Maroc : à Jerada, le gouvernement tente de contenir la fronde sociale

Le gouvernement marocain, représenté par le ministre de l'Energie et des mines, a entamé un dialogue avec les manifestants de la ville Jerada qui connait depuis deux semaines d'importants mouvements de protestation sociale. Les populations locales revendiquent l’amélioration de leurs conditions de vie ainsi que des alternatives socio économiques pour faire face au chômage et la pauvreté endémiques qui sévissent dans la région depuis la fermeture des principales mines de Charbon de la ville à l'aube des années 2000.
Depuis deux semaines, la ville de Jerada qui était jadis l'un des fleurons de l'industrie minière du royaume, vit au rythme de mouvements de protestation quasi-quotidien.
Depuis deux semaines, la ville de Jerada qui était jadis l'un des fleurons de l'industrie minière du royaume, vit au rythme de mouvements de protestation quasi-quotidien. (Crédits : Reuters)

Comme l'année dernière avec le Hirak du Rif, le Maroc connait depuis près de deux semaines, un nouveau mouvement de protestations sociales à Jerada, une ville du nord-est du pays, dans la région de l'oriental. Les manifestations ont commencé après la mort, le 22 décembre dernier, de deux jeunes ouvriers submergés par les eaux dans une mine clandestine de charbon. Depuis, la ville qui était jadis un des fleurons de l'industrie minière du royaume, vit au rythme de mouvements de protestation quasi-quotidien qu'accompagnent des « vendredi de colère », « des marches du pain noir »,  des sit-in et des grèves qui sont largement  suivis par la population.

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Dès les premiers jours de la contestation et alors que la mobilisation prenait de l'ampleur, le gouvernement dirigé par Saad Eddine El Othmani s'est dit prêt à étudier les voies et moyens permettant de répondre à leurs doléances. Après les premiers contacts avec les autorités régionales et les élus locaux, le gouvernement a décidé d'envoyer une délégation conduite par Abdel Aziz Rabah, le ministre des Mines, de l'énergie et du développement durable. Accompagné de plusieurs responsables d'administrations et offices publics, le ministre Rabbah a rencontré les principaux acteurs du mouvement, les responsables politiques et syndicaux ainsi que des représentants d'ONG et de la société civile.

L'objectif de cette mission gouvernementale qui devrait durer deux journées, est de réfléchir avec les contestataires sur les voies et moyens d'offrir à la population de la région, notamment les jeunes, « des perspectives économiques », leur principale revendication. Le mouvement, largement relayé sur les réseaux sociaux, s'est étendu à plusieurs localités avoisinantes avec comme slogan : « égalité sociale, travail et dignité »

Inégalités sociales et territoriales

Jusqu'à présent et en dépit d'une forte présence des forces de sécurité, les manifestations se déroulent dans un calme relatif. Pour le gouvernement, l'idéal est de trouver des réponses concrètes et urgentes afin que le mouvement ne s'étende pas à d'autres régions ou ne déborde comme ce fût le cas avec les événements d'Al Hoceima de l'année dernière dans le Rif.

Le gouvernement a déjà annoncé plusieurs mesures s'inscrivant dans le sens d'un apaisement. « Le gouvernement est préoccupé par ce qui se passe et essaye d'accélérer le travail sur plusieurs projets en court pour la ville » a ainsi réagit le porte-parole du gouvernement Mustapha El Khalfi aux premiers jours de la fronde, ce qui n'a pas atténué l'ampleur de la contestation. Interpellé au Parlement mardi dernier, le ministre Abdelaziz Rabbah a annoncé la création dans les semaines à venir de quelques 400 postes d'emplois supplémentaires pour la population locale dans le cadre du projet d'extension de la centrale thermique de Jerada. « Nous allons demander à la société d'exploitation d'augmenter ce nombre à 800 postes » a même surenchérit le ministre des Mines et de l'Energie qui doit rencontrer ce jeudi et en plus des élus locaux, un comité mis en place par les manifestants et qui a été chargé d'établir une liste des principales revendications qui sera soumise aux autorités. « C'est un message adressé à la population de la région pour créer des postes d'emplois pour les jeunes. Malgré la fermeture de la mine, l'Etat a décidé de maintenir les investissements énergétiques comme moyen de préserver la place de la province dans la carte de la production » a mis en avant le ministre.

Alternatives économiques

Avec ces annonces, le gouvernement entend répondre aux doléances prioritaires des jeunes locaux en attendant d'accélérer la mise en œuvre de plusieurs projets de développement socio économique au profit de la région. La région de l'Oriental est l'une des plus pauvres du Maroc selon les statistiques officielles et les inégalités sociales et territoriales se sont accentuées avec la fermeture de la principale mine de charbon de Jerada à l'aube années 2000. La population se sent marginalisée et exclue des programmes du développement du Maroc et confrontée à un niveau de chômage des plus élevés du pays. Les jeunes de la région n'ont d'autres choix que de se livrer à l'exploitation artisanale des anciennes mines avec tous les risques que cela comporte. Jusque-là, les autorités ont laissé faire au nom de la "paix sociale" malgré les dizaines de morts enregistrées ces dernières années avec les récurrents effondrements des sites.

La mort des deux jeunes frères le 22 décembre dernier a été le déclic pour la population qui tient ainsi à exprimer son ras-le-bol sur l'absence de réelles « alternatives économiques » pour la région. Il reste à attendre si les réponses du gouvernement vont permettre d'apaiser la tension. L'année dernière, le roi Mohammed VI a d'ailleurs dû taper du poing sur la table afin de revoir le modèle de développement du Maroc qui se fait au détriment des couches et régions défavorisées. A la suite de l'inspection qu'il a commandé auprès des services des ministres des Finances et de l'Intérieur ainsi qu'un rapport de la Cour de compte, Mohammed VI a décidé plusieurs sanctions qui se sont traduites par l'éviction de plusieurs ministres du gouvernement et des responsables d'administrations publiques pour des manquements relevés dans la mise en œuvre des projets de développement  destinés à faire de la région Rif un pôle économique et ainsi offrir de nouvelles opportunités à sa population. 

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De l'avis de plusieurs analystes, ce vent de contestation sociale met en exergue les limites du modèle de développement actuel du Maroc qui est loin d'être inclusif, ce qui nécessitera une nouvelle approche afin d'atténuer la persistance des inégalités sociales et territoriales et ainsi enrayer le risque d'une contagion de ces mouvements à d'autres régions qui vivent la même situation socio économique que celle du Rif ou de l'Oriental.

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Commentaire 1
à écrit le 05/01/2018 à 9:10
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Le seul mot d'ordre dans toutes les régions du Maroc est la première république marocaine. Le Makhzen le sait, pertinemment et, que peut faire devant ces manifestations de la faim ,de la soif ,de l'abri...Rien , si ce n'est de rembourser les milliard...

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