Soudan : les manifestants réclament un «gouvernement de transition» et l'intervention de l'armée

Nomination d’un nouveau gouvernement, réformes de l’Etat à venir et même annulation du congrès annuel du parti au pouvoir. Au moment où Abdelaziz Bouteflika rendait sa démission sous la pression de six semaines de manifestations dans les rues algériennes, Omar El Béchir, le président soudanais, a bien tenté de prendre des mesures symboliques pour tenter de calmer une rue presque déchaînée, sans trop convaincre. Désormais, le foyer de la contestation s’est déplacé devant le quartier général de l’armée soudanaise à qui la rue demande d’actionner le départ d'El Béchir.
Ibrahima Bayo Jr.
Des manifestants brandissant des banderoles et scandant des slogans demandant le départ du président Omar El Béchir, le 8 avril 2019 devant le ministère de la Défense à Khartoum, la capitale soudanaise.
Des manifestants brandissant des banderoles et scandant des slogans demandant le départ du président Omar El Béchir, le 8 avril 2019 devant le ministère de la Défense à Khartoum, la capitale soudanaise. (Crédits : Reuters)

Un «gouvernement de transition» mis en place après des négociations avec l'armée soudanaise. C'est la revendication principale portée au nom des manifestants par l'Alliance pour le changement et la liberté, un regroupement de partis d'oppositions et de corporations professionnelles soudanaises.

«Tirs à balles réelles»

Presque un ultimatum sans date, la requête est formulée au bout de la troisième nuit consécutive de rassemblements pour réclamer le départ du président Omar El Béchir, au pouvoir depuis 1989. Depuis samedi 6 avril au soir, des manifestants ont envahi les rues de Khartoum, la capitale soudanaise. Petite particularité de ce mouvement de protestation, le foyer de la contestation semble s'être déplacé du centre-ville vers le quartier général de l'armée.

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Dans la nuit de lundi à mardi, le rassemblement de près d'un millier de personnes a été dispersé à coups de gaz lacrymogène par la police antiémeute et les escadrons des redoutables services de renseignement soudanais (NISS). Certains manifestants et journalistes sur place témoignent avoir entendu des «tirs à balles réelles», sans en identifier les auteurs. A l'appel de l'Alliance pour le changement et la liberté, les manifestants réclament désormais une intervention de l'armée, restée en retrait jusque-là.

«Nous appelons les Forces armées soudanaises à engager un dialogue direct avec l'Alliance pour le changement et la liberté afin de faciliter un processus pacifique débouchant sur la formation d'un gouvernement de transition», a déclaré Omar El Digeir, un des meneurs de l'Alliance. «Nous réitérons la demande du peuple de démission immédiate du chef du régime et de son gouvernement», a-t-il ajouté.

Départ du président, réforme du système

Précipiter le départ d'Omar El Béchir par une pression continue via des manifestants de rue. La stratégie rappelle la situation fraîchement dans les esprits en Algérie où Abdelaziz Bouteflika a fini par rendre sa démission après six semaines de manifestations dans les rues. Les Soudanais rêvent sans doute d'un scénario similaire avec des manifestants qui montrent leur détermination à mettre fin au régime via le même procédé.

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La semaine dernière, Omar El Béchir a bien tenté de calmer la rue en annonçant certaines mesures symboliques. Mais l'état d'urgence décrété le 22 février pour contenir la contestation n'est toujours pas levé. Profitant de l'effet psychologique de la démission de Bouteflika, les manifestants soudanais ont bravé l'état d'urgence en signe de défiance au régime et un appel à une intervention de l'armée. Pour l'heure, cette dernière ne s'est pas prononcée sur cet appel. Tout juste s'est-elle contentée de renforcer la sécurité devant son QG, laissant le soin aux services sécuritaires de disperser les manifestants.

D'abord essentiellement déclenchées par la hausse des prix en décembre dernier, les manifestations ont pris depuis un caractère politique avec la revendication d'un changement de système que devrait amorcer le départ du palais d'Omar El Béchir. Dimanche dernier, le Conseil national de sécurité, un organe où siège El Béchir et de hauts responsables de l'armée, a lancé un appel pour une prise en compte des revendications. Rien n'y fait. Au Soudan, le rêve est intact de voir le dirigeant au pouvoir depuis 1989 partir et le système politique réformer. Un rêve d'Algérie.

Ibrahima Bayo Jr.

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