Les Afriques n'attendent plus  !

En moins de six mois, voilà les Afrique(s) en pleine démonstration de résilience qui nous montrent sans aucune arrogance la voie, leurs voies d'Afrique(s).
(Crédits : LTA)

Ce n'est pas un mystère que le formidable levier d'une jeunesse qui n'attend plus, innove, réagit, entreprend - sans pour autant bénéficier comme au Nord de soutiens multiples pour réussir. Avec un peu plus de 50 pays aux institutions et organisations parfois très différentes, au bilan ce sont moins de 4 000 morts du Covid-19 à fin mai. Et les réflexions mûrissent elles aussi d'une façon contrastée à ce qu'elles furent il y a moins de 5 ans encore. Un économiste sénégalais réputé assume de « sortir de la compassion et de la main tendue », un des plus grands financiers du continent ne tire aucun génie en affirmant : « Le temps est venu de transformer, cessons d'expédier nos matières premières et exigeons la co-construction dans les statuts des sociétés avec nos partenaires ». Si la nécessaire adaptation à la crise ne cadre pas avec les mécanismes financiers de réponses traditionnels -évaluation des projets, cadrages des appels d'offres, mises en place des sûretés, mobilisation des fonds....- d'autres outils plus véloces connaissent une croissance très forte : la micro-finance, les mécanismes de compensation non monétaires , les partenariats de toute sorte, l'adaptation des PPP, accélérée par la digitalisation pour laquelle l'Afrique a parfois des lieux d'avance. Il reste pourtant beaucoup à faire pour ces Afrique(s) qui cumulent des records de pauvreté !

Depuis février, pas moins de 80.000 articles, point de vue, tribunes et autres opinions ont inondé la toile, les réseaux, les journaux,... au point de nous noyer de nuances prétendument sémantiques. Alors que les mots ont un sens et « l'aide au développement » révulse maintenant ceux qui en seraient en théorie bénéficiaires, car même avec des taux de croissance connus sur ces dernières années de 6 à 8%, ce ne sont pas le plus souvent les populations africaines les plus exposées qui en ont reçu les fruits. Cette pandémie, c'est aussi le retour aux faits et l'opportunité historique de ne surtout pas « re-commencer » « re-démarrer » mais bien d'inventer et de contester sans états d'âme les vérités d'hier pour bâtir, maintenant. Alors même que le financement des PME et du secteur informel -qui représentent plus de 80% du tissu économique sur le continent - reste perçu comme risqué et donc plutôt coûteux, il y a là un très fort potentiel encore inexploré. A condition de bien choisir les projets et les hommes. Et c'est bien justement là que le rôle central du secteur privé prend tout son sens. En Afrique(s) ce sont les alliances qui vont naître de ce moment qui positionnent déjà les champions de demain.

Pour y arriver, il faut s'assurer que l'on tire les leçons de cette crise pour une industrialisation de l'Afrique, en s'interrogeant sur les priorités des Afriques. Sans être exhaustif, car chaque Afrique à ses spécificités propres, les grandes lignes pourraient être :

L'autosuffisance alimentaire, car la crise a montré que certains pays avaient eu du mal s'approvisionner en denrées essentielles à cause des fermetures de frontières. Ensuite, la nécessité de transformer les matières premières sur place et amorcer la nécessaire industrialisation du continent de façon endogène. Ceci nécessitera des préalables en fonction des pays et un écosystème favorable (disponibilité et cout de l'énergie, formation professionnelle accrue, une intégration régionale pour assurer les débouchés aux produits).

Dans cette réflexion, les secteurs industriels qui pourraient émerger sont à titre illustratif l'agro-industrie, l'industrie pharmaceutique, l'industrie des composants électroniques pour les pays qui ont les matières premières comme le cobalt... et bien entendu tout le développement autour des Services.

Tout ceci ne sera possible si le financement de l'économie par le système bancaire,très faible aujourd'hui, est amélioré par un système de partage de risque qui sécurise les banques et les institutions financières dans la part du risque qu'elles assument. Le mécanisme de garantie devra être mieux utilisé.

Nul doute que les conséquences de cette crise unique sont encore mal évaluées, mais un simple regard hors continent permet d'éclairer ce à quoi d'autres vont avoir à faire face dans les 18 mois à venir : le PIB israélien se contracte de 7,1% cette année, la dette publique au Liban a dépassé 176% de son PIB, les taux de pauvreté explosent en Asie et les recettes touristiques en Europe se sont littéralement écroulées. Et comme s'il ne suffisait, les pays au ban sont sanctionnés plus encore : l'Iran a vu son trafic aérien diminuer de plus de 81% en 2 mois. Nous aurons bientôt d'autres chiffres, ils seront plus sévères, et alors que l'été s'annonce après ce confinement en puzzle, n'oublions pas et l'automne, et l'hiver ! Il est donc urgent d'imaginer dès maintenant le monde d'après !

(*) Wilfrid Lauriano Do Rego est président du Conseil de surveillance de KPMG France et coordonateur du Conseil présidentiel pour l'Afrique.

(**) Patrice Fonlladosa est président du think tank (Re)sources et président Afrique du CEPS.

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