Soudan : entre le nouveau pouvoir et l’UA, le bras de fer

L’ultimatum expire au bout de quinze jours et prend des allures de course contre la montre. A la date du 30 avril, si le pouvoir n’est pas transféré aux civils, l’Union africaine envisage de suspendre la participation du Soudan aux activités de l’organisation continentale. Un communiqué très offensif semble ne laisser aucune autre issue au nouveau pouvoir. Encore sous la pression de la rue, ce dernier qui temporise avec de petites concessions, va-t-il engager le bras de fer ?
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

Quinze jours pour organiser un transfert de pouvoir aux civils. Outre la pression de la rue qui ne faiblit pas depuis la chute d'Omar El Béchir, le nouveau Conseil militaire de transition doit aussi faire face à un ultimatum de l'Union africaine. Ce 15 avril, le communiqué sanctionnant la 840e réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'UA ne s'est pas embarrassé de pincettes diplomatiques.

Soutien de l'UA aux revendications de la rue soudanaise

En douze points détaillés, le texte consacre la position d'une UA qui a décidé de soutenir les revendications de la rue soudanaise. Il condamne ce qu'il qualifie de «coup d'Etat militaire» du 11 avril qui a conduit au renversement d'Omar El Béchir, après plus de trois mois de mobilisation dans les rues de Khartoum. Au milieu de son communiqué fleuve, l'organisation continentale «exige que les militaires soudanais se retirent et rendent le pouvoir à une autorité politique de transition dirigée par des civils, conformément à la volonté du peuple et à l'ordre constitutionnel, dans un délai maximum de quinze (15) jours».

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Cette exigence est la même exprimée par l'Association des professionnels soudanais, un regroupement de corporations au cœur du mouvement de contestation. Malgré le départ d'Omar El Béchir, assigné à résidence depuis les premières heures de sa chute, la mobilisation des Soudanais ne faiblit pas devant le siège de l'armée. Désormais, les manifestants exigent le démantèlement du système mis en place par l'ex-président et le départ des personnalités de l'ancien régime qui sont aux affaires.

En ligne de mire, le Conseil militaire de transition. Mis en place juste après la chute d'Omar El Béchir, cet organe composé de militaires de haut rang dirige le pays. A sa tête, Abdel Fattah Abdelrahman Burhan, ancien chef de l'armée de terre, tient les rênes du pays depuis la démission, après 24 heures après sa prestation de serment, d'Awad Benawf. Le nouvel homme fort de Khartoum a déjà laissé voir des signes d'ouverture, notamment en engageant des discussions avec les partis d'opposition et en levant le couvre-feu.

Sans transfert du pouvoir aux civils, le Soudan pourrait être suspendu

Ces mesures se révèlent insuffisantes pour l'UA qui semble se ranger du côté de la rue. Principe fondamental de sa charte, l'organisation continentale utilise la suspension automatique des pays où le pouvoir constitutionnel est renversé par des militaires. Plusieurs putschistes sur le Continent en avaient déjà fait les frais lorsqu'ils ont poussé le pouvoir en place à la sortie, le canon sur la tempe. Une mesure reprise dans le cas du Soudan avec cette menace claire de suspendre la participation du pays aux activités de l'UA.

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L'organisation panafricaine réclame la mise en place d'une «autorité civile de transition» à même de «garantir un processus consultatif et inclusif impliquant tous les acteurs politiques et parties prenantes afin qu'ils s'entendent sur les modalités, la durée, et le contenu de la transition consensuelle dirigée par des civils et qui devrait aboutir, aussi rapidement que possible, à des élections libres, justes et transparentes». En face, le pouvoir militaire cultive un inquiétant mutisme face à cette injonction et semble même vouloir aller au bras de fer.

Sans doute est-il assez renseigné pour savoir que la fermeté de l'organisation continentale n'est bien souvent qu'une posture politique. Malheureusement, d'autres régimes encore en place, arrivés au pouvoir par les mêmes moyens, sont là pour nous le rappeler.

Ibrahima Bayo Jr.

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