Terrorisme : les limites du tout militaire

En marge du Forum Medays qui s'est tenu du 7 au 10 décembre à Tanger au Nord du Maroc, la question des réponses à la prolifération des réseaux terroristes en Afrique a été discutée. Une situation qui est généralement vue et menée sous un angle purement militaire. L’évolution sur le terrain prouve l’impuissance de la réponse militaire seule, sans un appui en renseignement et intelligence. D’autres voies vont plus loin et appellent à une meilleure compréhension et résolution des causes ayant favorisé l’éclosion de ce genre d’organisation.
Amine Ater
L'option militaire a montré ses limites dans la lutte contre le terrorisme en Afrique ce qui oblige les gouvernement à réfléchir à des modèles de renseignements

La prolifération des groupes terroristes en Afrique qui ont en partie porté allégeance aux « majors » (Al Qaïda et Daech), bien que séparés par des milliers de kilomètres les unes et les autres obligent les gouvernements africains à concevoir de nouvelles approches. Devant l'incapacité des réponses purement militaires à annuler la capacité de nuisance de ses organisations, les Etats africains sont dans l'obligation de mettre en place d'autres mesures sécuritaires.

L'intervention française au Nord-Mali est un bon exemple de cette situation, bien qu'ayant libéré les villes tombées aux mains des djihadistes et rétabli un semblant de souveraineté sur la région. L'immensité du territoire et la porosité des frontières limitrophes a permis aux Mujao, Ansar Eddine et Aqmi de continuer à mener des attaques au Sahel, atteignant même la capitale Bamako, la Côte d'ivoire et le Burkina Faso.

« Ce qui se passe actuellement sur le terrain, n'est pas tout à fait récent et ne date pas que des premières attaques. L'implantation de ce genre de groupe dans la région et la prolifération des menaces terroriste a débuté il y'a beaucoup plus longtemps qu'on ne l'imagine », explique Karim Keita, président de la Commission de Défense Nationale, de la Sécurité et de la Protection Civile malienne.

Une présence ancienne

La présence des groupes terroristes au Sahel ne date pas des événements de 2014. Anciens de la guerre civile algérienne pour la plupart, les leaders de ses groupes ont trouvé dans le désert sahélien un sanctuaire dès la fin les années 1990. « L'on a refoulé tellement de terroristes vers le Nord-Mali, que c'en est devenu incontrôlable », rappelle Keita. Discretes au début, ces organisations ont dans un premier temps joué le rôle de « logisticiens et de personnel de sécurité », pour le comptes des trafiquants de drogues et d'autres contrebandiers. Leur connaissance du terrain, leur armement conjugués à l'absence de toute formes d'autorité dans ces zones désertiques leur permettaient de monnayer leurs services aux cartels Sud-américains souhaitant atteindre l'Europe via l'Afrique de l'Ouest et le Maghreb. Ces groupes terroristes ont par la suite mené une série d'enlèvements de coopérants, expatriés et humanitaires occidentaux travaillant dans la région, qu'ils relâchaient après le paiement de rançons. Ces derniers n'ont adopté une posture purement militaire et expansionniste qu'après la chute du régime Kadhafi en Libye et l'éparpillement d'une grande partie de l'arsenal de l'armée régulière dans la région.

Bien que les capacités militaires de ces groupes aient fortement diminué, ils conservent un important arsenal disposé dans de multiples caches dans le désert sahélien. Leur stratégie est également passée d'un affrontement frontal à des techniques de guérillas et d'harcèlement des troupes via des attaques éclairs de postes avancées, de postes d'IED sur les routes empruntées par les convois militaires et quelques attaques spectaculaires dans les grandes villes ciblant les endroits où se rassemblent généralement les étrangers (hôtels, centres commerciaux, restaurants...). Un changement de conduite qui oblige les gouvernements à muscler leurs services de renseignements de manière à anticiper les mouvements des organisations terroristes.

Toujours plus de collaboration sécuritaire

Certains appellent également à une plus grande collaboration entre les services africains. Un rapprochement qui pourrait se traduire par la création de bases de données communes et la centralisation des informations stratégiques au niveau africain. « Les services de renseignement se parlent mais de manière très subtile. Nous avons pu empêcher récemment des attentats terroristes qui visaient des centres commerciaux à Dakar, en suivant les mouvements de la cellule jusqu'à Dakar, puis en interceptant les armes qui étaient destinées à l'attentat », confie Keita.

Pour Lawrence Korb : « les groupes ont avant tout des approches tactiques, même en vainquant Daech, cela ne signifierait pas la fin du terrorisme pour autant. La clé réside dans l'identification et la résolution des causes qui ont mené à cette situation », soutient cet analyste pour le Center for Defense Information.

Face à la réactivité de ces groupes et leur maîtrise des différents outils de communication. Les pays devront se doter de bases de simulations communes pour comprendre et trouver des contre-mesures aux techniques utilisées par les groupes terroristes. Cette montée en puissance des organisations terroristes serait également dues à une « certaine indifférence » des pays occidentaux.

« Après la fin de la guerre froide, l'Europe a baissé ses budgets militaires et d'intelligence en se reposant sur le parapluie américain. Ce qui n'est plus possible aujourd'hui. Le président Trump a justement demandé aux pays européens d'augmenter leurs dépenses militaires notamment au sein de l'Otan. Une demande qui a été acceptée », avance James Woosley, ex-directeur de la CIA (1993-1995) et conseiller en sécurité de Donald Trump.

Amine Ater

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