LegalTech : pourquoi LegalStart et LegAfrik mettent, ensemble, le cap sur le Maroc

Accompagner les entrepreneurs marocains qui souhaitent se lancer en France, épauler les Subsahariens qui regardent les marchés marocain et hexagonien… le nouveau rapprochement entre LegalStart et Legafrik - deux acteurs majeurs du droit en ligne en France et en Afrique - qui posent le pied au Maroc, est une étape vers un positionnent plus continental. Mais il est aussi et surtout question de démystifier l’acte d’entreprendre des deux côtés de la rive méditerranéenne. Interview croisée avec Youssouf Ballo, cofondateur et CEO de Legafrik et Pierre Aïdan, cofondateur de Legalstart.
Ristel Tchounand
(Crédits : DR/LTA)

LA TRIBUNE AFRIQUE- Leader africain de la création digitale d'entreprise, Legafrik se lance au Maroc avec le soutien de son partenaire depuis quelques années Legalstart - première legaltech en France - qui ouvre un guichet pour les entrepreneurs marocains souhaitant se lancer sur le marché hexagonien. Alors que vous étiez jusque-là axé sur la zone OHADA*, qu'est-ce qui motive cet intérêt pour le royaume chérifien ?

YOUSSOUF BALLO - Le constat est tout simple. Aujourd'hui, le Maroc est un important partenaire économique de plusieurs pays en Afrique de l'Ouest dont la Côte d'Ivoire et le Sénégal. En termes d'investissement, le Maroc est le premier investisseur en Afrique de l'Ouest et le deuxième investisseur africain sur le continent après l'Afrique du Sud. Il y a donc de plus en plus d'échanges commerciaux entre le Maroc et le reste du continent. Nous avons constaté que nous sommes de plus en plus sollicités par des entrepreneurs marocains qui veulent être accompagnés en Côte d'Ivoire, au Sénégal ou dans d'autres pays de la sous-région. Dans l'autre sens - c'est vrai qu'on n'en parle pas beaucoup - des entrepreneurs au sud du Sahara veulent faire de Casablanca leur hub régional, en raison du positionnement géographique stratégique du royaume, proche de l'Europe et du dynamisme de son marché. Le Maroc compte près de 100.000 créations d'entreprises en 2022, c'est certes moins que le million de création d'entreprises en France, mais beaucoup plus important que les 50.000 créations par an observées dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest dont la Côte d'Ivoire.

Les besoins d'accompagnement s'expriment donc dans les deux sens. Pour nous, il était temps de saisir cette opportunité. Notre activité au Maroc permettra aussi et surtout à la diaspora marocaine, qui est très importante en France, en Espagne, au Portugal et d'autres pays d'Europe de pouvoir enfin facilement entreprendre la démarche. Ce qui est également intéressant dans notre démarche au Maroc, c'est d'inciter les Marocains qui veulent monter des entreprises en France de pouvoir le faire avec notre partenaire Legalstart.

Dans cette nouvelle dynamique de partenariat avec Legalstart, nous construisons notre synergie sur la base de l'expérience acquise par chacune de nos structures sur leurs expertises respectives, mais aussi sur les acquis de notre partenariat en cours depuis cinq ans qui a permis à Legrafrik de s'imposer sur le marché du droit en ligne.

PIERRE AÏDAN - En tant que leader français de l'accompagnement des entrepreneurs sur la création, la gestion de la croissance de leurs entreprises, Legalstart a mis son expertise au service de 400.000 entrepreneurs depuis notre création en 2014.

L'accompagnement financier et stratégique que nous apportons à Legafrik depuis quelques années vient compléter cette offre en France. Ainsi, le lancement des services de Legafrik sur le territoire marocain et en parallèle, la mise en place d'un guichet Maroc de Legalstart en France destiné à accompagner les entrepreneurs marocains qui souhaitent développer leur projet entrepreneurial sur le territoire français, ne sont que le prolongement de cette ambition commune.

Sachant qu'il y existe une forte communauté marocaine en France, que va représenter ce guichet dédié aux entrepreneurs dans le développement des liens économiques, déjà très importants entre le Maroc et la France ?


PIERRE AÏDAN. : En toute humilité, nous nous positionnons comme un accompagnateur. La création et la gestion d'entreprise en France n'est simple pour personne. En réalité, il y a un enchevêtrement de problématiques juridiques, fiscales, comptables, administratives sur lesquelles il faut naviguer. Ce qui n'est pas forcément évident pour un entrepreneur n'ayant pas un background sur ces sujets qui peuvent s'avérer complexes. Cette complexité est d'autant plus accrue lorsque l'entrepreneur vient de l'extérieur. Concernant les Marocains et les Subsahariens qui souhaitent entreprendre ou investir en France, il y a un certain nombre de dispositifs additionnels à respecter dont l'autorisation de séjour, l'autorisation de travail... Les conditions d'investissement peuvent être propres au pays d'origine de l'entrepreneur. Et ce dernier peut également être confronté à une complexité pratique, c'est-à-dire qu'au-delà de la dimension formelle, les pratiques des préfectures en France varient considérablement. L'accompagnement d'experts est donc nécessaire pour savoir vers quelle préfecture il faudrait s'orienter, en fonction de la zone d'investissement souhaitée. Il est aussi question d'adopter l'approche qui maximisera les chances d'obtenir un traitement de dossier dans un délai raisonnable... C'est donc toute cette expertise que nous mettons à la disposition des entrepreneurs marocains. Nous croyons que tout cela contribue à réduire les freins à l'entrepreneuriat et l'investissement, surtout pour ceux qui débutent en entrepreneuriat ou dans le développement d'entreprises déjà existantes.

