Les technologies dans l’éducation : entre opportunités et défis pour l’avenir de l’apprentissage

Il semble qu'un nouvel outil technologique apparaisse à chaque instant et vienne renforcer l'armure de la société. En tant que ministres de l'Éducation, nous devons déterminer rapidement s'il est opportun d'investir dans chacun de ces nouveaux outils, ce qui a des conséquences monumentales pour notre budget, pour la responsabilité que se voient alors conférer les enseignants et, à terme, pour nos apprenants.
David Moinina Sengeh, ministre de l'Éducation de la Sierre Leone.
David Moinina Sengeh, ministre de l'Éducation de la Sierre Leone. (Crédits : DR.)

Je crois fermement que l'on peut tirer profit de la technologie si on arrive à la concevoir comme un outil de développement. Avant de devenir ministre de l'Éducation, j'ai utilisé de nombreuses technologies différentes dans mon travail pour mettre au point des prothèses pour les amputés, un système qui permet aux gens de marcher plus confortablement, d'aller à l'école et de poursuivre leur chemin dans la vie.  Mon rôle désormais, en tant que ministre de l'Enseignement de base et secondaire supérieur et Directeur de l'innovation du gouvernement de la Sierra Leone s'appuie encore sur ce lien.

De nouvelles idées permettent un passage au numérique, qui, à son tour, s'en nourrit pour nous aider à améliorer les systèmes d'éducation. Conjuguées, l'éducation et la technologie peuvent conduire à une amélioration générale de la qualité des systèmes et à plus d'équité pour la société.

Mais la relation entre éducation et technologie est particulièrement délicate, notamment en ce qui concerne la technologie numérique. La nouvelle publication du Rapport mondial de suivi sur l'éducation de l'UNESCO, intitulée La technologie dans l'éducation : qui fixe les conditions de son utilisation ?, l'a abordée en détail ce mois-ci. Comprendre quand et comment utiliser la technologie, mais aussi, et surtout, quand ne pas l'utiliser dans le cadre de nos missions éducatives devient une compétence essentielle pour les décideurs dans le domaine éducatif au XXIe siècle. Le traitement des données générées par les systèmes éducatifs et leur utilisation pour améliorer l'efficacité et la productivité de nos systèmes afin de répondre aux besoins éducatifs de tous les enfants présentent de multiples avantages, par exemple. Mais il y a également des risques à se jeter dans le grand bain trop rapidement ou, à l'inverse, à paniquer à chaque fois qu'un nouveau produit est lancé. En d'autres termes, pour pouvoir faire preuve de discernement en matière de technologie, nous devons également en faire preuve en ce qui concerne les systèmes d'éducation que nous voulons créer.

En Sierra Leone, nous avons essayé de donner la priorité aux technologies qui, selon nous, peuvent améliorer notre gestion de l'éducation. Nous avons investi dans des données que la technologie nous fournit et qui peuvent nous donner une représentation de l'état de santé de notre système éducatif, tout comme elles peuvent nous aider à nous assurer que le parcours d'apprentissage de chaque enfant est sur la bonne voie. Nos efforts en faveur de l'inclusion totale ne sont pas seulement alimentés par les données, mais ils en dépendent aussi.  Nous recensons tout le monde pour être sûrs de ne laisser personne de côté.  Notre stratégie EdTech est étroitement liée à notre vision à long terme qui consiste à offrir une éducation inclusive et de qualité à tous les apprenants ainsi qu'à tous les enseignants.

Lorsque le mécanisme fonctionne bien, les données générées au sein de notre système éducatif constituent le meilleur des guides pour les politiques que nous devons mettre en œuvre afin d'améliorer la situation. Cela vaut aussi bien pour les responsables politiques que pour les enseignants, les directeurs d'école, les enseignants, les parents et les communautés. Les chefs d'établissement du primaire sont aujourd'hui disposés à utiliser des tablettes pour collecter et utiliser des données dynamiques dans le cadre de la gestion de leurs écoles, pour gérer le recrutement des enseignants, ou encore les inscriptions et l'assiduité des élèves.

