Un «dossier vide» ! A la sortie de cette audience du 13 juin, Me Pierre Olivier Sûr, l'avocat de François Compaoré exulte presque de cette demi-victoire. Peut-être un peu trop vite puisqu'il ne s'agit que d'un renvoi. « S'il n'y avait rien dans le dossier, la chambre d'instruction aurait tout simplement rejeté la demande d'extradition», réplique Me Anta Guissé, l'avocat de l'Etat burkinabé. Rien n'y fait dans le camp de la défense : on préfère surfer sur la vague de l'absence de preuves.
Nouveau rendez-vous judiciaire pour l'extradition de «petit président»
«Le parquet a été convaincu par nos arguments, puisque le Parquet l'avait dit aussi. Il avait demandé un complément d'informations. Cela veut dire que le Burkina Faso, depuis un an maintenant que cette procédure a commencé, n'a pas été en mesure de nous adresser les pièces matérielles qui peuvent corroborer les accusations portées contre François Compaoré», a réagi le conseil de «petit président», le surnom que les Burkinabè flanquent au frère de Blaise Compaoré.
Ce mercredi 13 juin 2018, la Chambre d'instruction de la Cour d'Appel de Paris a joué la carte de la prudence. En attendant d'avoir plus d'informations fournies par la justice burkinabè, elle a renvoyé sa décision au 3 octobre sur la demande d'extradition de François Compaoré pour y répondre dans l'enquête sur l'assassinat en 1998 du journaliste Norbert Zongo.
En attendant, Ouagadougou qui avait émis le mandat d'arrêt qui a valu au frère de l'ex-président son arrestation le 29 octobre à Paris, puis son placement sous contrôle judiciaire, devrait mettre à profit les trois mois qui le séparent de la prochaine audience pour fournir des pièces convaincantes au «dossier Zongo». Sans quoi, la justice française pourrait rejeter la demande d'extradition ou prononcer un autre renvoi.
«Anomalies» d'un dossier vide?
Au milieu du prétoire, une question : la justice burkinabè a-t-elle rouvert le dossier de l'assassinat du journaliste sur des feuilles vierges, sans faisceau de présomptions suffisamment graves pour envoyer « petit président» devant la justice ? Avec cette navette entre les juridictions française et burkinabè, l'on serait bien tenté de répondre par l'affirmative.
Curieusement, dans sa déclaration aux micros des journalistes ameutés autour de lui à la sortie de l'audience, ce n'est pas l'innocence de son client que Me Olivier Sur est venu clamer. La robe noire a servi une plaidoirie sur une absence de preuves par la justice burkinabè. L'avocat s'est même permis de mettre en garde la Chambre d'instruction contre un risque de fabrication de preuves qu'encourrait son client.
Et c'est par des «anomalies» dont raffolent les avocats que des procès très attendus par les familles de victimes sont dépouillés du «besoin d'explication» de ceux qui vivent avec le deuil perpétuel de l'être perdu. Le temps presse, la justice burkinabè le sait, pour verser les pièces demandées par son homologue française. Il y va de sa crédibilité, mais aussi du besoin des familles que François Compaoré vienne dire sa part de vérité. Après tout, la justice est-elle autre chose que cela ?
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