Togo  : quatre morts dans des affrontements et une sortie polémique du ministre de la Sécurité

Les autorités togolaises viennent de faire le bilan des incidents de ce 18 octobre. On dénombre quatre morts, plusieurs blessés et arrestations. Et alors que les Togolais sont décidés à encore sortir aujourd'hui pour faire fléchir le pouvoir, le ministre de la Sécurité n'a toujours pas d'explication convaincante sur la sortie des milices et sur les tueries.
Des manifestants ce matin du 19 octobre, dans les rues de la capitale togolaise, Lomé.

Désolation, amertume et consternation,... Les Togolais sont passés par toutes sortes d'états d'âme depuis ce mercredi 18 octobre 2017 à ce matin. La vie a disparu à moitié de la capitale. Les écoles sont restées pour la plupart fermées, les commerces aussi, alors que même certaines banques n'ont pas ouvert.

«Hier quand ça chauffait, ils sont sortis et sont rentrés. Vous savez qu'on brûle les banques, non ? Avec les milices là, c'est différent, tout le monde est en danger, même nous. S'ils restent et on les tue, on va faire quoi ? Même au guichet automatique, ce n'est pas ça», a rétorqué un militaire posté ce matin à l'entrée d'une banque à Lomé.

D'après le bilan officiel, communiqué par le ministre de la Sécurité, le colonel Damehame Yark, les manifestations et les répressions couplées aux exactions des milices ont eu de lourdes conséquences, notamment des décès. Face à la presse, le ministre a fait un état de quatre morts par balles (un à Lomé et trois à Sokodé), plusieurs blessés dans le rang des forces de l'ordre et de sécurité et des civils, dont vingt très graves, et une soixantaine d'interpellations à Lomé.

En ce qui concerne l'intérieur du pays, à Sokodé par exemple, Damehame Yark a confié -sans oublier les dégâts matériels- qu'un manifestant de l'opposition a été aperçu à Sokodé avec une kalachnikov et a ouvert le feu avant de s'enfuir dans la forêt de Kadanbara. «Je voulais au nom du gouvernement présenter nos condoléances aux familles de ces morts de trop. De ces morts provoquées par notre intransigeance et extrémisme. Il faut que les acteurs politiques se ressaisissent», a déclaré le colonel Yark qui défend son bilan en disant qu'il est de sources hospitalières.

Justement son bilan est différent de celui présenté par l'opposition et les organisations de la société civile. Brigitte Adjamagbo Johnson, coordinateur de la coalition de l'opposition et ses collaborateurs parlent de deux morts à Lomé dont un collégien. « A la fin de cette journée, le bilan que nous pouvons faire est lourd. Il y a eu deux morts que nous déplorons. Malheureusement encore une fois, parmi ces morts, il y a un enfant de 11 ans en classe de 6e, été abattu alors qu'il sortait de son école et se dirigeait certainement chez lui. Le deuxième décès, nous l'avons enregistré au carrefour bleu à Agoè (préfecture d'Agoè-Nyivé, 10 km du centre-ville, NDLR)», a confié Adjamagbo-Johnson avant d'ajouter :

«En dehors de ces morts, il y a 20 blessés graves qui reçoivent des soins et il y a 39 arrestations. Nous tenons en tout premier lieu à présenter nos condoléances et à souhaiter que les blessés puissent se rétablir dans les meilleurs délais».

Sa version a été confirmée par la Ligue togolaise des droits de l'homme (LTDH) et le Mouvement Martin Luther King (MMLK), deux organisations de la société civile qui ont dénoncé aussi d'autres cas de violence.

«Deux autres personnes blessées par balle aux noms de Eklouvi Kodjo 24 ans, tapissier de profession, demeurant à Dabadakondji, et Ello Housman 12 ans, élève au complexe scolaire la Polyvalence, ont été aussi admises dans le même hôpital. A 13h20, les militaires ont fait leurs entrées dans l'enceinte de l'hôpital et ont passé à tabac plusieurs personnes», a avancé la LTDH.

Le ministre s'explique sans convaincre

«Les explications du ministre de la Sécurité n'ont pas convaincu la presse. De là à convaincre les populations, je n'y crois pas», commente un journaliste proche du pouvoir qui a préféré garder l'anonymat. Le colonel Damehame Yark face à la presse a confié qu'il ignorait d'où sont venus les tirs.

«Nous ne connaissons pas encore d'où sont partis les tirs parce qu'aujourd'hui, je ne peux pas vous dire qu'il n y a que les forces de sécurité qui ont les armes», a déclaré le ministre.

