Procès Khalifa Sall : les enjeux du fond du dossier de la Caisse d'avance de la mairie de Dakar

Après deux renvois alimentés par la politisation de l’affaire et la batterie de recours du collège d’avocats, le procès de Khalifa Sall s’ouvre au Palais de la Justice de Dakar, dans l’incertitude. Avec deux procédures parallèles, le juge Malick Lamotte aura du mal à écarter la possibilité d’un nouveau report de ce procès qui s’éternise, sans entrer dans le fond du dossier de détournements de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Page Facebook Khalifa Ababacar Sall)

Jusque-là, le fond du dossier n'a pas encore été débattu. La multiplication des recours et des exceptions de nullité soulevées ont finalement abouti à l'éternisation d'un procès qui s'annonce désormais marathonien. Réputé rigoureux et pragmatique, le juge Malick Lamotte, qui écartait déjà la possibilité d'un nouveau report après ceux du 14 décembre et du 3 janvier, va-t-il forcer la voie à une plongée dans le fond de l'affaire de la Caisse d'avance ?

Des écueils qui plombent un procès marathonien

Pour l'heure rien n'est moins sûr. Moustapha Niasse, président de l'Assemblée nationale ; Ousmane Tanor Dieng, président du Parti socialiste et grand allié de Macky Sall ; Amadou Bâ, ministre des Finances ou encore Birima Mangara, son collègue au Budget. Rien que la qualité de ces hauts dignitaires de l'Etat, que la défense veut attraire à la barre en tant que témoins, ainsi que les autorisations pour les entendre pourraient paralyser la procédure. Sur la liste contestée des 70 témoins cités par la défense, le juge les enjoint à n'en choisir que 20.

Un autre écueil est à ajouter sur la liste des éléments de rallonge dans le procès de l'édile de la capitale, incarcéré depuis 7 mars 2017 sur des soupçons de détournements de 1,8 milliard de Fcfa de la Caisse municipale. Dans une délibération datant du 15 janvier, la mairie de Dakar a décidé de se constituer partie civile avec le trublion Me El Hadj Diouf comme avocat. Une requête contestée par les avocats de l'Etat sur la foi d'une décision préfectorale annulant la délibération de la mairie de se constituer partie civile. Mais le juge la met dans le panier des débats de fond.

Le dernier espoir de Khalifa Sall de faire annuler la procédure qui pend sur sa tête se trouve peut-être à Abuja au Nigéria : la défense a saisi la Cour de justice de la CEDEAO pour y dénoncer des violations récurrentes de ses droits, notamment sa «détention arbitraire». Le verdict de cette Cour sous-régionale, fixé au 30 janvier, pourrait être déterminant pour la suite. Mais l'enjeu du moment est ailleurs.

Après la bataille politico-médiatique, le fer judiciaire

Après une bataille politique et médiatique avec en toile de fond les législatives 2017, la défense de Khalifa Sall devrait désormais croiser le fer judiciaire avec les avocats de l'Etat. Pour celui que beaucoup désignent comme le chef naturel de l'opposition, effacer la tache de la mauvaise gestion de son boubou blanc immaculé est devenu un enjeu crucial.

En 2019, le Sénégal s'achemine déjà vers une présidentielle dans laquelle Macky Sall, qui joue sa réélection, semble avoir déjà pris de l'avance sur une opposition perdue dans des querelles de leadership et -peut-être même- de crédibilité. Si Khalifa Sall nourrit l'ambition de faire son entrée au Palais du Plateau, le premier exercice est de démontrer son innocence sur ce que certains appellent ironiquement le «procès du riz et du mil».

Dans un procès observé de partout dans le monde, personne n'est dupe sur les violations des droits et cet empressement de l'Etat à porter la charge finale. Dans la balance de la justice, le Sénégal, longtemps présenté comme une «vitrine démocratique» en Afrique de l'Ouest, joue aussi sa réputation. Macky Sall la braderait-elle pour le procès expéditif d'un futur rival politique. Il faudrait aller dans le fond du dossier pour le savoir.

Ibrahima Bayo Jr.

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