Face à une Chine conquérante et une Allemagne qui se projette, la France tente de construire une troisième voie en Afrique

Si les liens de proximité entre la France et l'Afrique sont incontestables depuis de nombreuses décennies, préserver cette « relation spéciale » ne relève plus de l'évidence. La France doit désormais composer avec une concurrence rude. Avec sa vision « Tout Afrique », la France et l'AFD entendent mettre les énergies renouvelables au cœur d'une stratégie de régénération des liens entre Paris et le continent africain.

Principal pourvoyeur de l'aide publique au développement (APD), la France consacre 9,2 milliards de dollars dans le but d'accélérer la lutte contre le changement climatique et l'émergence de solutions énergétiques propres.

L'Afrique est ainsi la première destination de projection des financements français à l'international. Le pays y engage annuellement 4,4 milliards de dollars pour le développement économique. Afin de favoriser la mise en place d'énergies renouvelables, Paris a annoncé en janvier 2017 que son engagement serait porté de 2,2 à 3,3 milliards de dollars par an. Il s'inscrit notamment dans l'objectif de création de 10 GW à l'horizon 2020 et de mobilisation internationale de 11 milliards de dollars annoncé par l'Initiative de l'Afrique sur les Énergies Renouvelables (IAER).

À l'instar du coopétiteur allemand, Paris utilise l'Union européenne comme un amplificateur de sa politique bilatérale de financement. Elle s'appuie de facto sur les outils multilatéraux de l'Europe pour consolider ses capacités. L'influence française est donc triple par : l'aide publique au développement, la coopération bilatérale et les instruments européens dans lesquels ses institutions jouent un rôle majeur.

La matrice de l'AFD, fer de lance du bilatéralisme de Paris dans le financement vert en Afrique

En rapprochant le groupe Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC) et l'Agence française de développement (AFD), Paris actualise sa politique bilatérale de financement. La création d'un véhicule commun de financement dans les infrastructures Greenfield doté de 600 millions d'euros de fonds propres est la première pierre d'une alliance de raison entre développement et financement français. Si une fusion ne semble pas envisagée pour l'heure, cette coordination stratégique renforce sans nul doute la capacité bilatérale de financement de l'AFD et par extension de la France. Cette stratégie contribuera également, à terme, d'accroître l'influence française au sein des initiatives multilatérales européennes grâce à une capacité financière renforcée.

L'agence, acteur de premier plan du soutien au développement français, opère 1100 projets sur le continent africain, pour un montant cumulé de 12,5 milliards de dollars. Sa stratégie africaine se décline en cinq objectifs dont la transition énergétique tient la première place. Parmi les 7,4 milliards de dollars octroyés par l'Etat français à l'AFD pour favoriser l'accès à l'énergie, elle consacrera la moitié au secteur des énergies renouvelables.

L'orientation de l'AFD vers le green business ne s'arrête pas là, elle créée en 2012 sa propre ligne de financement vert, le Sustainable Use of Natural Resources and Energy Financing (SUNREF), qui promeut ce mode d'énergie auprès des entreprises privées. Elle soutient de nombreux projets sur le terrain, comme comme la centrale photovoltaïque de Zagtouli au Burkina Faso de 55 GWh, qu'elle finance avec le Fonds européen de développement (FED) à hauteur de 53,1 millions de dollars. Par ailleurs, la France agit multilatéralement avec ses partenaires, qu'ils soient mondiaux, européens ou africains, notamment au sein de l'IAER.

Une implication financière dans l'ensemble des strates des projets verts en Afrique

Pour influer dans les projets verts en Afrique, la France utilise l'ensemble des types de financement excepté celui de « l'infrastructure contre ressources », modèle privilégié de la Chine. Elle apporte ainsi son soutien à des développeurs de projets, nationaux ou non, à des États stratèges ou encore à société de projets ad-hoc.

Proparco, l'institution financière de développement de l'AFD, joue le rôle de véritable levier financier pour la France en Afrique. Durant la dernière décennie, elle s'est engagée à hauteur de 310,8 millions de dollars sur le continent africain et consacre dès lors 50 % de son activité annuelle, soit 1,7 milliard de dollars en portefeuille. Elle octroie des financements aux entreprises développeurs, comme dans le cas de la centrale solaire Senergy PV SA au Sénégal de 30 MW.

En plus d'un soutien direct au développement de projet, depuis mars 2017, l'AFD et sa filiale Proparco ont obtenu la gestion de 26,8 millions de dollars de fonds européens dans le cadre de l'initiative financière ElectriFI pour le programme l'African Renewable Energy Scale Up qui se focalisera très largement sur l'énergie solaire off-grid.

S'ajoute à cette influence publique nationale, un secteur d'investissement privé dynamique qui impacte directement les projets renouvelables en Afrique. C'est notamment le cas de Meridiam, société d'investissement basée à Paris qui a lancé en 2015, le Meridiam Infrastructure Africa Fund, doté de 335,4 millions de dollars pour investir dans des infrastructures de long terme. Cet outil lui permet de prendre part au projet de l'installation solaire de 30 MWc au Sénégal, Ten Merina.

Derrière la vision « Tout Afrique », la question du devenir du bilatéralisme français

Avec « Tout Afrique », Paris semble ouvrir la voie à une modification des rapports entre Afrique et France. Portée notablement par les courants favorables au nouveau Président de la République français, l'horizon des opportunités économiques semblent s'éclaircir pour un pays qui focalise depuis de nombreuses années les diatribes. La question sera désormais de voir si la France peut avoir les moyens de ses ambitions pour s'affranchir de la « Françafrique » et renouveler son empreinte sur le continent. Il s'agira aussi d'étudier les voies possibles de modernisation du bilatéralisme et du multilatéralisme français.

Dans cette perspective, le couple franco-allemand s'accorde sur la nécessité de revitaliser les relations entre l'Afrique et les pays européens. Ces deux puissances majeures du financement verts tracent des voies qui leur sont propres. Pour autant, des relations renforcées entre France et Allemagne sembleraient être l'unique moyen pour l'Europe d'éviter son déclassement sur la carte de l'influence économique en Afrique. Cette convergence induira néanmoins une plus grande interdépendance entre les intérêts de pays riverains au détriment d'actions bilatérales potentiellement plus pertinentes.

L'émulation résultant de cette coopétition permettra également aux autres partenaires européens de tirer parti de cet élan, notamment en favorisant leurs savoir-faire face aux prétentions économiques des États-Unis et de la Chine.

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