Kenya : la visite officielle du président Kenyatta à Paris relance les commandes françaises

Du 30 septembre au 2 octobre, Uhuru Kenyatta, le président du Kenya, a profité de sa visite officielle à Paris pour défendre la candidature d'Amina Mohamed à la tête de l'OMC et pour rencontrer le fleuron des entreprises françaises. Cette visite officielle s'est conclue par un carton plein pour les capitaines d'industrie français, avec plus de 2 milliards d'euros de contrats signés qui serviront à renforcer les infrastructures kényanes...
(Crédits : State House Kenya)

Le 1er octobre, BIG Inno Generation 2020 organisé par BPIfrance, réunissait les poids lourds de l'entrepreneuriat français à l'Accor Arena de Paris Bercy, pour sa 6e édition. Emmanuel Macron avait fait le déplacement aux côtés du président kenyan, Uhuru Kenyatta, en visite officielle à Paris. En dépit de la pandémie de Covid-19, la délégation kenyane était venue nombreuse. Plusieurs entrepreneurs kenyans s'étaient déplacés à Paris, mais aussi Ukur Yatani, le ministre des Finances, Betty Mainan, la ministre de l'Industrie et du Développement des entreprises, James Macharia, le ministre des Transports et du développement des Infrastructures, Raychelle Omamo, la ministre des Affaires étrangères ou encore Richard Ngatia, le président de la Chambre de commerce et d'industrie du Kenya (KNCCI), Moses Ikiara, le directeur de KenInvest et Kiprono Kittony, le président de Nairobi Securities Exchange.

« Monsieur le président, vous dirigez un pays magnifique que je suis le premier président français à avoir visité, ce qui est fou » (« crazy » en anglais dans le texte), a introduit Emmanuel Macron, sous le regard amusé de son homologue kenyan. En effet, si le pays des safaris représente l'un des principaux moteurs économiques d'Afrique de l'Est, la présence française y reste périphérique avec une centaine d'entreprises présentes, tout au plus.

En dépit du coronavirus, la croissance kenyane devrait se stabiliser autour de 2,6% cette année, selon le ministre des Finances du Kenya, offrant encore de belles perspectives post-Covid-19 aux entrepreneurs français. « Nous devons comprendre que le monde ne peut s'arrêter (avec la Covid-19), the show must continue ! C'est, une guerre mondiale et nous ne pouvons gagner qu'ensemble », a déclaré le président Kenyatta. Il faut dire que depuis l'arrivée de la pandémie, le Kenya a pris une série de mesures qui ont sévèrement impacté l'économie nationale. Le tourisme qui représente la 2e source d'entrée de devises, est en chute libre, tout comme nombre de secteurs associés, encore paralysés par la crise sanitaire. Cet état de fait n'entame pas pour autant, l'enthousiasme du président kenyan, qui parie sur la jeunesse du continent pour relever l'économie, sitôt le défi sanitaire maitrisé...

Reprise : Kenyatta mise sur la jeunesse africaine

« Nous ne regardons pas le vrai potentiel de l'Afrique (...) ce sont nos jeunes hommes et nos jeunes femmes et leur capacité à construire avec vous, un monde meilleur », a déclaré le président kenyan. « Demandez-vous pourquoi tous ces jeunes risquent leur vie pour traverser des milliers de kilomètres ? », a-t-il interrogé, considérant que le problème migratoire ne disparaîtra pas sans le rétablissement de « la paix et de la sécurité » ni sans la création « de vraies opportunités professionnelles » sur le continent.

Le pays des Massai attire en effet, de nombreux migrants économiques, mais aussi des centaines de milliers de réfugiés fuyant l'insécurité. Aux prises avec la menace terroriste Al- Chabab, le Kenya abrite 270 000 personnes au sein du célèbre camp de Dadaab (selon Care France), situé à la frontière somalienne et peuplé à 94% de Somaliens. En février 2019, peu après l'attentat du complexe hôtelier Dusit de Nairobi, le gouvernement avait demandé la fermeture de Dadaab au Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations unies (UNHCR), mais à ce jour, le camp tient encore debout, tout comme celui de Kakuma (au nord-ouest du Kenya, non loin de la frontière sud-soudanaise), qui abrite près de 194 000 personnes.

Créer des opportunités pour la jeunesse africaine dans le cadre d'une relation « win-win », tel est le défi à relever selon Uhuru Kenyatta, et les opportunités liées aux besoins des Kenyans ne manquent pas, « de la brosse à dents à la voiture », a illustré non sans humour le président kenyan, au Cercle de l'Union Interalliée le 2 octobre, à l'occasion d'une rencontre organisée par le Medef International. Tech, mobile money, manufacturing sont quelques-uns des secteurs plébiscités par le Chef d'Etat kenyan face aux grands patrons français réunis pour un déjeuner en présence de Franck Riester, le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l'Attractivité. Le président Kenyatta a profité de cette rencontre pour revenir sur le nécessaire renforcement des infrastructures kenyanes : un appel qui semble avoir été entendu...

Plus de 2 milliards d'euros de contrats pour les entreprises françaises

« En Occident vous avez déjà toutes les infrastructures qu'il vous faut ! Vous n'allez pas construire encore de nouvelles routes en France, mais nous [...] nous en avons besoin à cause de notre gigantesque trafic », a ironisé le président kenyan. Il faut dire que ces écueils infrastructurels ont un coût. Chaque année, près de 1 milliard de dollars de productivité s'évapore sur les routes congestionnées de Nairobi, selon l'Autorité des transports de la région métropolitaine de la capitale kényane.

