RDC : Jean Pierre Bemba, les enjeux d'un grand retour après onze ans d'absence

Après onze ans d’absence, la nostalgie du retour au pays natal. Costume sombre, cravate rouge, Jean Pierre Bemba s’est engouffré dans un Falcon 900 affrété pour l’occasion tard dans la nuit de mardi 31 juillet à Bruxelles. Après plus de huit heures de vol, l’avion a enfin pu se poser à l’aube à Kinshasa. L’ancien vice-président, venu jouer sa chance pour la présidentielle du 23 décembre, a pu poser le pied sur le sol congolais. Un retour qui pose des enjeux politiques importants pour l'avenir.
Ibrahima Bayo Jr.
Jean-Pierre Bemba à son arrivée à l'aéroport de N'djili à Kinshasa, le 1er août 2018.
Jean-Pierre Bemba à son arrivée à l'aéroport de N'djili à Kinshasa, le 1er août 2018. (Crédits : Reuters)

Au pied de l'avion qui a atterri à 9h30 (heure locale) sur le tarmac de l'aéroport de Kinshasa, ce sont les membres du premier cercle qui ont accueilli Jean Pierre Bemba. On est loin de l'affluence des grands jours promis par le Mouvement de Libération du Congo (MLC), son parti. Sans doute parce qu'initialement, l'ancien vice-président devait atterrir ce lundi 30 juillet à Gemena (nord-est de la RDC), son fief où s'était massée une foule nombreuse dans l'attente de leur fils prodigue.

Onze années que Bemba n'avait revu la RDC

Pour retarder ce retour, les autorités avaient prétexté que l'aéroport de cette localité située dans Sud-Ubangi n'était pas un aéroport international. Jean Pierre Bemba avait donc dû repousser d'un jour son départ, le temps que sa famille politique et biologique et les autorités, réunies en urgence autour gouverneur de Kinshasa André Kimbuta, pour régler les derniers détails, notamment sécuritaires.

La dernière fois que Jean Pierre Bemba a posé les yeux sur la RDC, c'était en avril 2007 lorsqu'il s'est engouffré dans un avion en direction du Portugal, officiellement pour «soins de santé». De là, il ira en Belgique d'où il sera arrêté et livré à la Cour pénale internationale. Cette dernière le condamnera à 18 ans de prison qu'il ne purgera pas en totalité, grâce à un vice de forme qui lui vaudra sa libération.

Le cortège du président du MLC a emprunté les artères de la capitale pour le conduire à son domicile. Mais plusieurs fois, le véhicule qui a dû se frayer un passage au coeur d'une foule immense dans les rues de Kinshasa, a plusieurs fois été stoppé. Quand ce n'est pas le bain de foule de Jean Pierre Bemba, visiblement nostalgique de l'exercice, ce sont les heurts entre ses partisans ou simples curieux avec le dispositif de sécurité et d'escorte. Ce dernier a parfois usé de tirs de gaz lacrymogènes et le cortège a dû accélérer sa cadence.

Désormais, le retour de Jean Pierre Bemba après onze ans d'absence du «Chairman» pose d'autres questions dont la première est celle de sa candidature à la présidentielle du 23 décembre 2018. Et le temps presse. L'ancien vice-président doit déposer son dossier de candidature avant le 8 août 2018, date limite de dépôts. Mais cette candidature est déjà menacée.

Bemba face à l'inéligibilité

Même si le couperet de la condamnation de la CPI a été écarté, le «Chairman» pourrait être frappé d'inéligibilité sur l'affaire de «subornation de témoin» sur laquelle la CPI ne s'est pas encore prononcée. La loi électorale congolaise invalide automatiquement les candidats qui ont été condamnés pour des faits de corruption. En face, les partisans de Bemba font valoir qu'il y a une différence entre «subornation» et «corruption». Le mot de la fin sera connu lorsque la CENI publiera la liste préliminaire des candidats.

Par ailleurs, le retour de Jean Pierre Bemba va chambouler le paysage politique à quelques semaines de la clôture des candidatures. Même s'il s'est dit favorable à un front uni de l'opposition contre le dauphin de Joseph Kabila -s'il y en a un- Jean Pierre Bemba mettra son score de 20% lors de la présidentielle de 2006 face au président congolais.

De quoi rebattre les cartes de l'échiquier. Avec son retour, des opposants comme Moïse Katumbi, aux prises avec son comeback annoncé, mais pas encore autorisé, Félix Tshisekedi qui n'arrive pas vraiment à rassembler sa famille politique, Vital Kamerhe en crise de confiance dans l'électorat, se trouveront relégués au second plan.

La bataille pourrait finalement se jouer entre un camp présidentiel resserré et un front autour de Jean Pierre Bemba ou en tout cas dans lequel l'opposition aura embarqué le chef rebelle. Le grand risque c'est que le retour du «Chairman», dont la milice n'avait pas été totalement démantelée, ne déclenche un affrontement armé qui servira de prétexte à ne pas tenir les élections.

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Article mis à jour à 15h07 (GMT)

Ibrahima Bayo Jr.

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