L’or, manne cachée du Sud-Soudan

Fragilisé par la guerre civile, le gouvernement sud-soudanais doit maintenant faire face au pillage et exportations illégales en or. Un trafic qui démarre dans la région d’Equatoria d’où est exportée entre 40 et 50 kg d’or par mois. Une manne qui échappe au contrôle de Juba, alors que le pays devrait connaitre une contraction économique de 3,5% et une ’inflation à plus de 300%. Une conjoncture qui devrait pousser le gouvernement sud-soudanais à reprendre militairement le contrôle des zones aurifères.
Amine Ater

Le Soudan Sud reste à ce jour un foyer d'instabilité, malgré la paix précaire qui y règne aujourd'hui. Le pays n'arrive toujours pas à faire fructifier la richesse que recèle son sous-sol. Une manne qui a longtemps été réduite aux gisements de pétrole et aux retombées que les affrontements avaient sur les unités d'extraction. Il n'empêche que les sous-sols sud-soudanais comptent également des réserves en minerais dont l'exploitation reste encore artisanale.

Une production discrète

Une production dont l'importance et le poids économique ne fait que se renforcer avec la montée de l'inflation et l'effondrement de la monnaie sud-soudanaise. Une conjoncture qui fait de l'or une monnaie d'échange très prisée en temps de guerre. Preuve en est, la recrudescence des affrontements en 2016 dans la région d'Equatoria (Sud) qui concentre des dépôts importants en or.

Cette région connaît ainsi une effervescence minière dont le contrôle échappe à Juba et qui est marquée par une production artisanale de l'or. Une situation qui occulte le poids de l'exploitation de l'or dans les comptes officiels du pays où l'on ne retrouve que les bénéfices pétroliers. En effet, le pays n'a toujours pas enregistré officiellement d'exportation en or. Il n'empêche que l'Equator Gold Holding (basé à Jersey) qualifie le Sud-Soudan comme « la destination d'exploration la plus prometteuse au monde ». L'entreprise compte par ailleurs, un projet dans la région dont les gisements pourraient contenir plusieurs millions d'onces en dépôts d'ors.

Premières exportations à venir

D'ailleurs, les premières exportations officielles en or devraient débuter dès septembre prochain grâce à Dove Mining of Thailand et l'entreprise panaméenne 4MB. Ces opérateurs comptent engranger 500 millions de dollars via leurs premières expéditions annuelles, et devront verser 55% des bénéficies au gouvernement et aux administrations locales. Des rentrées en devises qui devraient permettre à Juba de garder sa trésorerie à flot, alors que la production brute de pétrole devrait se réduire.

Une baisse qui s'ajoute aux effets de la contraction des cours internationaux du pétrole. Ce qui devrait entraîner une contraction de l'économie sud-soudanaise de 3,5%, après la baisse de 13,8% enregistrée en 2016. L'inflation a de son côté explosé atteignant 334% en mai dernier. Juba doit également faire face à la famine au Nord du pays qui devrait s'aggraver après les mauvaises récoltes et la hausse des coûts des produits alimentaires.

Marché noir

En attendant le début des exportations officielles, l'or sud-soudanais transite déjà via les filières parallèles vers d'autres pays. L'association anglaise, Global Witness a en juin dernier alerté sur l'augmentation significative du commerce de l'or sud-soudanais. Un flux dont la plaque tournante serait l'Ouganda, un pays d'où transite également les minéraux extraient illégalement en RDC. En effet, ce petit pays d'Afrique de l'Est est régulièrement accusé de faciliter la réexportation de minerais de guerre vers les marchés internationaux.

Selon la banque centrale sud-soudanaise, près de 200 revendeurs d'ors extrait illégalement ont été recensés dans la région d'Equatoria en mars dernier, pour des expéditions évaluées entre 40 et 50 kg par mois. Une production où se mêlent commerçant et seigneurs de guerre sud-soudanais ou encore des trafiquants chinois, kényans et ougandais. Une situation qui pourrait donner lieu à un nouveau foyer d'instabilité pour Juba qui cherche également à reprendre le contrôle de la zone vu le potentiel économique à court terme qu'elle représente.

Amine Ater

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