Coronavirus : « Le conte au présent d’un monstrueux couronnement »

Dans cette tribune décalée, Venant Mohamed Pouemi* propose « le conte au présent d’un monstrueux couronnement », en s’inspirant des effets de la pandémie du coronavirus sur la santé, l’économie et le bousculement des systèmes dont cette crise est porteuse.
(Crédits : DR)

Confinés comme beaucoup dans l'une des trappes les plus terribles de l'histoire, c'est à l'aide de nos mobiles de dernière génération et de nos machines bourrés d'inventions, que nous avons « re-fléchi » sur la limite de notre condition Humaine. Mais ce que ce que nous trouvâmes de particulier à ce récit c'est qu'il nous vint pour répondre à un objectif singulier : Comment relater et conter ce qui s'était passé aux enfants qui vont nous succéder. Et comme souvent, il y'avait caché dans la forme la plus évidente du mot toute sa profondeur.

L'étrange monstre qui avait un peu peur des enfants ?

La nouvelle maladie était un monstre terrible, un diable froid qui prenait un malin plaisir à étaler les nations les plus fortes, épouvantant et paniquant de fait les des plus faibles. Ces dernières conscientes de leur incapacité à faire face, n'avaient comme véritable bouclier que leur instinct de survie.

Cependant, le monstre semblait avoir plus de mal à saisir les tout petits, les enfants. Certains savants nous dirent que c'était parce que le système immunitaire des enfants était plus vierge et fort globalement qu'il résistait efficacement. On goba cela sans trop méditer, mais n'est-ce pas les mêmes savants qui toujours sous serment, avaient vendu toute sorte de traitements pour immuniser les enfants, qu'ils jugeaient trop fragiles jusqu'à cinq ans ?

Le dévoilement des limites et de la virulence des « grands »

Par une contrainte singulière, une menace spectaculaire, le monstre substitua les rituels de salutation par la chair (poignées de mains, câlins et autres accolades), par cette pieuse et distante inclinaison que l'on retrouve d'habitude chez les dévots. (Namaste).

En politique, les prétendus « patrons du monde libre », souvent si prompts à aller sauver la terre entière, barricadèrent leurs frontières sans succès. Et parfois pris de terreur, ils finirent par s'enfermer eux-mêmes dans leurs demeures.

En économie, le productionnisme prit des vacances et admit qu'il n'était pas si urgent finalement. Privé de son jumeau, le consumérisme lui aussi devînt raisonnable, il admit même le rationnement afin que chacun indépendamment de son Argent puisse avoir un peu de pain pour survivre. Mais comme on pouvait s'y attendre, la meilleure d'entre eux, la spéculation financière tenta de tirer avantage du malheur. Mais pour une fois, ses milliards corrompus échouèrent à s'approprier tous les droits sur les remèdes : le droit de survivre.

C'est ainsi que le capitalisme, leur père à tous, dévoila au grand jour son cynisme. Sa nudité étant livrée aux yeux du monde, il se débattait dans un mouvement tourmenté pour survivre.

D'une part, fidèle à lui même, il tentait de rendre son intérêt usurier indispensable à travers son fils aîné, la spéculation financière dévoilée plus haut. D'autre part, face à la menace implacable du monstre, il semblait aspirer à une rédemption. Sans jamais le reconnaître, il intégrait enfin quelques traits de son vieil ennemi Socio-Communiste : Reprise du contrôle des sociétés par l'Etat, baisse des prix et multiplication des gratuités, concentration du travail sur les besoins vitaux, rationnement.

En société, la famille reprit toute sa place de cellule de base. Confiné pour éviter le monstre, chacun réalisa à quel point elle était le premier et dernier rempart de l'humanité. L'invisibilité du monstre poussa les dirigeants à remettre la survie de toutes familles au centre de leurs priorités. Et on se souvint que l'endroit le plus sûr pour chacun c'était son domicile et que la réalité la plus précieuse c'était l'amour et la vie des gens qui nous ont donnés la vie et des gens à qui on a donné la vie. Les parents réalisèrent la responsabilité d'éduquer leurs enfants et les enfants à l'abri de la maladie profitèrent comme jamais du temps en présence de leurs parents.

Cependant, la dangerosité des contacts physiques sépara même ceux qui se croyaient unis dans la chair. Chaque homme, isolé dans sa chair, fut donc obligé à trouver la lumière lui même.

Et en religion, face au monstre, le commerce du salut recula laissant en première ligne la spiritualité : réflexion incontournable lorsque l'homme qui médite sur sa vanité. Les chapelles, les mosquées et les autres temples fermèrent, abandonnant chacun avec sa propre âme.

Le couronnement

En quelques semaines, toutes les idoles de la société moderne étaient tombées. Tous les palliatifs et subterfuges s'envolaient. Toutes les corruptions étaient stériles, même l'argent était impuissant face au monstre. Partout prétention se cassait les dents et la démagogie ne cessait de se dédire jusqu'à ravaler sa langue et fondre dans le silence.

L'humanité entière semblait recevoir un sacre étrange dévoilant son œuvre sous le soleil en même temps qu'il châtiait celle-ci. Le poids de cette couronne aussi invisible que terrible accablait et écrasait ses grandes et grosses têtes.

Dans le cœur humain, l'orgueil vit ses chefs s'incliner, la science avoua son efficacité relative, l'athéisme devint silencieux, la religion devint solitaire.  Chacun appelait à sa manière, le secours du destin, vu que celui des hommes s'avérait impuissant au fil du temps.

Dans son avancée terrible, le monstre poignarda des stars et il confina les présidents. Au comble de la terreur, il emprisonna l'héritier du plus grand trône des hommes qu'il menaça publiquement de la peine capitale. Ayant ainsi soumis les seigneurs de la terre, il rappela au grand jour l'égale fragilité des hommes.

De temps en temps, telles des lucioles dans la nuit, l'espoir clignotait pour ceux qui se souvenaient de rayons habituellement négligés que nous avaient légués les sages passés. Ainsi avait elle été formulée par Rousseau, le sage du Contrat de Société : « Ce sont nos faiblesses qui nous rendent sociables, ce sont nos misères communes qui portent nos cœurs à l'humanité ».

Cependant la bonne volonté entre les hommes n'était pas une mince affaire. Et les autres êtres, les animaux et les plantes de la terre, les observaient et s'interrogeaient en disant « L'humain, isolé dans sa chair, va-t-il trouver en lui-même trouver la lumière ? »

A l'abri de cette lumière, l'espoir réapparaissait, mais lorsqu'on sen éloignait, le monstre revenait. Corona ne semblait donc laisser à l'humanité que deux choix, voire un : la charité ou la mort.

*Directeur chez McCann Erickson Douala, Venant Mohamed Pouemi est un passionné de culture : En 2014, il lance à Douala avec d'autres et artistes et intellectuels le collectif « Soul Njangui », une agora de partage et d'échange qui s'intéresse au rôle de la créativité dans l'amélioration des sociétés africaines notamment.

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