Il y a cinq ans, alors que naissait votre partenariat, le marché du droit en ligne en Afrique francophone était encore balbutiant. En 2023, quel état des lieux faites-vous en termes d'évolution, notamment dans les pays où vous êtes implantés ?

YOUSSOUF BALLO : Le taux de pénétration d'internet sur le continent en 2018 était relativement faible. Aujourd'hui, les politiques mises en œuvre par les différents États africains ont favorisé une hausse exponentielle du taux de pénétration d'internet. Dans un pays comme la Côte d'Ivoire qui compte 30 millions d'habitants, il y aurait 60 millions de smartphones en circulation selon certaines statistiques. Cela montre clairement que la population est très connectée. Bref, tous les indicateurs le montrent, l'Afrique est aujourd'hui un continent hyperconnecté. Cela fait qu'en dépit de la faible bancarisation, les services comme le mobile money ou le mobile banking permettent aux utilisateurs d'accéder à des services financiers de base, grâce aux smartphones. L'amélioration de l'accessibilité d'internet permet par ricochet le développement assez rapide des services en ligne. Cinq ans après le lancement de notre partenariat initial, les entrepreneurs africains n'ont aucune réticence à entamer, suivre et gérer l'ensemble de leur démarche juridique en ligne. Et je pense que la tendance va s'accroître avec le déploiement de la fibre optique dans la plupart des grandes zones urbaines des pays de l'espace OHADA.

Après l'OHADA et au-delà du Maroc, quelles sont les perspectives de développement de votre partenariat sur le continent ? Le guichet dédié aux entrepreneurs marocains est-il le premier d'une série de guichets pour encourager l'arrivée sur le marché français d'entrepreneurs africains... ?


PIERRE AÏDAN : Certes, nous n'avons pas formalisé de guichet outre celui que nous lançons dédié au Maroc, mais dans le cadre de l'opération conjointe avec Legafrik, Legalstart réalise déjà des opérations spécifiques dont le volume est de plus en plus important. Nous avons à titre d'exemple plusieurs entrepreneurs algériens qui passent par notre service. Nous sommes équipés pour accompagner des entrepreneurs qui viennent de différents pays en Afrique, mais la mise en place de guichets dépendra des volumes des opérations.

YOUSSOUF BALLO : L'OHADA était pour nous le marché initial. Mais l'objectif aujourd'hui est de couvrir l'ensemble des principales économies du continent. En Afrique de l'Ouest francophone, nous avons le Sénégal et la Côte d'Ivoire. Du côté anglophone, nous avons le Ghana dont l'économie est assez dynamique, le Nigeria avec ses 200 millions d'habitants. En Afrique australe, nous avons l'Afrique du Sud qui fait partie des premières économies du continent. J'ai été récemment au Caire pour justement comprendre l'écosystème égyptien et les perspectives d'évolution du marché. A l'Est, des économies comme le Kenya se distinguent. D'ici les 5 prochaines années, notre vision est de devenir une sorte de guichet unique qui arrive à faire dialoguer les acteurs issus de toutes les parties du continent.  En fait, nous voulons anticiper ce qui est en train d'être mis en œuvre dans le cadre de la Zlecaf qui sera le plus grand marché de libre-échange régional au monde, soit près de 54 pays ayant un marché en commun. A termes, les marchés francophones voudront explorer les marchés anglophones, lesquels pourront se projeter sur les marchés au Maghreb et vice-versa.

Après l'OHADA, nous passons au Maroc. Des discussions sont en cours pour le Nigeria et je pense qu'en 2024, nous pourrons explorer d'autres pays comme l'Égypte et le Kenya, puis l'Afrique du Sud en 2025. Il  serait justement intéressant que les entrepreneurs de ces pays puissent aussi avoir l'opportunité -grâce au partenariat avec Legalstart de pouvoir créer et implanter des entreprises en France qui, je rappelle, est le premier pays européen en termes d'attractivité des créateurs d'entreprise et je pense que les entrepreneurs africains ne doivent pas rester en marge de cette opportunité.

* La zone OHADA regroupe 17 Etats dont le Bénin, le Sénégal, le Togo, les Comores, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée...

Ristel Tchounand

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Commentaire 1
à écrit le 26/06/2023 à 9:49
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Peut être faire un marché commun du Maghreb et de l'Afrique pour favoriser les échanges commerciaux ds ce continent, qui ne représentent moins de 20%, alors qu'en Europe ils sont a plus de 60%.

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