Des propos qui sonnent comme une provocation pour plusieurs victimes des miliciens qui ont envahi depuis hier la capitale togolaise. Le ministre n'a pas manqué de s'en défendre, demandant du temps pour mener les investigations et situer les responsabilités.

Concernant les milices, des hommes en civil aperçus hier et ce matin encore à bord de pickups non immatriculés, armés de machettes, de gourdins, de matraques, de cordelettes, de chaînes de motos, de gros bâtons cloutés, ou encore pour certains, portant des armes et du gaz lacrymogène, le ministre n'a presque rien dit. Il a plutôt simplement esquivé la question et s'est contenté d'insister que le cas d'agents des forces de l'ordre et de sécurité, affectés à l'opération «Entonnoir» (anti-commerce de carburant frelaté), avant d'inviter les journalistes à abandonner l'appellation «milice».

Le ministre a aussi fait allusion à des éléments incontrôlés de part et d'autre, arguant que s'il faut appeler les hommes cagoulés des milices, alors il faudra utiliser les mêmes termes pour les jeunes qui «posent des barricades et brûlent des boutiques».

«Chacun de nous doit éviter des comportements du genre à amener les uns et les autres à se regrouper pour défendre leur quartier», a-t-il ajouté.

«L'opposition a monté les enchères»

Pour le ministre de la Sécurité, les opposants sont responsables de ces évènements sanglants. «Ils ont monté les enchères à un moment donné et aujourd'hui la réalité est là. Ils ont peur de dire à ces jeunes frères ce qui est possible», a-t-il déclaré. Selon lui, les leaders de l'opposition ont déjà fait sortir leurs familles du pays pendant qu'ils incitent d'autres enfants à affronter les forces de l'ordre et de sécurité occasionnant des blessés.

Les propos du ministre qui fait croire qu'il n'y avait pas de milice, mais plutôt des agents de l'opération «Entonnoir», auraient paru crédibles, si les hommes cagoulés en question n'avaient pas pu être identifiés.

Depuis hier soir déjà, des photos de certains d'entre eux, qui entre oubli et fatigue ont pu à un moment donné laisser tomber leurs cagoules, circulent en effet sur la Toile. Connus par le passé pour leurs exactions commises et comme ne faisant pas partie des forces de l'ordre et de sécurité, ces jeunes «gros bras» symboliseraient la terreur actuellement au Togo.

Ce matin, tous les carrefours étaient encore sous haute surveillance militaire et alors que la communauté internationale a appelé hier à un apaisement, l'opposition a encore exhorté à la mobilisation. A Lomé et à Sokodé tout comme à Bafilo, la tension n'est pas descendue.

A Bè-Kpota, fief de l'opposition, les gaz lacrymogènes ne cessent de pleuvoir. «Nous confirmons que les manifestations sont maintenues. C'est un devoir pour nous, d'ailleurs. Il faut que le peuple togolais se rende compte que si nous ne menons pas cette lutte, nous la laisserons à nos enfants. Il faut véritablement une fois pour toutes régler le problème togolais. Sinon, nos enfants et nos petits-enfants auront à mener cette lutte», a d'abord indiqué le professeur Komi Wolou de la coalition de l'opposition, avant d'expliquer que la démarche de cette dernière «s'inscrit dans une logique républicaine. Lorsque le pouvoir confisque les moyens de l'Etat pour brimer en toute illégalité, je crois que c'est un devoir pour nous de dire non. Ce n'est pas parce qu'ils décident de nous traiter comme des esclaves que nous accepterons le sort qu'ils veulent nous réserver. Je crois qu'on ne les défie pas. Nous agissons en toute légalité et nous voudrons leur dire qu'ils sont dans l'illégalité absolue».

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Commentaires 4
à écrit le 19/10/2017 à 20:23
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Ce matin les miliciens ont encore tuer les jeunes manistants au Togo.

à écrit le 19/10/2017 à 20:20
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Merci pour ces informations. Tout ca prouve que Faure Gnassingde est tres mal elu.

à écrit le 19/10/2017 à 20:13
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ca fait pitié que mon pays le Togo est descendu jusqu'à ce niveau. Ce qui est suprenant Faure Gnassingbé ne dit rien. Il lesse faire; Aujourd'hui les miliciens ont encore tuer plusieurs personnes des corps jonchent encore sur les trotoir à Lomé. Piti...

à écrit le 19/10/2017 à 20:10
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je ne comprends plus rien sur la situation togolais. Malgré tout ce qui se passe la communauté internationale ne dit rien. Faure Gnassingbé va tuer mille personnes avant quelle ne réagit ??? hummmm

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