Nous investissons dans #laTechnologieaNotreService, ce qui signifie que nous n'utilisons que les outils qui, selon nous, contribuent à la réalisation de nos objectifs d'apprentissage. Construire des systèmes qui reposent sur des identifiants individuels pour chaque élève et chaque école - comme nous le faisons depuis 2018 - par exemple, est incontestablement utile. Notre recensement annuel numérisé dans les établissements scolaires permet de détecter les problèmes bien plus rapidement que ne le feraient plusieurs visites d'inspection en personne - même si, in fine, nous avons besoin de l'un et de l'autre.

Des problèmes tels que l'inégalité à l'école et une distribution inadéquate des ressources peuvent également être évités si nous sommes en mesure de les visualiser. Le nouveau Rapport GEM nous rappelle que c'est précisément ce que permet l'utilisation des données géospatiales. Celle-ci reste embryonnaire dans les pays à revenu faible et intermédiaire inférieur, alors que c'est là qu'elle est le plus nécessaire. En Sierra Leone, nous cherchons à optimiser ces innovations à l'aide d'un outil SIG qui évalue l'emplacement des nouvelles écoles en fonction des données relatives à la pauvreté, à la population et aux risques d'inondation. Il permet d'identifier nos points faibles, les domaines dans lesquels nous pourrions nous perfectionner et ceux pour lesquels nous avons besoin d'apprendre.

Les avantages en termes d'efficacité peuvent également provenir, dans certains cas, de la faculté offerte par la technologie de mettre en œuvre des réformes de politique éducative rapidement et à grande échelle. Le nouveau rapport montre que les pays sont de plus en plus nombreux à reconnaître les avantages incontestables que présente l'utilisation de la technologie pour la formation professionnelle des enseignants, par exemple. Cela permet d'éliminer les contraintes liées aux lieux ou au temps ; c'est une solution économique, qui favorise la collaboration entre les enseignants et améliore les pratiques d'enseignement.  En Sierra Leone, nous associons des supports audio, visuels et numériques à des cahiers d'exercices imprimés afin d'améliorer la formation des enseignants et de susciter l'enthousiasme pour le potentiel de la technologie dans le cadre pédagogique dès le départ.

Mais un message qui ressort du nouveau Rapport GEM de cette semaine fait écho à ma propre expérience au cours des dernières années : le passage en douceur à un nouveau système de gestion à la pointe de la technologie n'est pas toujours facile ou économique.  Peut-être n'est-ce pas surprenant qu'il existe un décalage entre les avantages escomptés de la technologie dans la gestion de l'éducation et leur concrétisation. Des questions apparemment insignifiantes, telles que l'entretien et la réparation des infrastructures, sont souvent négligées ou sous-estimées. Parfois, l'objectif même qu'est l'amélioration de l'apprentissage finit par être oublié lors de la conception des outils qui l'analyse. Il arrive aussi que nous ne tenions pas compte du niveau réel de nos capacités et de nos ressources.

Le fait de construire des systèmes alimentés par des données qui utilisent des tableaux de bord, des graphiques et des diagrammes suppose également une capacité à absorber ce niveau de changement, notamment de la part de chefs d'établissement compétents et d'enseignants confiants et prêts à innover. Cela nécessite qu'un grand nombre de personnes maîtrisent le maniement des données, ce qui est loin d'être le cas dans de nombreux milieux.

La seule chose sur laquelle nous sommes tous d'accord c'est qu'il y a tellement d'outils, d'acteurs, de systèmes d'exploitation différents et tellement de conclusions contradictoires sur ce qui fonctionne ou pas que ça en devient vertigineux. Je me réjouis donc de la publication de ce nouveau rapport mondial formateur sur cette question. Nous avons besoin du soutien de partenaires capables de fournir des données factuelles qui éclairent nos prises de décision quotidiennes.

(*) Ministre de l'Éducation de la Sierre Leone.

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