« Nous ambitionnons de produire un million de tonnes d’ammoniac vert d’ici 2027 » (Karim Saoud, OCP Group)

A l'occasion des Tables rondes de l'Arbois, Karim Saoud, vice-président of Water and Energy du groupe marocain OCP, revient sur les enjeux liés à l'hydrogène vert, dont la production en Afrique devrait atteindre 50 millions de tonnes par an d'ici 2035, permettant ainsi de réduire les émissions de CO2 de 40 % sur le continent.
Karim Saoud, vice-président of Water and Energy d'OCP Group.
Karim Saoud, vice-président of Water and Energy d'OCP Group. (Crédits : LTA/Marie-France Réveillard)

La Tribune Afrique : Quelle place occupe l'hydrogène vert dans la stratégie globale d'OCP Group qui est l'un des leaders mondiaux de la production d'engrais ?

Karim Saoud : Notre objectif repose sur la décarbonation de toute notre chaîne de valeur, jusqu'aux Land Users, c'est-à-dire jusqu'aux fermiers. L'un des leviers essentiels pour atteindre cet objectif repose sur l'hydrogène vert (l'ammoniac nécessaire à la fabrication d'engrais étant un dérivé azoté de l'hydrogène, ndlr). L'agriculture face au changement climatique doit relever de nombreux défis au niveau des fertilisants. En chiffres, l'agriculture conventionnelle contribue à hauteur de 25 % aux émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Elle est également responsable de près de 90 % de la déforestation. Il faut donc urgemment porter un nouveau regard sur l'agriculture.

Quels sont les objectifs d'OCP Group à court terme en matière de production d'hydrogène vert ?

Nous ambitionnons de produire un million de tonnes d'ammoniac vert à l'horizon 2027 et 3,2 millions de tonnes d'ici 2032. Nous avons annoncé un investissement vert de 13 milliards de dollars sur les quatre prochaines années, destiné à la production de l'hydrogène vert et d'ammoniac (...) L'ammoniac vert représente l'une des solutions d'avenir pour une agriculture durable. Nous voulons apporter une solution de « customisation » du fertilisant. Nos engrais sont produits sur mesure pour s'adapter aux besoins spécifiques des différents types de sols, et pour aider les agriculteurs à suivre les principes des « 4R » de gestion des nutriments : le bon engrais, dans la bonne quantité, au bon moment et au bon endroit. La séquestration du carbone dans le sol peut également être monétisée par les fermiers, dans le cadre de l'objectif mondial « Zéro carbone ».

À terme, l'hydrogène vert sera-t-il uniquement destiné aux fertilisants ou se déclinera-t-il sous d'autres formes comme les carburants, par exemple ?

L'ammoniac est un très bon vecteur de l'hydrogène. À l'origine, il nous intéressait, car c'est un intrant de fertilisants, mais avec l'expertise que nous sommes en train d'acquérir, nous n'excluons pas d'autres options. Notre ambition doit être supportée par la recherche et le développement et c'est précisément dans ce cadre que nous travaillons avec l'Université Polytechnique Mohammed VI. L'électrolyse existe depuis un siècle, mais pour séparer l'hydrogène et l'oxygène, il faut beaucoup d'énergie et cela coûtait très cher, jusque récemment. Désormais, la baisse des coûts ouvre de nouvelles perspectives. Il reste néanmoins la question de l'intermittence de cette énergie. Or, des réponses comme le stockage d'hydrogène peuvent résoudre cette problématique. Nous travaillons donc avec l'UM6P sur le stockage, les batteries ou encore la manipulation de l'hydrogène... Nous comptons beaucoup sur le mix énergétique. Au niveau de l'éolien, l'effet d'échelle va provoquer une baisse sensible des prix. Parallèlement, nous travaillons sur les panneaux photovoltaïques pour améliorer leurs rendements et réduire leurs coûts.

La production annoncée d'un million de tonnes d'ammoniaque vert dans les provinces du Sud d'ici 2027 sera-t-elle destinée au seul marché marocain ou sera-t-elle également orientée vers l'international ?

Une partie sera dérisquée et destinée aux besoins du groupe OCP, l'autre partie sera orientée vers l'extérieur. Le groupe OCP importe 2 millions de tonnes d'ammoniac par an. Nous pourrions donc utiliser l'intégralité de ce million de tonnes d'ammoniac pour nos propres besoins. Cela étant, dans le cadre de cette première phase de développement, nous voulons en faire profiter aux autres acteurs pour générer une impulsion.

Quels sont les projets relatifs à l'hydrogène vert en cours de développement au Maroc ?

Nous avons signé un partenariat avec les Néerlandais pour un projet-pilote préindustriel de production de quatre tonnes par jour d'ammoniac vert, équipé d'une capacité d'électrolyse de 4 MW, dont 2 MW PEM et 2 MW Alcalin. Cette plateforme technologique de recherche appelée « H2A » est située au cœur du site industriel de Jorf Lasfar, sur une superficie initiale de 5 hectares. Progressivement, de nouveaux modules viendront s'ajouter pour produire du méthanol. Les équipements sont en cours d'installation. Par ailleurs, nous travaillons sur un deuxième projet pilote de 10 MW avec la compagnie Shell qui structure aussi sa stratégie de décarbonation.

Quel rôle peut jouer le Maroc et en particulier le groupe OCP en matière de décarbonation sur le continent africain ?

Les terres arables sont de plus en plus rares à l'échelle mondiale et l'Afrique dispose de près de 60 % des terres disponibles. D'aucuns prétendent que l'Afrique sauvera le monde de la famine, mais elle ne pourra le faire qu'à condition d'augmenter ses rendements (...) Nous avons d'ores et déjà développé plusieurs partenariats avec des pays africains et nous réfléchissons aux possibilités de production de l'hydrogène vert avec l'Éthiopie. Certains pays comme la Tunisie, l'Égypte ou encore l'Afrique du Sud, avancent sur la question. Cependant, nous voulons avant tout maîtriser le processus au niveau national avant d'exporter notre savoir-faire sur le continent.

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