Discours de Joseph Kabila : la carte de la «main étrangère»

Quarante cinq minutes d’un discours très offensif et… sans véritable annonce. Avec la tonitruante annonce d’Antonio Guteres sur des «annonces importantes» de Joseph Kabila, l’on s’attendait à voir un horizon politique plus éclairci pour une RDC qui se prépare à renouveler sa classe politique pour les élections générales du 23 décembre 2018. Au final, le président congolais s’est livré à un exercice fade et rébarbatif où il a brillé pour avoir mis en avant une seule «menace» : les « ingérences étrangères».
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : DR)

On aurait pu se croire à l'allocution que Joseph Kabila avait prononcée l'année dernière. Le cérémonial et les sujets abordés sont pratiquement les mêmes. Ce jeudi, la vie s'est arrêtée dans les familles congolaises. Scotchés à leur poste de télévision, de radio ou même sur les live Internet, les Congolais guettaient des annonces fortes.

Kabila dévoile son jeu

A une semaine de l'ouverture des dépôts de candidatures pour les élections générales de décembre, le président congolais à qui on prête l'ambition d'une interprétation à son compte de la Constitution pour un troisième mandat, n'a pas levé les ambiguïtés sur ce sujet très attendu. Les Congolais sont restés sur leur faim.

«Ce ne sont pas ... les menaces inconsidérées, et encore moins des sanctions arbitraires et injustes qui nous détournerons de la voie que nous nous sommes librement tracés le cap des troisièmes consultations électorales fixé au 23 décembre reste donc maintenu et notre engagement à rester la Constitution demeure lui aussi non-équivoque. Il s'agit pour nous d'abord d'honorer notre lutte», fait-il savoir sans évoquer son avenir politique

Pour expliquer son rendez-vous officiellement reporté à la dernière minute pour des «raisons d'agenda», Antonio Guteres, le SG de l'ONU, qui devait être reçu en compagnie de Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l'UA, avait donné une explication qui avait redonné de l'espoir au Congolais. «La raison qui nous a été donnée pour le report était que le président allait prendre très bientôt, ou annoncer très bientôt, une série de décisions importantes et qu'il ne voulait pas donner l'impression qu'il les prenait sous la pression internationale».

Ce jeudi 19 juillet, Joseph Kabila a dévoilé son jeu. Dès l'entame du 11è Discours à la Nation qu'il prononce devant le Congrès, le président congolais s'est voulu très offensif contre les «ingérences étrangères». En 45 minutes d'un grand oral populiste et démagogique, il a brocardé, sans les nommer, la communauté internationale et continentale pour ses « ingérences » et peut-être même ses « complots sordides».

La carte commode des ingérences étrangères

« Notre démocratie a fait ses preuves et tous ceux qui se sont érigés en donneurs de leçons l'ont bien compris », a lancé le chef de l'Etat provoquant l'ovation de la salle», soulève Joseph Kabila dans un discours par moment rythmé par des applaudissements et les youyous de ses partisans. «Le Congo n'ayant jamais donné de leçons à personne n'est pas non plus disposé à entendre les recevoir de personne, particulièrement de ceux qui ont assassiné la démocratie dans ce pays»

Même si le président a pris la précaution de ne pas citer de nom, l'on imagine ici qu'il vient de prendre une petite revanche sur la communauté internationale - particulièrement les Occidentaux- avec qui il a été à couteaux tirés depuis son maintien au pouvoir malgré l'épuisement de ses deux mandats constitutionnels. Les mauvaises langues ont aussitôt indiqué que Joseph Kabila évoquait les lobbys miniers sur la question de la réforme minière pour laquelle il est en bras de fer avec des multinationales.

Mais les relations houleuses avec la Belgique sont peut-être une piste. Sur fonds de tensions politico-diplomatiques, Kinshasa avait envisagé de fermer l'agence de coopération Enabel et de limiter la fréquence des vols de Brussels Airlines. L'apostrophe de Joseph Kabila s'adresse sans doute également, à la Suisse et à l'Union européenne qui ont pris des sanctions contre des hauts dignitaires.

Le point d'orgue de la tension est atteint avec l'ONU, ses agences et les ONG internationales notamment sur les Kasaï, la levée de fonds pour la crise humanitaire dans le pays. Il n'est pas aussi à exclure que Joseph Kabila pointe du doigt les pressions américaines mais aussi ce plan -secret?- d'Emmanuel Macron qui avec l'Angolais Joao Lourenço et le Rwandais Paul Kagamé, privilégierait une solution sous l'égide de l'UA pour régler la crise politique congolaise.

La technique n'est pas nouvelle. Plusieurs de ses homologues sur le Continent avant lui ont joué la carte de la «main étrangère» qui tenterait de déstabiliser le pays. Une position commode destinée à faire planer sur la RDC une menace réelle ou fantasmée qui obligerait le pays à faire bloc derrière lui pour un Congo plus fort et plus indépendant. Néanmoins cela fera oublier l'essentiel: l'alternance démocratique.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaire 1
à écrit le 20/07/2018 à 1:41
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L'article présente des inexactitudes notamment le mémorandum qui a été signé avec le Congo Brazza et non la RDC.

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