Nouvelles attaques à Ouagadougou : chronique d'une journée dans l'horreur

Quelques mois après l'attentat du restaurant Aziz Istanbul situé dans le centre-ville de la capitale burkinabè, qui avait fait 18 morts en août dernier, Ouagadougou est de nouveau frappée par des attaques meurtrières. Pour l'heure, aucune revendication n'a été faîte et le bilan provisoire qui fait état de 8 morts et de plusieurs dizaines de blessés, pourrait encore s'alourdir.
(Crédits : Hyppolite Sama)

Des tirs à l'arme lourde au cœur de la capitale

« Au moment où je terminais une opération bancaire à la Société Générale, juste en face de l'Etat-major, j'ai entendu des tirs en rafales. Il était dix heures et cinq minutes exactement. »

Il vérifie sur le reçu du guichet automatique. « Nous étions 3 personnes au rez-de-chaussée dont 3 clients et 1 vigile. Les fenêtres ont été soufflées d'un seul coup. On s'est jeté à terre. Les tirs ont continué pendant 20 minutes. On ne bougeait plus. Ensuite, des militaires sont entrés pour se réfugier dans la banque. Ils ont riposté. Ils étaient lourdement armés. On en a profité pour prendre une porte dérobée et pour s'enfuir en courant », explique Belibi Neya, médecin à l'hôpital pédiatrique Charles de Gaulle de Ouagadougou, dont nous avons recueilli le témoignage à quelques centaines de mètres des évènements, dans la cour de la cathédrale quelques minutes plus tard.

A 10h05, l'Etat-major général de l'armée burkinabè, situé au cœur de la capitale des hommes intègres a été la cible d'une nouvelle attaque terroriste. Peu après, c'est l'Ambassade de France qui est frappée.

Alors que nous arrivons dans le centre-ville, les habitants fuient en courant ou sur leurs mobylettes, à toute allure.

12h15, un homme est arrêté sous nos yeux, dans la cour de la cathédrale par trois policiers sous les regards inquiets des passants... Quelques dizaines de Burkinabés, réfugiés à l'intérieur de l'église multiplient les prières.

Jusqu'à 15 heures, la ville est plongée dans la plus grande confusion. Des informations contradictoires circulent et les habitants ignorent s'il s'agit d'un coup d'Etat, quelques jours seulement après l'ouverture du procès de Diendéré, ou d'une attaque terroriste.

« Nous invitons la population à la sérénité »

« Les assaillants ont fait usage d'un véhicule bourré d'explosifs dont la charge était suffisamment forte pour occasionner de graves destructions » déclare finalement Clément Sawadogo, le ministre de la Sécurité en conférence de presse à 19 heures, au Théâtre National Koamba Lankoande de Ouagadougou.

Selon le bilan provisoire du Gouvernement, les forces de défense et de sécurité burkinabè déplorent 8 morts sur les deux sites. On compte cette nuit, plus de 80 blessés, pris en charge au sein d'un poste avancé mis en place par l'armée, dans le stade municipal où les ministres de la Sécurité et de la Défense se sont rendus vers 15 heures, mais aussi dans les hôpitaux de la ville. Les 8 personnes décédées sont membres des forces de l'ordre burkinabè.

Le ministre de la sécurité a déclaré qu'il y aurait une douzaine de blessés graves dont 3 dans un état critique. Le bilan aurait pu être encore plus lourd si la réunion relative au G5 Sahel, prévue à l'Etat-major ce jour là, n'avait pas été déplacée dans une salle voisine à celle initialement prévue, qui a été détruite par l'explosion...

« Les assaillants ont été neutralisés. Ceux qui ont attaqué l'Ambassade de France, ont été abattus (...) et ceux qui ont attaqué l'Etat-major général ont aussi été maitrisés (...) Au total, on a dénombré 8 cadavres d'assaillants (...) Depuis environ 15 heures, la situation a été maîtrisée et les opérations sont terminées » a poursuivi Clément Sawadogo. Si le ministre affirme qu'il y a un retour à la sécurité dans la capitale burkinabè, il précise néanmoins : « Les enquêtes sont ouvertes et s'attèlent à rechercher tout indice permettant d'identifier entièrement ces assaillants (...) Nous appelons la population à poursuivre sa coopération avec les forces de défense et de sécurité. »

Le ministre a appelé les habitants de la capitale à prendre des précautions de sécurité, en particulier pendant la nuit.

Ouagadougou, « ville morte »

Peu après 10 heures vendredi matin, sous une chaleur accablante, une épaisse fumée noire se dégage de l'Etat-major, visible à plusieurs kilomètres de l'attaque. Dès 10h20, l'accès au centre-ville est bouclé et la police disperse les habitants. Le son des tirs, depuis le quartier du Marché de la Cité An II, provoquent la psychose des populations, sommées de se disperser, par la police.

Un photographe burkinabè présent sur les lieux quelques minutes seulement après l'explosion nous a confié interloqué : « Je n'ai pas vu les forces de sécurité avant de longues minutes (...) Ce n'est qu'aux alentours de 11 heures que j'ai vu arriver l'armée. »

A partir de 10h30, les axes situés aux alentours de l'Etat-major et de l'Ambassade de France sont bloqués. La capitale est désertée par les habitants. Les stations-essence sont fermées et les magasins ont baissé les rideaux. Cette nouvelle attaque terroriste aux pays des hommes intègres a immédiatement paralysé la capitale.

Vendredi soir, le risque semble écarté néanmoins « les arrestations pourraient s'opérer à tout moment, pour y voir plus clair et pour situer les responsabilités », a déclaré le ministre de la sécurité qui ne peut confirmer le nombre d'interpellations à l'heure actuelle.

Cette nuit, la ville est anormalement silencieuse, entrecoupée parles bruits des hélicoptères de l'armée...

Les attentats n'ont toujours pas été revendiqués. Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré a déploré dans un communiqué une « attaque lâche et barbare contre notre pays et notre peuple ».

De nombreux Burkinabè s'interrogent déjà sur les complicités présumés des assaillants, concernant l'attaque de l'Etat-major : « Comment la voiture piégée a-t-elle pu pénétrer dans cet établissement ? Comment les assaillants se sont-ils procuré les uniformes militaires ? », peut-on entendre ça et là.

Ce samedi Paul Kaba Thiéba, le Premier ministre devrait se rendre sur les lieux des attaques et rencontrer les victimes.

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