Au cours de cette visite officielle, 3 contrats d'un montant de 2,15 milliards d'euros ont été signés, pour participer au renforcement des infrastructures kenyanes. Le président Kenyatta s'est réjoui du contrat de 1,3 milliard d'euros signé avec le consortium Meridiam-Vinci, pour une concession de 30 ans relative à la construction de l'autoroute Nairobi-Nakuru-Mau Summit. Cet axe est particulièrement emprunté par les camions chargés de marchandises importées depuis le port de Mombasa, et destinées aux pays frontaliers et enclavés tels que le Soudan du Sud, le Rwanda, le Burundi ou l'Ouganda. C'est le « plus important Partenariat-Public-Privé (PPP) en Afrique de l'Est », a précisé la présidence française.

Le second contrat concerne un prêt du Trésor de 128 millions d'euros pour prolonger la ligne 4 du métro de Nairobi entre l'aéroport et le centre de la ville de la capitale (consortium réunissant Egis, Thalès, STOA, Alstom, Vinci et Transdev). Enfin, le 3e contrat d'un montant de 62,5 millions d'euros est destiné au raccordement de la centrale géothermique de Menengai au réseau de distribution électrique national, via le consortium réunissant General Electric, Alstom, Larsen & Toubro Ltd.

De nouveaux accords avec l'Agence française de développement (AFD)

La « tournée française » de Kenyatta ne s'est pas arrêtée là. En effet, le 2 octobre, le Kenya a signé une convention de financement relative à un projet de routes rurales en terres arides et semi-arides (ASAL). Cette initiative devrait permettre de désenclaver les zones rurales du nord du pays. Le projet est financé par un prêt concessionnel de 60 millions d'euros de l'Agence française de développement (AFD) et par une subvention de 30 millions d'euros de l'Union européenne (UE).

Plusieurs accords de financement ont également été signés dans le cadre du Lake Victoria Water and Sanitation Project (LVWATSAN), un projet visant à améliorer l'accès à l'eau et à l'assainissement à Kisumu, le 3e pôle urbain du Kenya. La signature de ces accords permettra la mise en œuvre du LVWATSAN, financé par un prêt concessionnel de 20 millions d'euros de l'AFD, par un prêt concessionnel de 35 millions d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI) et par une subvention de 5 millions d'euros de l'UE. De son côté, le gouvernement kenyan apportera un financement additionnel de 10 millions d'euros à ce projet piloté par la Lake Victoria South Water Works Development Agency (LVSWWDA).

Parallèlement, l'AFD a accordé via Proparco, un prêt de 100 millions de dollars à Equity Bank pour soutenir les PME kenyanes et les projets à co-bénéfice climat (20 millions de dollars leur seront consacrés). Ce projet permettra de soutenir près de 240 TPE et PME et plus de 5 000 emplois directs et indirects au cours des prochaines années, selon l'AFD. Enfin, un prêt concessionnel de 30 millions d'euros, destiné à soutenir la réponse d'urgence du Kenya face à la pandémie de Covid-19 a été conclu.

Au total, ce sont quatre conventions de financement en soutien à la réponse d'urgence sanitaire, au désenclavement des zones rurales, aux transports publics et à l'accès à l'eau et l'assainissement au Kenya, d'un montant de 142 millions d'euros, qui ont été signées à Paris par Ukur Yatani, ministre des Finances du Kenya, Rémy Rioux, directeur général de l'AFD et Grégoire Chauvière Le Drian, représentant du groupe BEI en France.

Un prochain Sommet pour financer l'économie africaine

Partant du principe que « le futur de la France sur le continent africain ne découle pas forcément de son histoire, mais des potentiels qui existent en Afrique, en vue d'une prospérité partagée », le président Kenyatta a invité les entrepreneurs français à investir davantage au Kenya. Selon la Direction générale du Trésor, ce pays reste « un partenaire commercial marginal » pour la France, car il n'est que son 14e fournisseur et son 16e client, en dépit d'une évolution sensible depuis près d'une décennie. Afin de renforcer les partenariats entre Paris et Nairobi, le président Macron appelle à « redéfinir les règles du financement de l'économie africaine », à partir d'un cadre « assaini, beaucoup plus clair, beaucoup plus équitable » tandis que le président du Kenya a rassuré le patronat français, promettant : « Nous ferons tout pour vous faciliter les choses [...] Kenya is open for business ! ».

Afin de concurrencer le géant chinois, principal pourvoyeur de fonds pour financer les infrastructures kenyanes (et africaines), Emmanuel Macron avance des financements « responsables ». « Pourquoi pendant des années, un pays comme le Kenya s'est-il tourné beaucoup vers la Chine? Parce que la Chine apportait des financements clef en main et des financements ultra-compétitifs, car ils ne respectent pas les règles de l'OCDE », a lancé le président français qui, organisant la riposte, a annoncé la tenue d'un Sommet au printemps prochain, pour « redéfinir ensemble les règles du financement de l'économie africaine - (et pour disposer des) - mêmes règles du jeu, qui soient soutenables pour le continent africain »...

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Commentaire 1
à écrit le 06/10/2020 à 13:51
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Allez Manu, prochaine étape, le Costa Rica ! ^^ Au moins on rigole hein...

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