Afrique et l'Europe doivent désormais faire encore plus preuve de résilience et co-construire ensemble les solutions de demain. Emerging Valley, dont la dernière édition s'est tenue en novembre dernier à Marseille, se veut un Hub des innovations émergentes entre l'Europe et l'Afrique.
(Crédits : Emerging Valley)

Depuis sa création en 2017, ce sommet international attire en Provence les investisseurs, les startups et les écosystèmes numériques africains et émergents qui veulent renforcer leur attractivité à l'internationale, développer leurs relations business et accélérer leur impact à l'échelle globale. Cette année, la co-innovation et la co-construction étaient au cœur de tous les débats de la 6e édition.

Coconstruire l'innovation positive : des partenariats au service du bien commun européen et africain

L'importance du partenariat Europe-Afrique se trouve désormais renforcée, de par la situation géopolitique et économique mondiale, la guerre en Ukraine mais aussi face aux changements climatiques de plus en plus forts. Comment ces deux continents frères peuvent élaborer ensemble de nouvelles solutions communes pour répondre à ces enjeux qui bouleversent la donne mondiale et pourquoi doivent-ils co-innover ?

Durant la 6e édition d'Emerging Valley, Bertrand Walckenear, directeur général adjoint de l'Agence française de développement (AFD), a rappelé qu'il ne pourrait y avoir de transition juste sans une mobilisation collective. C'est pourquoi, l'AFD œuvre pour la mobilisation des acteurs français, européens, de l'Union africaine et des pays africains afin de créer des coalitions entre toutes les parties prenantes pour faire avancer et financer l'innovation positive. Jouer collectif est une première brique de la mission de l'AFD, la seconde repose sur la question des trajectoires et de choix des projets de développement économiques, notamment dans l'écologie, les énergies vertes, l'agriculture durable, l'éducation ou encore la santé dans une logique de modélisation économique.

Ces enjeux auxquels cherchent à répondre l'AFD en Afrique aujourd'hui sont aussi ceux auxquels la France doit faire, mais aussi le reste du continent. Les solutions soutenues par l'AFD dans le cadre de ses différents programmes peuvent donc être mises à l'échelle sur le continent européen. D'où la nécessité pour les acteurs du Nord de s'impliquer dans ces développements. Enfin, la dernière brique est celle de l'instrument. Plusieurs initiatives ont été lancées depuis 2015 et la COP de Paris, l'AFD y a pris sa part et tient son engagement, année après année, au travers de financement et de partenariats.

A titre d'exemple, en Afrique du Sud, la question se pose de la fermeture des mines de charbon. La communauté internationale investit 8 milliards de dollars pour accompagner le pays dans cette transition, en s'inspirant des mesures prises pour cette même problématique en France.

Partout en Europe, les pays sont très actifs pour co-construire avec l'Afrique, y compris désormais les pays de l'Europe de l'Est. Daniel Schaer, ambassadeur pour la Coopération Économique avec l'Afrique au Ministère des Affaires Etrangères de la République d'Estonie a expliqué qu'après de nombreuses années d'occupation soviétique et l'indépendance du pays en 1991, le pays a commencé à s'intéresser à développer des partenariats gagnants-gagnants avec l'Afrique.

Le gouvernement a ainsi rencontré nombre de pays africains pour identifier ceux avec lesquels il pouvait avoir des points communs et quelles étaient ces opportunités. Il en ressortit que le digital et le besoin de développer celui-ci était l'un des axes prioritaires et partagés. D'ailleurs, Estonie comme pays africains ont chacun traversé une phase de leapfrogging, c'est-à-dire qu'ils se sont directement tournées vers l'innovation mobile plutôt que par toutes les étapes précédentes comme cela a pu être le cas à l'Ouest. Par ailleurs, l'Estonie se positionne en Startup et même en Digital Nation.

Avec ses partenaires, comme par exemple au Bénin, l'Estonie déploie des systèmes d'opérabilité pour les services publics et financiers. Plus largement le pays est dans une logique de partage d'expériences avec les pays africains partenaires et s'appuie sur des solutions africaines pour améliorer ses systèmes informatiques nationaux. L'Estonie est, d'ailleurs, convaincue de la nécessité de pouvoir déployer, à termes, des systèmes européens et africains compatibles pour faciliter les échanges et les services internationaux.

Mais co-innover passe aussi par un changement de regard sur l'innovation africaine. C'est pourquoi la startup sénégalaise Kweli vise à changer l'image mondiale du Made In Africa pour aider les entrepreneurs à obtenir des financements et des investissements de la part de partenaires étrangers. Birame Sock, sa fondatrice, explique qu'il est nécessaire de changer la perception que la communauté internationale peut avoir tant sur les produits africains - gamme, qualité, prix, etc. - que sur les entrepreneurs africains ou le territoire africain. Elle a aussi rappelé que l'entrepreneuriat africain a toujours existé. Au départ, pour pouvoir survivre et aujourd'hui pour aller au-delà de cela, de vendre au-delà de sa communauté et de son pays. Aujourd'hui, le monde entier peut être un marché pour les entrepreneurs africains, ils ont les mêmes atouts que ceux du reste du monde et peuvent apporter des solutions ; et il est d'ailleurs plus facile pour eux de se développer vers l'Europe que parfois d'un pays africain à un autre. Pour co-créer avec l'Afrique, il est aussi important de comprendre le contexte africain et ne pas le sous-estimer.

