Redistribution des terres : Pretoria joue-t-elle avec le feu ?

L'Afrique du Sud risque une crise sociale avec la lenteur prise dans le dossier de la redistribution des terres. Alors qu'ils sont majoritaires dans le pays, les noirs détiennent très peu de terres cultivables. L'ANC, parti au pouvoir depuis 22 ans, avait pourtant promis une redistribution de 30% des terres détenues par les blancs.
« La grande majorité des Sud-Africains vit dans une réalité encore très fortement héritée de l'apartheid », estime Verne Harris, de la Fondation Mandela de Johannesburg, Verne Harris le reconnait

Le pays de Nelson Mandela avait promis à la fin de l'Apartheid, avec l'accession au pouvoir de l'African national congress (ANC), de procéder à une redistribution de la terre. Une promesse dont la lenteur d'exécution conduit inexorablement vers une crise sociale. Selon un constat de Dikgang Moseneke, ancien président adjoint de la Cour constitutionnelle d'Afrique du sud, si le gouvernement n'accélère pas son programme de redistribution il pourrait faire face à un soulèvement populaire. « Nous faisons quasiment face à une révolte en raison du mécontentement que génère l'accès à la terre. Il existe de vraies injustices dans ce pays », a-t-il déclaré.

Plus de 22 ans après l'arrivée de l'ANC, rien n'a été fait. Bien moins d'un tiers de ce qui a été annoncé a été transféré. En début d'année, le Parlement avait pourtant voté une loi clé autorisant ''l'expropriation de la terre, avec compensation, s'il y a intérêt public''.

L'opposition n'y croit plus

L'affaire fait grand bruit à Pretoria et fait craindre le pire. « Il est une indication très claire que la population est mécontente et qu'elle est prête à envisager d'occuper illégalement des terres comme solution. Le processus du gouvernement a été très lent, quasiment inefficace. Et cela n'a ni réduit la pauvreté, ni généré de revenu », s'est exprimé Ben Cousins, professeur d'Université au Cap Occidental. Selon lui la frustration des pauvres est très grande et le gouvernement doit trouver au plus vite des solutions pour faire avancer le programme d'expropriation des terres.

Plusieurs personnalités ont déjà appelé le gouvernement à accélérer le processus de redistribution des terres. Mais l'opposition à Zuma est la plus à craindre. Julius Malema, chef de parti politique de l'opposition, symbolise la frustration de la population noire. Pour le leader des Combattants pour la liberté économique qui a personnellement appelé (c'est la 3ème fois en 1 an) la population à s'approprier les terres arables du pays, la politique de redistribution du gouvernement est un échec. « Nous allons reprendre nos terres, a-t-il envoyé à ses sympathisants. Peu importe comment. C'est devenu inévitable ».

L'héritage de l'Apartheid a la peau dure

Ces appels sont pris au sérieux par les autorités. La population noire sud-africaine après avoir subi l'Apartheid pendant des années, est restée à chaque fois sur la défensive. Un responsable de la Fondation Mandela de Johannesburg, Verne Harris le reconnait. « La grande majorité des Sud-Africains vit dans une réalité encore très fortement héritée de l'apartheid ». C'est le cas dans le  secteur agricole. Vingt ans après l'avènement de la démocratie, les promesses de l'ANC sont restées lettre morte. Les meilleures terres sont encore majoritairement dans les mains des fermiers blancs. Ils possèdent 80% du foncier.

Rappelons qu'au terme d'une loi sur la terre datant de 1913, l'ensemble de la population rurale noire avait été rassemblée de force sur 7% seulement du territoire national, dans «les homelands ». Cette surface finit par atteindre 13% dans les années 1970-1980. Le reste des terres, soit 87%, revenant aux fermiers blancs.

Le moindre malentendu suscite des remous dans le pays. Le gouvernement sud-africain a déjà essuyé plusieurs fois des revendications violentes cette année, dues à plusieurs dérapages du chef de l'Etat Jacob Zuma. Mais cette question en particulier risque d'encore plus faire plonger l'économie, déjà à terre alors que le président vient de décocher un nouveau boulet, en déclarant qu'il regarde et connait ceux qui pillent les ressources du pays.

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