Au Maroc, le nouvel élan réformateur de Mohammed VI

Au sud de la méditerranée, des transformations majeures s’opèrent au Maroc, qui a pris un virage dans sa politique sociale et économique, comme le souligne le souverain chérifien lors de son discours pour le 23ème anniversaire de son accession au Trône. L’ambition affichée par le pays : allier le « cœur et la raison » dans la nouvelle trajectoire socio-économique.
Najib Benamour, Secrétaire Général Exécutif de l’IMIS
Najib Benamour, Secrétaire Général Exécutif de l’IMIS (Crédits : LTA/IMIS)

Pour cette année 2022, Mohammed VI a ouvert son allocution le samedi 30 juillet avec la question du Code de la famille. Ainsi, le Roi du Maroc a donné le ton dès le début de son discours de ce qu'il s'est fixé comme nouvelle priorité de règne : la promotion de la condition de la femme marocaine. Alors que le pays est déjà engagé sur la voie de réformes profondes relatives à la mise à niveau du système de santé et à l'élargissement de la couverture sociale à tous les citoyens, cette nouvelle génération de réformes en direction des femmes confirme un élan réformateur renouvelé.

D'abord, l'égalité homme-femme

De nombreux indicateurs confirment aujourd'hui les avancées faites en faveur des femmes durant ces deux dernières décennies, grâce notamment au plan d'action national pour l'intégration de la femme au développement et les réformes en faveur des droits des femmes, à l'instar de la réforme du Code de la famille en février 2004. L'évolution législative depuis les années 2000 a également donné lieu à la modification du Code de la nationalité marocaine, à l'adoption du Code du travail, à la réforme du Code pénal, à la budgétisation sensible au genre, à l'ouverture de la profession des Adouls aux femmes depuis 2018.

Mais, le Maroc peut encore mieux faire. C'est ce qui ressort de l'examen du rapport du Maroc devant le Comité de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), qui reconnait les progrès réalisés en la matière mais appelle à accélérer la cadence des réformes pour remédier aux inégalités qui découlent des questions de l'héritage, du mariage des mineurs, de la polygamie et de la tutelle des enfants.

Ces distorsions persistantes constituent des défis à relever comme le souligne Mohammed VI dans son discours avec comme mot d'ordre : améliorer la condition de la femme et de la famille. Pour le souverain chérifien, l'un ne va pas sans l'autre, le développement et le progrès de la société marocaine est tributaire du statut de la femme marocaine et de son accès à ses droits fondamentaux. L'expérience a en effet mis en évidence certains obstacles qui empêchent de parfaire la réforme initiée par le Code de la Famille pour atteindre les objectifs escomptés. Ces obstacles résident dans une application « incorrecte » des dispositions du Code de la famille. Pour corriger cette anomalie, une nouvelle génération de réformes en direction des femmes a donc été annoncée. « Il convient aussi de dépasser les défaillances et les aspects négatifs révélés par l'expérience menée sur le terrain et, le cas échéant, de refondre certaines dispositions qui ont été détournées de leur destination première », indique le Roi du Maroc. Et de rappeler son attachement aux valeurs fondamentales de l'Islam, en sa qualité de Commandeur des croyants. « Je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le très-Haut a autorisé, en particulier par des textes coraniques formels » a-t-il affirmé.

Face au choc économique mondial, un cap réaffirmé

En même temps, l'économie marocaine fait face, au même titre que l'économie mondiale, à la succession de deux chocs, la séquence pandémique et le conflit russo-ukrainien entraînant une volatilité des prix de l'énergie. Une conjoncture internationale délicate à laquelle s'ajoute une vague de sécheresse inédite qui a marqué la saison hivernale. « Outre une modeste campagne agricole, des facteurs exogènes ont entraîné une envolée des prix de certains produits de première nécessité », affirme le Souverain chérifien.

Et de souligner que plusieurs mesures ont été prises pour atténuer les effets de l'inflation, notamment l'allocation des crédits importants à la subvention de certains produits de base. Pour preuve, le budget alloué en 2022 à la Caisse de compensation a été doublé, excédant ainsi les 32 milliards de dirhams, soit 3,04 milliards d'euros. Un programme exceptionnel a été mis en place aussi pour atténuer l'impact de la sécheresse sur les agriculteurs et sur la population rurale. Mais, tout cela demeure « bien peu au regard de ce que méritent vraiment les Marocains », indique-t-il.

Le volet social a également dominé le discours royal, puisque le Maroc, engagé dans la voie des réformes fondamentales sur la base des recommandations élaborées par la Commission Ad Hoc du Nouveau Modèle de Développement, a choisi de mettre en œuvre un système de protection sociale au profit de tous les Marocains d'ici 2025. Ce chantier hautement stratégique pour le Royaume est aujourd'hui en marche et vise à atteindre 22 millions d'adhérents. A noter que le nombre d'adhérents à l'AMO (assurance maladie obligatoire), en l'occurrence les travailleurs non-salariés et leurs familles, a déjà franchi la barre des 6 millions.

Dans ce contexte, quel regard posent les institutions internationales sur la situation économique du pays ?  Malgré la conjoncture internationale, le Maroc semble tirer son épingle du jeu, comme le souligne le récent rapport de la Banque Mondiale : « le Maroc affiche encore de meilleurs indicateurs budgétaires que la plupart des économies émergentes et en développement », lit-on sur le rapport qui met en exergue la capacité de résilience du Maroc, lui permettant de relever non seulement les défis conjoncturels, mais aussi les défis structurels. Selon la même source, « le Maroc se distingue comme un pays qui a saisi les crises récentes comme une opportunité pour lancer un effort réformateur qui s'est cristallisé dans le Nouveau modèle de développement (NDM) annoncé il y a environ un an ».

De fait, alors que le pays s'apprête à construire le plus grand CHU d'Afrique et la méga-usine panafricaine de fabrication et de mise en seringue de vaccins, ces réformes n'auraient pas pu être engagés sans la gestion exemplaire de la séquence pandémique, permettant au Maroc de figurer en tête du podium africain en matière de vaccination, avec à date plus de 23,5 millions de personnes doublement vaccinées.

Paix et stabilité régionale

Autre axe témoignant de l'engagement de Mohammed VI pour la paix et la stabilité régionale : les relations bilatérales entre Rabat et Alger. Le Roi du Maroc a réitéré son souhait d'établir des relations apaisées avec son voisin de l'Est et de rouvrir le chemin du dialogue, en tendant encore une fois la main au Chef d'État algérien, alors que les relations diplomatiques entre les deux pays ont été rompues par l'Algérie de façon unilatérale en août dernier.

 Néanmoins, le Maroc continue de creuser son sillon avec l'ouverture de 27 consulats généraux de pays reconnaissant la marocanité des provinces du Sud du Royaume auxquelles s'ajoute l'évolution de la position de l'Espagne, des Pays-Bas et de l'Allemagne qui ont affirmé à leur tour leur soutien au plan marocain d'autonomie. De manière générale, le Royaume Chérifien s'apprête à entrer dans une nouvelle vague réformatrice, afin de concilier les impératifs d'une croissance soutenue pour poursuivre son développement avec l'exigence d'un dispositif social et de solidarité à la hauteur du statut que le pays ambitionne d'atteindre : celui d'une nation émergente.

*Secrétaire Général Exécutif de l'Institut Marocain d'Intelligence Stratégique (IMIS), www.imis.ma

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