Quatre grandes priorités pour une relance inclusive et durable post-pandémie en Afrique

La pandémie de COVID-19 plonge l'Afrique subsaharienne dans sa première récession depuis 25 ans, mettant en péril des décennies de progrès économique. Une reprise inclusive, cohésive et durable dépendra de l'efficacité avec laquelle les gouvernements et les partenaires du secteur privé s'attaqueront aux quatre grandes priorités suivantes.
Chido Munyati, responsable du département Afrique au Forum Économique Mondial
Chido Munyati, responsable du département Afrique au Forum Économique Mondial (Crédits : WEF)

Implémenter la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf)

La zone de libre-échange continentale africaine, qui est entrée en vigueur le 1er janvier, peut servir de cadre à la reprise économique de la région. La zone vise à relier 1,3 milliard de personnes dans 55 pays avec un produit intérieur brut (PIB) combiné évalué à 3,4 billions de dollars US.

On estime que la ZLECAf augmentera le volume du commerce intra-africain de plus de 81 % d'ici 2035, créant ainsi de nouvelles opportunités pour les fabricants et les travailleurs africains. Le groupe d'action régional pour l'Afrique du Forum Économique Mondial, en collaboration avec Deloitte, a récemment publié un rapport qui examine comment les gouvernements et le secteur privé peuvent tirer parti de cette opportunité en créant des chaînes de valeur régionales efficaces.

En effet, la mise en œuvre de la ZLECAf, qui nécessitera la coopération et la coordination des acteurs publics et privés, contribuera à lancer le type de réformes nécessaires pour renforcer la croissance à long terme, réduire la pauvreté et élargir l'inclusion économique.

Selon la Banque mondiale, la plupart des revenus de la ZLECAf proviendront probablement des mesures de facilitation du commerce qui réduisent la bureaucratie et simplifient les procédures douanières. L'Alliance mondiale pour la facilitation des échanges, un partenariat public-privé dirigé par le Forum, travaille sur le terrain avec les gouvernements et le secteur privé pour réaliser des projets qui contribueront à la mise en œuvre de l'accord de facilitation des échanges.  L'Alliance a actuellement des projets en cours au Ghana, au Nigeria, au Kenya, au Malawi et en Zambie.

S'attaquer aux vulnérabilités macroéconomiques

En outre, la pandémie a mis en évidence les vulnérabilités macroéconomiques de la région, et la plupart des pays sortiront probablement de la crise avec d'importants déficits budgétaires. Il est inquiétant de constater que le risque de défaut de paiement a commencé à se matérialiser dans la région, la Zambie enregistrant le premier défaut de paiement souverain de l'Afrique depuis le début de la pandémie.

En mai 2020, les pays du G20 ont mis en place l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD). Au total, 37 pays africains peuvent bénéficier d'une suspension temporaire des paiements du service de la dette dus à leurs créanciers bilatéraux officiels. Cependant, en décembre, seuls 28 pays africains participaient à l'initiative, par crainte que toute suspension du paiement des intérêts ne déclenche une dégradation des notations souveraines et ne restreigne l'accès futur aux créanciers privés. En réponse, le G20 et les gouvernements régionaux ont appelé les créanciers privés à participer à l'initiative dans des conditions comparables.

Les perspectives de reprise durable de la région sont limitées en l'absence de financement extérieur.  Par conséquent, les membres du groupe d'action régionale pour l'Afrique du Forum ont proposé de nouveaux modèles de financement, notamment le recyclage des actifs, la création d'un instrument spécial sur le modèle des facilités de rachat "repo" couramment utilisées par les banques centrales, des approches novatrices de financement mixte et des principes pour traiter les discussions sur la dette africaine.

Exploiter la transformation numérique

En outre, la pandémie a été un catalyseur de l'accélération de la transformation numérique dans toute la région. L'économie numérique offre des possibilités d'accroître la productivité, l'esprit d'entreprise, l'innovation et la création d'emplois. On estime que d'ici 2025, l'économie de l'Internet pourrait contribuer à hauteur de 180 milliards de dollars à l'économie africaine, soit 5,2 % du PIB du continent.

Toutefois, l'ampleur et la rapidité des progrès sont entravées par les lacunes dans les infrastructures et les compétences numériques. La région continue de disposer de l'internet le plus cher et devrait dépenser 100 milliards de dollars américains d'ici 2030 pour parvenir à un accès universel au haut débit.

Les centres affiliés aux centres pour la quatrième révolution industrielle - en Afrique du Sud et au Rwanda - joueront un rôle essentiel en contribuant à façonner le développement et l'application des technologies émergentes au profit de la région.

Il est important de souligner que l'Afrique a besoin d'une main-d'œuvre dotée des compétences numériques nécessaires pour exploiter les possibilités de la transformation numérique. Cela est particulièrement important car, étant la région la plus jeune du monde, l'Afrique comptera près d'un cinquième de la main-d'œuvre mondiale et près d'un tiers de la main-d'œuvre jeune au niveau mondiale d'ici 2030. Le Forum et le gouvernement sud-africain se sont associés pour mettre en place un programme visant à combler les lacunes en matière de compétences et à remodeler l'éducation et la formation pour l'avenir.

Assurer une transition équitable vers la neutralité carbone

Enfin, l'Afrique étant particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, la reprise devrait être menée dans le cadre d'une transition équitable vers le zéro émission nette. À cette fin, l'African Circular Economy Alliance collabore avec le groupe d'action régional pour l'Afrique et l'Africa Plastics Recycling Alliance - une coalition qui comprend The Coca-Cola Company, Diageo, Unilever et Nestlé - à la mise en place d'une industrie de recyclage des bouteilles en circuit fermé sur le continent et à l'établissement d'une norme régionale commune pour le PET recyclé.

Compte tenu de la nature sans précédent de la crise liée à la pandémie de COVID-19, l'Afrique est se trouve face à un chemin difficile et imprévisible vers la reprise, et il y aura toujours un large éventail de défis de politique économique à relever. Toutefois, en donnant la priorité à ces quatre actions, les gouvernements et les entreprises peuvent s'unir pour assurer une reprise inclusive et durable qui profite à l'Afrique et au monde entier.

Cet article fait partie de l'Agenda de Davos, 25-29 janvier 2021.

*Chido Munyati est le responsable du département Afrique au Forum Économique Mondial.

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