C'est aussi ce qu'a rappelé Didier Parakian, vice-président de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Durant Emerging Valley, il a expliqué comment la métropole veut construire la ville de demain, basée sur un melting pot d'innovations et où justement l'innovation africaine y a toute sa place.

Aix-Marseille-Provence, la métropole « passerelle » des entrepreneurs de l'innovation Europe-Afrique

Car Aix-Marseille-Provence est un véritable carrefour de l'innovation Europe-Afrique. Cela est une évidence du fait de la profondeur et la densité exceptionnelle des liens entre l'Afrique et la métropole provençale. Par sa proximité géographique et historique, sa forte diaspora et l'accompagnement chaque année de plus de 5 000 talents africains sur son territoire, Aix-Marseille-Provence montre qu'elle est au centre de réseaux, de partenariats et de nombreuses connexions avec l'Afrique.

La métropole représente le deuxième territoire, après la métropole parisienne, pour le nombre d'entreprises ayant une filiale en Afrique. Elle reçoit près de 20 % des investissements africains en France, et occupe le deuxième rang national en nombre d'entreprises ayant un actionnaire africain. C'est également un hub numérique tourné vers l'Afrique (le territoire connecte l'Europe et l'Afrique grâce à des câbles numériques sous-marins) et logistique (d'ailleurs, le GPMM - Grand port maritime de Marseille - est le premier port de France vers l'Afrique).

Ayant tout récemment décroché avec le Prix i-capital la première place du concours des Villes européennes capitales de l'Innovation, devant Madrid, Istanbul, Varsovie, ou encore Valence en ayant justement mis en fil conducteur de sa candidature l'Africanité de Marseille, la Métropole Aix-Marseille Provence continue de s'affirmer comme terre d'accueil et de rayonnement de l'innovation entre les deux rives. Son solide écosystème entrepreneurial garantit le développement de ses jeunes pousses, mais également celui des pépites étrangères qui souhaitent implanter leurs solutions sur son territoire ! Structures d'accompagnement et soutiens institutionnels ont mis en place des dispositifs d'accompagnement en faveur de l'innovation Europe-Afrique !

Citons tout d'abord Provence Africa Connect, un programme porté par la Métropole Aix-Marseille-Provence ayant pour objectif d'aider les porteurs de projets liés à l'Afrique à identifier des opportunités, monter des alliances avec l'Afrique, obtenir des financements ou encore répondre à des appels d'offres, en s'appuyant sur des réseaux d'entrepreneurs euro-africains comme AfricaLink.

De son côté, le programme Med'Innovant Africa, à l'initiative de l'EPA Euroméditerranée, vise, quant à lui, à détecter des "pépites africaines" en capacité d'expérimenter leurs solutions innovantes, le cas échéant, sur l'Ecocité Euroméditerranée, à installer ces startups sur le périmètre d'intervention de l'aménageur dans l'objectif de faire croître leurs parts de marché vers l'Europe mais aussi à attirer des TPE, PME comme des groupes français et européens qui souhaitent se développer en Afrique. Par ailleurs,

MEET Africa (pour Mobilité Européenne pour l'EnTrepreneuriat en Afrique) est un programme porté par un consortium de plusieurs acteurs (Expertise France, Anima, GIZ), ce dispositif soutient les entrepreneurs de la diaspora africaine, formée en France et en Allemagne, qui portent dans les pays d'Afrique partenaires (Maroc, Algérie, Tunisie, Cameroun, Mali, Sénégal) un projet de création d'une entreprise à caractère technologique. Et dans des secteurs considérés comme prioritaires : l'agroalimentaire, IoT, l'énergie, la santé, les biotechs, les TIC, etc.).

Citons encore l'Agence Française de Développement, dont son campus est basé à Marseille, qui développe de nombreux programmes d'accompagnement pour les entrepreneurs africains dont notamment celui du Social & Inclusive Business Camp qui ambitionne d'accélérer l'innovation sociale et inclusive africaine. Tout un écosystème qui ne pourra que se renforcer encore davantage avec le nouveau statut de Capitale Européenne de l'Innovation 2023 de la métropole Aix-Marseille-Provence.

De nombreux incubateurs régionaux sont aussi tournés vers la Méditerranée et l'Afrique comme l'Accélérateur M installé à la Cité de l'Innovation de Marseille qui s'intéresse à l'économie bleue, l'Accélérateur Zebox - fondé par la multinationale marseillaise CMA-CGM - tourné autour des métiers de la logistique, de la mobilité ou de l'industrie 4.0 ou encore l'incubateur Marseille Innovation ainsi que le technopôle Arbois-Méditerranée qui se spécialisent dans les cleantech, ils développent et tissent chaque année des liens forts et durables avec des entreprises africaines et méditerranéennes.

Pour conclure, rappelons que Marseille est le lien des possibles où se rencontrent jeunesse, entrepreneurs, investisseurs européens et africains. Historiquement et géographiquement, elle est comme un trait d'union des échanges entre l'Afrique, la Méditerranée et l'Europe. C'est la cité des diasporas et cela est une force pour accompagner ces nouvelles dynamiques entrepreneuriales pour construire le monde de demain, à l'image d'Emerging Valley.

(*) Fondateur d'Emerging Valley, d'Emerging Mediterranean, et auteur de "Startup Lions".

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