La marée noire à Maurice ne peut pas être nettoyée, mais doit être indemnisée par ceux qui l’ont causée

Jusqu'à aujourd'hui, il est impossible de tenir une entreprise entièrement responsable de ce type de catastrophe par la seule voie juridique. Le cadre juridique pour les questions environnementales n'est pas suffisant, car toujours en cours d'élaboration.
(Crédits : Greenpeace Afrique)

Les marées noires rendent visible le prix énorme payé par l'environnement, la faune et les communautés humaines pour notre dépendance aux combustibles fossiles. Ils sont une dure démonstration de la fragilité de nos océans. Elles nous rappellent tristement combien il est urgent de mettre fin à notre dépendance aux combustibles fossiles et de passer à des sources d'énergie renouvelables alternatives.

Le 25 juillet, le vraquier japonais MV Wakashio - affrété par Mitsui OSK et appartenant à Nagashiki Shipping - a heurté une magnifique et irremplaçable barrière de corail sur la côte sud-est de l'île Maurice. Le navire naviguait dangereusement près du récif et s'est échoué. Douze jours plus tard, un fioul lourd particulièrement polluant, a commencé à se répandre dans le lagon, dévastant l'une des plus belles lagunes du monde et ruinant les moyens de subsistance des communautés côtières.

Au cours des cinq dernières semaines à Maurice, nous avons vu de longues étendues d'océan, des mangroves uniques et des lagons vierges s'enduire rapidement de pétrole. Nous avons vu les Mauriciens se précipiter sur la plage, risquant leur vie en essayant d'enlever le pétrole de chaque roche et grain de sable, essayant désespérément de retrouver la beauté de leur ile submergée par des vagues toxiques, et amené sans relâche par la marée jusqu'au rivage. Nos pensées vont aux familles des marins qui ont perdu la vie lors d'une opération de sauvetage. Des milliers d'espèces autour des lagons vierges de Blue Bay, Pointe d'Esny et Mahebourg risquent de suffoquer ou de se noyer dans une mer de pollution, avec des conséquences désastreuses pour le tourisme mauricien, la sécurité alimentaire et la santé des populations.

En outre, il est nécessaire de considérer les mauvaises conséquences de l'accumulation de ce produit toxique sur les espèces marines consommées par les Mauriciens même si les nappes d'huile sont enlevées. Les résidus de pétrole s'accumulent dans les sédiments, en particulier sur les côtes. Les impacts de cette marée noire - comme toute autre marée noire - se feront sentir des années après que le pétrole de surface ait été enlevé. Les Mauriciens vont devoir vivre avec cette réalité dévastatrice pendant des décennies.

La responsabilité sociale des entreprises

Il ne fait aucun doute que Mitsui OSK et Nagashiki Shipping sont conjointement la cause de la pollution dévastatrice des eaux mauriciennes. Après les douze premiers jours de silence, Mitsui OSK et Nagashiki Shipping ont présenté leurs excuses pour cette catastrophe. Pour que ces excuses aient un sens, elles doivent être accompagnées d'actions. Il faudrait pour cela appliquer pleinement le principe du "pollueur-payeur", ce qui signifie que les compagnies doivent payer pour tous les dommages actuels et futurs.

Parallèlement, des rapports émergents suggèrent que les gouvernements japonais et mauricien ont entamé des pourparlers pour que le gouvernement japonais fournisse seulement 3,6 milliards de yens (près de 34 millions de dollars) au gouvernement mauricien pour soutenir les pêcheurs locaux qui ont été touchés par la marée noire.

Si les mesures prises par le gouvernement japonais pour aider le gouvernement de l'île Maurice à faire face aux impacts toxiques de la marée noire sont les bienvenues, les contribuables japonais ne devraient pas être tenus responsables des actions des sociétés japonaises, qui ont été assez téméraires pour permettre à l'un de ses plus gros navires de se déplacer si près des récifs coralliens et de s'échouer. Fondamentalement, les responsables de la pollution doivent payer pour les dommages que leur pollution a causés. Mitsui OSK et Nagashiki Shipping semblent vouloir esquiver leurs responsabilités.

Le principe du "pollueur-payeur" nécessiterait le financement, entre autres, d'une enquête publique indépendante sur les causes et les conséquences de la marée noire, et l'engagement de cesser d'utiliser cette route maritime.

Il faut tenir compte des moyens de subsistance de ceux qui dépendent de la pêche et du tourisme, des récifs coralliens, des mangroves, des zones humides et de l'ensemble de l'écosystème vulnérable. Une annonce récente de Mitsui OSK montre un signe positif précoce, car elle décide de remédier aux dommages causés par la société dans une perspective de rétablissement à long terme. Cela va au-delà de la responsabilité de l'affréteur, et la responsabilité sociale de l'entreprise concernée est clairement requise dans un cas comme celui-ci.

Il est impossible de tenir une entreprise entièrement responsable par la seule voie juridique. Le cadre juridique pour les questions environnementales n'est pas suffisant, car toujours en cours d'élaboration. Pour cette raison, Mitsui OSK et Nagashiki Shipping doivent s'engager de manière proactive à assumer leur responsabilité sociale, plutôt que de profiter des lacunes juridiques.

Plus important encore, Mitsui OSK et Nagashiki Shipping devraient utiliser cette catastrophe comme une opportunité de s'éloigner enfin des combustibles fossiles et de se tourner vers les énergies renouvelables durables. Les deux compagnies devraient renoncer au transport de charbon, de pétrole et de gaz. Plus précisément, Mitsui OSK devrait mettre fin à toute implication dans la production de pétrole et de gaz, y compris autour du GNL.

Les catastrophes des combustibles fossiles

Sans les combustibles fossiles, rien de tout cela ne serait arrivé. Les entreprises qui produisent, transportent et brûlent du pétrole voudraient nous faire croire qu'avec suffisamment de bonne volonté, il peut être nettoyé, comme le lait renversé sur le sol de la cuisine. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

En plus de menacer la biodiversité des océans et les moyens de subsistance des communautés côtières, notre utilisation du pétrole est un moteur de la crise climatique mondiale. Les plus éminents climatologues du monde ont averti que nous devons de toute urgence et radicalement réduire au minimum l'utilisation du pétrole, du gaz et du charbon afin d'éviter les pires impacts de l'urgence climatique. La crise climatique est une menace existentielle et en réponse à celle-ci, des millions de personnes dans le monde entier se mobilisent. Cette marée noire est un rappel tragique et dévastateur du fait que les combustibles fossiles sont toxiques et que notre dépendance à leur égard met en danger les populations et la planète. Il est plus que temps de construire un avenir meilleur.

(*)Roshan Rajroop est le président du conseil d'administration de l'organisation des droits de l'homme Dis Moi.

(**) Melita Steele est directrice de programme de l'organisation environnementale Greenpeace Afrique et Greenpeace Japon.

(***) Hisayo Takada est directeur de programme de l'organisation environnementale Greenpeace Japon.

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